Contribution d’Al-Hanif – Eric Zemmour l’altéricide ou le cynisme du parvenu
Par Al-Hanif – Dans son «Court traité d’altéricide», paru dans Verticales en 2007, Dominique Quessada décrivait un personnage s’abreuvant de célébrité et dont la particularité «est de faire disparaître l’Autre et l’habitat qui le rendait possible».
En voulant faire disparaître le musulman de la banlieue et de la France tout court, Zemmour, torturé par sa part d’altérité irréductible de berbère juif algérien et rattaché à l’arborescence de la France de fraîche date, enrageait de la présence de cet Autre, venu de sa géographie, trop nombreux à ses yeux et qui ne courbait plus l’échine. Gaulois impossible, voulant se raccrocher à la ramification française, de par la branche d’Isaac Crémieux, il s’est cru invulnérable en continuant sa guérilla contre l’Autre honni avec la complicité de la classe politique et médiatique.
Il vient d’être rattrapé par l’Etat de droit et d’être condamné à cinq mille euros d’amende pour incitation à la haine religieuse, pour des propos tenus en public et assumés. Ceux-ci ne laissaient à ses concitoyens français de confession musulmane d’autre alternative que de se débarrasser de leur religion ou de quitter la France.
Ce faisant, il s’en érige propriétaire et occupant historique légitime, car sa haine de l’Arabe, du Noir et du musulman devient, hélas, cri de ralliement et socle identitaire. Son ubiquité de chroniqueur radio-télé-presse-revues lui a permis une longue impunité née de la collusion d’une pensée raciste et de celle mainstream qui applaudit à ses outrances et dérapages en se pinçant le nez.
Ne pouvant plaider l’ancienneté de son ancrage chez la fille aînée de l’Eglise, car l’Histoire, même si elle est bonne fille a de la mémoire, il exhibe une assimilation de surface et présentée comme radicale. Il reprochera à Rachida Dati d’appeler sa fille Zohra pour lui faire la leçon de la parfaite assimilation et aux musulmans d’être trop pratiquants, convaincu, lui le sémite, de partager le fardeau de l’homme blanc.
En écho à Rudyard Kipling, il ne voit en ses compatriotes musulmans que des «agités et des sauvages», figures de la barbarie qui répugnent à accepter la civilisation si gracieusement offerte.
Il est à déplorer que son épouse juriste de profession n’ait pu lui enseigner la différence entre la liberté d’expression et la provocation et l’incitation à la haine raciale et religieuse qui sont un délit.
Eric Zemmour, condamné par la justice française, devient donc un délinquant qui ne pourra plus se réfugier à l’abri des jupes de la bien-pensance, maquillée en liberté d’expression, ni se présenter comme un martyr de cette dernière.
Zemmour cite et encense d’abondance Kamel Daoud et Boualem Sansal et il n’y a plus qu’à attendre qu’ils viennent à la rescousse de la «victime expiatoire» de la liberté d’expression et convoquer Voltaire !
Ruquier, qui avait contribué à sa notoriété, a, depuis, fait son mea-culpa, et publiquement regretté de lui avoir, cinq années durant, offert une tribune pour ses exhalaisons xénophobes et racistes et contribué ainsi à la lepénisation des esprits – père, fille et petite-fille – dans une inscription d’une nouvelle trilogie qui fait commerce de la figure de Jeanne d’Arc.
A ma connaissance, selon le récit consacré, cette figure patriote ne voulait bouter que l’occupant anglais hors de France.
A l’aise dans la culture du privilège et se nourrissant de toutes les privautés, Zemmour porte en bandoulière le cynisme du parvenu qui prétend parler au nom des exclus, de la ruralité et de l’urbanité, hybridées dans le projet qui réclame la mise hors sol de l’islam.
Déjà un édile toulousain se plaignait du nombre d’Arabes dans sa ville sans que cela n’émeuve grand monde et ne constitue des propos racistes caractérisés passibles de poursuites.
Capitalisant sur le sentiment d’insatisfaction et d’anxiété chronique surgis de la précarisation et de la pression de l’ordre marchand, il contribue par ses propos et écrits à la dépression et au fourvoiement d’une société à laquelle il désigne des boucs émissaires.
Si un certain Adolf avait été accepté à l’Ecole d’architecture de Vienne, nous n’aurions pas connu Adolf Hitler.
Si un certain Eric avait réussi le concours de l’Ecole nationale de l’administration, nous n’aurions jamais entendu parler de Zemmour !
A.-H.
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