Contre l’idéologie harkie – Les guerres de libération nationale vietnamiennes (4)

Vietnam France Etats-Unis
Ainsi est le monde des dominateurs, partout, depuis toujours, passé, présent et futur. D. R.

Par Kaddour Naïmi En ayant en tête la guerre de Libération nationale algérienne, je suis allé à Hanoï pour me rendre compte personnellement de ce qui restait des guerres de libération patriotique vietnamienne successivement contre la domination coloniale française puis l’agression impérialiste étatsunienne.

Première visite : la prison centrale, l’équivalent de la prison Barberousse à Alger durant la colonisation. La prison de Hanoï était destinée à enfermer les combattants vietnamiens contre le colonialisme français. Elle est ouverte au public, local et étranger, six jours sur sept, durant la journée.

On voit les cellules collectives : des dortoirs où les prisonniers étaient enchaînés aux pieds par des barres de fer, liés les uns aux autres, sur un immense parterre servant à s’asseoir ou se coucher. Pour les prisonniers les plus résistants, les plus dangereux, les plus récalcitrants ou destinés à une exécution très prochaine, étaient réservées des cellules individuelles. Evidemment, elles étaient très étroites, très sombres, très humides, très peu aérées : des trous à rats. A moins d’une santé de fer et d’un esprit solide, on y succombe.

Ces cellules individuelles débouchent sur la salle principale. Là, trône le chef-d’œuvre de la «civilisation» française : la guillotine… A sa vue, je fus pris d’une violente émotion, rendue plus intense en pensant à Ahmed Zabana, le premier patriote algérien guillotiné par les colonialistes.

Puis, voici des photos-portraits de combattantes et combattants vietnamiens : de tous les âges, de toutes les professions, de toutes les ethnies, de toutes les expressions de visages. Avec leurs noms et prénoms.

Ensuite des textes : lettres aux parents, poésies chantant la résistance, la dignité face aux injustices et aux crimes colonialistes, l’amour de la liberté, du peuple, de la patrie.

Et encore des photos et des sculptures montrant les «bonnes manières civilisées» du colonialisme français : les tortures infligées aux prisonniers, les instruments employés, les corps maltraités, les blessures. Plus loin, voici les photos et sculptures des trous creusés clandestinement par des prisonniers pour s’évader et les instruments utilisés.

Ailleurs, des documents sur la seconde partie de la guerre patriotique, cette fois-ci contre les impérialistes américains. En particulier, les cellules des prisonniers étatsuniens capturés, leurs vêtements, leur nourriture, la possibilité qui leur était consentie de faire du sport, de jouer de la musique, de recevoir et d’écrire des lettres, etc.

On constate, alors, la différence de traitement : d’une part, la barbarie cruelle et criminelle des «civilisées» autorités colonialistes françaises contre les patriotes vietnamiens, et, d’autre part, la «barbarie» des autorités vietnamiennes : la situation des prisonniers américains était conforme aux conventions humanitaires internationales. Pourtant, ces prisonniers de guerre avaient, pour les fantassins, torturé et participé à des massacres de patriotes vietnamiens, et, pour les aviateurs, largué des bombes au napalm sur la population civile vietnamienne. Durant leur séjour en prison, les autorités vietnamiennes tentèrent de faire prendre conscience à ces criminels de guerre de l’injustice de leurs actes et de l’aspect criminel de leurs dirigeants étatiques. Ces derniers appelèrent ce genre d’action un «lavage de cerveau», sans appeler leurs propres agressions des crimes de guerre. Ainsi est le monde des dominateurs, partout, depuis toujours, passé, présent et futur.

Deuxième visite, dans une autre partie de Hanoï : le Musée de l’Armée populaire de libération. Il est situé sur une large avenue : le boulevard Dien-Bien-Phu. C’est le nom du lieu où l’armée coloniale française, dirigée par les officiers les plus «brillants» de la prestigieuse académie militaire de France, Saint-Cyr, et dotée des armements les plus sophistiqués, cette armée fut, en 1945, stratégiquement vaincue par l’armée populaire vietnamienne, dirigée par un ex-ouvrier dans une usine française (Ho Chi Minh) et un ex-enseignant d’école (Nguyen Giap). Leur éclatante et exemplaire victoire mit fin à l’infâme domination coloniale française.

