Dennis Ross : «Riyad n’est pas notre allié et Doha arme les extrémistes»
C’est le média arabe Rai al-youm qui rappelle le fait : au mois de juin dernier, l’ancien ambassadeur des Etats-Unis au Moyen-Orient, Dennis Ross, n’a été tendre ni avec l’Arabie Saoudite ni avec le Qatar, les deux principaux protagonistes dans la crise diplomatique qui secoue actuellement la région du Golfe. A l’endroit du Qatar, il a admis que, certes, il a aidé les Américains dans leurs opérations militaires agressives dans la région, à partir de la base militaire Al-Udeid, dont l’implantation en 2001 a été financée par Doha à hauteur de plus d’un milliard de dollars – la plus grande base américaine aérienne en dehors des Etats-Unis qui fonctionne comme hub, avec 11 000 soldats –, mais en même temps, le petit émirat a tout aussi aidé, en le finançant également, le mouvement de résistance palestinien Hamas, considéré par les Etats-Unis et leur allié israélien comme terroriste.
Cette duplicité dont s’est longtemps accommodée la Maison-Blanche est subitement dénoncée par Washington, surtout que le soutien qatari au terrorisme bénéficie à des organisations, en particulier le Front Al-Nosra, branche d’Al-Qaïda, et Daech, qui ne se limitent pas au rôle qui leur est assigné de déstabiliser les pays arabes récalcitrants, comme la Syrie, mais ciblent ouvertement et tuent des Américains. Cette contradiction qui saute maintenant aux yeux de tous a ébranlé encore plus, à la faveur de la crise diplomatique qatarie, aussi bien les milieux politiques que l’opinion publique aux Etats-Unis et dans les pays occidentaux.
La même observation est faite pour l’Arabie Saoudite. Dennis Ross, qui est un vétéran de la diplomatie américaine et aussi un chercheur dans plusieurs instituts stratégiques à Washington DC, a relevé le fait que la situation des droits de l’Homme en Arabie Saoudite, appuyée par une version rétrograde de l’islam qu’elle s’efforce d’exporter à travers des filières extrémistes en collusion avec les mouvements terroristes, est en contradiction totale avec les valeurs des Etats-Unis. Dans ce sens, estime Dennis Ross, les Saoudiens ne sont pas alliés de Washington, mais seulement des partenaires.
Les positions exprimées par le diplomate américain sur le Qatar et l’Arabie Saoudite sont de nature à confirmer la thèse selon laquelle les Etats-Unis chercheraient à pousser vers la porte de sortie les monarques de ces deux pays qui menacent de faire basculer le Moyen-Orient dans le chaos (voir art. AP 27 juillet 2017). En effet, des diplomates occidentaux ont évoqué la possibilité d’un renversement de l’émir Tamim Ben Hamad Al-Thani (art. cité).
Au plan officiel, les Américains montrent leur agacement devant la crise déclenchée le 5 juin, par la décision de l’Arabie Saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis et l’Egypte de rompre leurs relations diplomatiques avec Doha, sous prétexte que le Qatar finance les mouvements terroristes et maintient des liens trop rapprochés avec l’Iran. Les Etats-Unis tentent d’en atténuer les effets dévastateurs sur leur stratégie dans la région. Le Secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, vient d’annoncer l’envoi prochain dans le Golfe de deux médiateurs, dont le général à la retraite Anthony Zinni, qui est l’ancien commandant des forces américaines au Moyen-Orient et qui a été émissaire spécial des Etats-Unis auprès de l’entité sioniste et de l’Autorité palestinienne.
Cette médiation ressemble pour l’heure à une mission impossible. Dernièrement, les chefs des diplomaties de l’Arabie Saoudite, de l’Egypte, du Bahreïn et des Emirats arabes unis ont réitéré leur appel à Doha de ne plus soutenir des organisations terroristes, laissant planer la menace de l’exclusion du Qatar du Conseil de coopération du Golfe (CCG) si celui-ci continue de faire la sourde oreille à leur demande. Le conflit tend plutôt à s’envenimer.
Houari Achouri
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