Hymne à la fontaine de la plèbe

Thala Iguefrene
La source Thala Iguefrene en cours de rénovation. D. R.

Par Arezki Hatem — Une fontaine qui ne jaillissait, de mémoire d’homme, qu’à la fonte des neiges, coule désormais sans interruption.

Dissimulée à l’ombre d’une végétation luxuriante comme une nubile se cachant des regards des convives, par pudeur, le jour de ses noces, Thala Guefrane est telle une éternelle mariée ; chaque jour que Dieu fait, on y vient dans une sorte de cortège nuptial célébrer son union avec un florilège de villageois : du chérubin gambadant d’allégresse et d’assurance tant la sève de la jeunesse circule dans son corps verdoyant tel un jeune olivier né d’un sain greffon, aux plus lestés par le poids des ans mais à la démarche toujours alerte, empruntant un sentier malmené par le temps perdus d’où  naissent des nébuleuses de poussière.

Thala Guefrane : source d’eau et d’histoire 

A l’origine la fontaine n’était qu’un puits situé sur un lopin de terre appartenant à une famille du village Aït Bouyahia, dans la commune de Beni Douala, département de Tizi-Ouzou, une région chargée d’histoire et qui fut le fer de lance du combat libérateur pour l’ émancipation du peuple algérien du joug colonial et des luttes pour la démocratie. Ce puits abreuva des années durant les villageois qui venaient y remplir cruches et carafes de son eau limpide.

La fontaine est aussi un déversoir des sentiments tus, des joies, des déceptions à l’insatiable amertume ; un lieu où les unions matrimoniales tissent leur premier fils ; un espace de convivialité légendaire où les amitiés les plus pérennes prennent naissance et les inimitiés les plus acerbes fondent comme soleil sous neige.

En 1934, les autorités coloniales eurent connaissance de la succulence et des vertus de l’eau de ce puits, drainant d’interminables processions de villageois ; ils entamèrent des travaux pour faire de ce fabuleux point d’eau une fontaine au sens propre du terme. Une conduite fut promptement posée pour alimenter leur siège sis à moins d’un kilomètre de la source d’eau. Certes les villageois ont profité aussi de cette modernisation, mais tout restant des seconds bénéficiaires de la richesse de leur propre terre.

A la fin du colonialisme, la fontaine n’a rien perdu de sa superbe et de nouveaux travaux de modernisation furent réalisés en 2013, pour draper ce lieu à la charge à la fois historique et émotionnelle d’une rutilante étoffe.

A. H.

Comment (4)

    MELLO
    16 septembre 2017 - 16 h 30 min

    La Kabylie face à elle même, dans un style d’invitation à une virée, cette fontaine nous donne de l’eau à la bouche. Arezki, une onde de fusion avec la nature nous inonde dans ce paysage constant le quotidien que nous vivons à chaque coin de rue jonché de sacs « poubelles » éventrés nous titillant les narines jusqu’au fond du gosier. Description d’un petit paradis sur terre Algérie , reconstruit par les colons, aujourd’hui détruit et souillé par nous mêmes. Non Arezki, le titre de l’article est très significatif car la fontaine est aussi un déversoir…

    Karamazov
    15 septembre 2017 - 18 h 10 min

    Houlala ! Même Freud y perdrait son latin dans cette foiso.. non mirob…. non plus, heueu.. on va dire pétarad… non éclab… Zut ! On va dire »pétillante allégorie » ma3lich.

    Tout ça me rappelle la chanson de Chépaki :
    « Atsen atsen a wa3di thechva agur l3id
    Thagzelt thefghed ats3edi
    Eguerthes avrid ” ( en arabe: haylik amerwila haylik amerwila).

    Le summum de la succulence est atteint avec : « … empruntant un sentier malmené par le temps perdus d’où naissent des nébuleuses de poussière… »

    Qui a dit que les chemins du paradis sont pavés de mauvaises intentions ?

    Bison
    15 septembre 2017 - 11 h 40 min

    Athala y’loughan dhach’ikam youghan; Athala yafran ( nagh yasran) dhach’ikmidisvanan!? Oh la fontaine trouble que ce qui te trouble; oh fontaine prude que ce qui t’a mis à nu!? signé Bison.

    Krimo
    14 septembre 2017 - 18 h 14 min

    Arezki Hatem,

    Belle plume et un plaisir pour la lecture.

    Ya si Areski, quand vous dites «une région chargée d’histoire et qui fut le fer de lance du combat libérateur pour l’ émancipation du peuple algérien du joug colonial … » jusque-là, la raison ne saurait vous contredire mais pour ces derniers mots « …… et des luttes pour la démocratie» …. l’éthique ne vous permettrait pas de prendre un tamis pour un parasol.

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