Au musée, d’un côté, sont exposées les carcasses et photos d’avions de guerre américains. Ils causèrent tant de victimes, en lâchant du ciel leurs tapis de bombes de tout genre, sur tout ce qui bougeait, humains et animaux, au sud comme au nord du Vietnam. Les bombes au napalm brûlaient les forêts où se réfugiaient les partisans, mais où vivaient également des populations civiles. Le monde entier a vu la photo de la toute petite vietnamienne d’à peine huit ans courant hagarde, le corps nu à peine brûlé par le napalm. Les gouvernants, idéologues et certains écrivains et journalistes américains appelaient cela lutter contre le «communisme» en portant la «démocratie», la «liberté» et le «bien-être» au peuple vietnamien.

Au musée, d’un autre côté, on voit des chars de l’armée de libération vietnamienne, notamment ceux qui, en 1975, entrèrent les premiers dans Saigon finalement libérée.

Puis, dans diverses salles du musée, est présentée, accompagnée des informations nécessaires, en langues vietnamienne et anglaise, la longue histoire des diverses invasions étrangères et des résistances du peuple vietnamien contre les agresseurs. Des écrits, des photos, des instruments des agresseurs, d’une part, et, de l’autre part, des patriotes combattants, hommes et femmes. On constate l’extrême intelligence des résistants vietnamiens, concrétisée par leur incroyable et surprenante capacité de transformer leur faiblesse en force, notamment par l’emploi de tout ce qui peut exister comme arme de guerre de résistance. Par exemple, le bambou, répandu dans le pays, servait à confectionner des flèches empoisonnées, des sortes de couteau, des pointes mises dans des trous du sol cachant des pièges dans lesquels tombaient les fantassins ennemis.

Dans ces salles, aussi, figurent des portraits de combattantes et combattants, des documents écrits, des poésies populaires ou de lettrés. Les agresseurs appelaient cela «barbarie».

De la prison comme du musée, je suis sorti avec un sentiment extrêmement fort : une très légitime fierté. Ainsi, un peuple de paysans très pauvres, dirigé par des patriotes sincères et résolus, relativement jeunes, qui n’ont pas fréquenté l’université, a pu vaincre militairement, politiquement et idéologiquement successivement deux impérialismes, le français et l’étatsunien, cela durant deux guerres qui se suivirent de 1945 à 1975 : trente ans !(1)

La prison comme le musée de l’armée populaire sont visités, d’une part, par des nationaux. Ils viennent soit individuellement, soit en groupe. Ces derniers sont composés d’élèves d’école primaire, secondaire, universitaire, ou de travailleurs, de militaires, etc. D’autre part, des touristes étrangers viennent également visiter ces lieux. Parmi ces derniers, on remarque des citoyens de France et des Etats-Unis. Inutile de dire combien ces derniers sont généralement curieux de découvrir finalement la vérité sur l’œuvre «civilisatrice» de leurs gouvernants, et gênés d’en constater les crimes contre l’humanité. Aux visiteurs sont proposés, à un prix modique, des guides parlant plusieurs langues, pour leur permettre d’avoir les informations les plus complètes sur ce qu’ils veulent savoir.

Comme dans le cas de la Chine, le Vietnam, aussi, a depuis quelques années adopté la voie capitaliste. Les couches populaires de travailleurs et de paysans pauvres en souffrent, et les intellectuels qui leur sont proches dénoncent cette injustice, dans la mesure du (très limité) possible. Même le militaire, doublement vainqueur du colonialisme français et de l’impérialisme américains, le général Nguyen Giap, protesta contre l’orientation capitaliste de la nouvelle caste oligarchique régnante. En vain ! Il quitta ce monde dans l’amertume.

Cependant, le peuple demeure uni fermement s’il s’agit de porter atteinte à son intégrité territoriale, à l’une ou l’autre partie de son peuple, composé de nombreuses minorités ethniques. Les conflits au sein du peuple viennent après l’impérieuse nécessité de conserver l’indépendance de la patrie. Durant la très longue résistance du peuple vietnamien contre les agressions coloniales française puis impérialiste étatsunienne, Ho Chi Minh avait lancé le slogan qui demeure le plus répandu : «Rien n’est plus précieux que l’indépendance et la liberté.» Bien que, après la victoire sur l’impérialisme étatsunien, la liberté laisse fortement à désirer, et certains combattent pour les droits démocratique du peuple, néanmoins, l’indépendance du pays demeure absolument sacrée, contre toute intervention étrangère.

Les portraits du «père» de l’indépendance, Ho Chi Minh, se trouvent partout dans les villes, et son mausolée, établi sur une large place de la capitale, est régulièrement honoré par les nationaux, et visité par les touristes de passage.

Comme dans le cas de la Chine, des gens quittent le Vietnam, soit à la recherche d’un meilleur travail ou par besoin de plus de liberté. Toutefois, qu’ils soient du peuple dit «ordinaire», des intellectuels ou des militants, aucun ni aucune, à ma connaissance, ne renie son peuple, ni le méprise, ni déclare préférer «changer de peuple». Et même si ces émigrés s’installent dans l’un des pays qui, auparavant, avait agressé le Vietnam (France ou Etats-Unis), et en prennent la nationalité, ni l’appât du gain ni la gloire médiatique ne parviennent à rabaisser ou éliminer l’amour de ces émigrés pour leur patrie, leur culture et leur peuple d’origine : cet amour reste absolument intact.

K. N.
[email protected]
(Suivra)

(1) En 1971, à la salle Mouggar d’Alger, j’avais déjà réalisé une pièce de théâtre sur cette héroïque et exemplaire guerre de libération populaire. Faut-il signaler qu’après quatre représentations, on me «conseilla» d’interrompre les représentations. Ce que je fus contraint de faire. Voir livre 1, in http://www.kadour-naimi.com/f-fourmi_photo.htm

Reportage photo :

– La guerre de libération nationale vietnamienne contre le colonialisme français. Photos in http://kadour-naimi.over-blog.com/

– La guerre de libération nationale vietnamienne contre l’impérialisme américain. Photos in http://kadour-naimi.over-blog.com/

Comment (2)

    Rayah
    25 avril 2018 - 6 h 29 min

    Un grand merci pour cet article et les photos. La guerre du Vietname constitue une grande inspiration pour tout people qui fait face au colonialism, a sa brutalite et sa ‘hogra’. J’ai visite ce pays du Nord au Sud, Hanoi, Hue the imperial city, le Mekong Delta et Ho Chi Min City ( ex Saigon ). En plus des musees a Hanoi parfaitement decrits dans cet article, j’ai eu l’occasion de visiter ‘ The War Remants Museum ‘ a Ho Chi Min City et les tunnels de Cu Chi. Les peuples vietnamiens, cubains, algeriens sans oublier bien sur l’armee rouge dans la bataille de Stalingrad, La longue marche de Mao ont prouve que lorsque la cause est juste, l’etre humain est capable de vaincre l’ennemi quelle que soit sa force ou sa puissance . Une Remarque , La bataille de Dien bien Phu avait commence en Decembre 1953 et termine au mois de Mai 1954.

    benchikh
    24 avril 2018 - 19 h 58 min

    on se demande qui est derrière ces guerres mortelles??? Ils nous ont dis c’est pour stopper le communisme.Mais ,qui est derrière ce système utopique qui a causé autant de morts et de haines dans le monde, est que c’est les Musulmans ,les Chrétiens??? mais non c’est le fameux Karl Marx qui appartient aux champions de la discorde .Comme dit un verset du Coran « وَقَالَتِ الْيَهُودُ يَدُ اللَّهِ مَغْلُولَةٌ ۚ غُلَّتْ أَيْدِيهِمْ وَلُعِنُوا بِمَا قَالُوا ۘ بَلْ يَدَاهُ مَبْسُوطَتَانِ يُنفِقُ كَيْفَ يَشَاءُ ۚ وَلَيَزِيدَنَّ كَثِيرًا مِّنْهُم مَّا أُنزِلَ إِلَيْكَ مِن رَّبِّكَ طُغْيَانًا وَكُفْرًا ۚ وَأَلْقَيْنَا بَيْنَهُمُ الْعَدَاوَةَ وَالْبَغْضَاءَ إِلَىٰ يَوْمِ الْقِيَامَةِ ۚ كُلَّمَا أَوْقَدُوا نَارًا لِّلْحَرْبِ أَطْفَأَهَا اللَّهُ ۚ وَيَسْعَوْنَ فِي
    الْأَرْضِ فَسَادًا ۚ وَاللَّهُ لَا يُحِبُّ الْمُفْسِدِينَ (64)سورة المائدة

    (64) Et les Juifs disent: «La main d’Allah est fermée!» Que leurs propres mains soient fermées, et maudits soient-ils pour l’avoir dit. Au contraire, Ses deux mains sont largement ouvertes: Il distribue Ses dons comme Il veut. Et certes, ce qui a été descendu vers toi de la part de ton Seigneur va faire beaucoup croître parmi eux la rébellion et la mécréance. Nous avons jeté parmi eux l’inimitié et la haine jusqu’au Jour de la Résurrection. Toutes les fois qu’ils allument un feu pour la guerre, Allah l’éteint. Et ils s’efforcent de semer le désordre sur la terre, alors qu’Allah n’aime pas les semeurs de désordre. Et c’est à cause de cette vérité en face de nos yeux ,que ces gens sont contre le Coran parce qu’il dévoile leurs mensonges.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.