Poésie : «Mots d’Amour»

Mots, Kaddour Naïmi (1)
L'alchimie dans la poésie, c'est de pouvoir muer en mots ce qui est pure sensation de vie. D. R.

Conventionnellement, cela ne se fait pas de présenter soi-même sa propre œuvre. Il y a, cependant, des circonstances où il convient d’ignorer la convention. Voici la préface de «Mots d’Amour».

Ce premier recueil fait partie d’une «somme» qui comprendra plusieurs autres thèmes, avec le titre général «Mots pour vivre».

La présente seconde édition a été revue et améliorée du point de vue stylistique. Certains textes ont changé de titre, d’autres, de présentation graphique ou de contenu ; en outre, quelques textes ont été ajoutés.

Comme dans mes réalisations théâtrales et filmiques, on retrouve dans ce recueil poétique le souci primordial d’expérimenter en vue d’innover. En effet, si je produis ce qu’ont réalisé déjà les autres, ou de manière moins intéressante, à quoi bon ? Ainsi, s’explique notamment la présentation graphique des poèmes, en fonction de leur contenu et de l’impact visuel recherché : les uns au centre de la page, d’autres à gauche, de manière conventionnelle, d’autres encore divisés entre une partie à gauche et une seconde à droite de la page.

Deux motifs expliquent cette singulière présentation. D’une part, comme déjà mentionné, je suis metteur en scène et réalisateur filmique ; cela me porte à accorder son importance à l’aspect visuel, y compris dans la présentation d’un écrit poétique. D’autre part, depuis ma jeunesse, je fréquente et admire la peinture et la poésie chinoises classiques ; dans celles-ci, les textes poétiques font partie intégrante des œuvres picturales, et vice-versa ; en outre, l’écriture est en elle-même une peinture. Par conséquent, je tente de suivre cette voie : que les poèmes s’adressent aux yeux non seulement pour être lus, mais tout autant pour être vus. Un exemple :

Bénédiction

O créatures humaines ! Aimons ! Aimons !…

De tout notre amour, aimons !

Avec tout ce qu’il y a de beau en nous, aimons !

C’est notre seule authentique bénédiction

quand nous mourrons.

Ajoutons que mes activités comme dialoguiste, dans mes œuvres théâtrales et filmiques, me portent également à prêter toute l’attention à la lecture des poèmes à haute voix, donc à l’ouïe. Je les soumets à ce critère pour vérifier et mettre au point leur qualité sonore, musical.

Le présent recueil poétique fut d’abord publié en italien, en 2008. Alors, je résidais dans la patrie de Dante Alighieri depuis vingt-huit ans. M’étant familiarisé et imprégné de la culture locale, j’ai donc osé composer dans sa belle et raffinée langue.

Un lecteur italien averti, en lisant le recueil, a parlé de « nouveau Catulle ». En réalité, au moment de la publication, je connaissais uniquement le nom de ce poète. Par contre, je reconnais des filiations et les revendique : Nazim Hikmet, Jacques Prévert, la poésie chinoise classique de l’époque des Tangs, et les haikus japonais. Ces productions ont un point commun : le souci du maximum de simplicité formelle pour exprimer le contenu le plus dense.

Dans mes textes poétiques, j’ai la même préoccupation. Ils sont généralement courts, même très courts. Dans le texte de l’ex-colonisé que je suis, il n’y a absolument rien de ce qui caractérise les productions d’auteurs victimes d’aliénation coloniale ou néo-coloniale, sans en être affranchis. Donc, rien de «flamboyant», de «recherché», de «précieux» pour impressionner les auteurs des «métropoles» coloniales ou ex-coloniales, comme pour leur dire, poussé par un complexe d’infériorité plus ou moins conscient : «Regardez comme je suis capable, comme vous, et même mieux que vous !»

C’est que j’ai lu, médité et tiré les leçons nécessaires des analyses sur la mentalité aliénée, coloniale et néocoloniale, notamment les ouvrages de Frantz Fanon, d’Albert Memmi et d’Edward Saïd.

«Mots d’amour», dans sa première version en italien («Parole d’amore»), fut préfacé par une  romancière reconnue d’Italie : Dacia Maraini. Elle est née et vécut sa première enfance au Japon. Citons en un extrait :

«Dans les poésies de Kadour Naimi se concentre, en somme, tout un univers d’émotions et désirs qui appartiennent certainement à la tradition lyrique d’argument amoureux, mais qui prennent dans le croisement de deux cultures, celle européenne et celle de matrice arabe, une nouvelle et intense saveur littéraire. Il ne s’agit donc ni de vers de circonstance ni de la froide répétition de clichés sentimentaux, mais de la narration d’un amour toujours et de toute manière indispensable pour donner un sens à l’existence.»

Ce premier recueil poétique fut précédé par la parution de poèmes singuliers dans diverses publications. Le tout premier poème fut publié en français, en Belgique (1977) : «Cinq doigts de la main arrachés»(1). D’autres sont parus en italien. Citons deux textes, publiés en 2000, que je traduis en français ; ils annonçaient déjà le contenu et la forme du recueil «Mots d’Amour».

Exit

Exit du cocon de la mère

Exit de la famille.

Exit du pays.

Mais le plus déchirant exit,

L’exit de soi-même.

À la vie !

Quand je mourrai,

faites la fête

pour ce que j’ai bien vécu

et ne faites pas la tête

pour ce que j’ai mal foutu.

Quant à mon sort,

après ma mort,

je ne suis pas décidé.

De mon corps,

faites ce que vous voulez.

Si vous m’enterrez,

mettez-moi au cimetière d’Oran,

au soleil et le plus près de la mer.

Si vous m’incinérez,

parfumez mes poussières

et répandez-les dans l’air.

À vous qui m’aimez,

et aussi à vous qui me détestez,

je ne dis pas : Adieu,

je chante :  À la vie !

Après sa publication en italien, «Mots d’Amour» eut, en français, une première parution  en France (2011), puis une seconde (2017). Cette dernière est gratuitement disponible ici :

https://www.kadour-naimi.com/f-poesie.html

Une version sonore d’extraits est en libre accès ici :

http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/naimi-kadour-mots-damour.html

(1) Dans une revue d’extrême-gauche maoïste : «POUR la révolution». Un pseudonyme fut utilisé, pour conjurer une éventuelle répression étatique. Le texte est disponible ici :

https://www.kadour-naimi.com/f-poesie.html

et une version sonore ici :

http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/naimi-kadour-cinq-doigts-de-la-main-arraches-poeme.html

KaddourNaïmi

[email protected]

Comment (11)

    Anonyme
    23 juillet 2018 - 13 h 39 min

    Cher frère Zoro,

    merci de m’avoir fait baigner mes yeux de larmes pour l’émotion que m’ont procuré tes amicales paroles. Tu es certainement un ami intime d’enfance. Quel bonheur de se retrouver, même à travers un journal. Tu as réveillé des souvenirs si profondément heureux. Ne serait-ce que pour avoir réveillé, à mon tour, de beaux souvenirs en toi, je me sens récompensé pour le temps que je consacre à écrire. Porte-toi bien !

    Fraternellement,

    Kadour

      ZORO
      23 juillet 2018 - 21 h 40 min

      @ NAIMI kadour. Permet moi khayi de reagir a ton joli poeme a travers un poeme arabe d une extreme beaute dans ce contexte.
      نقل فؤادك حيث شئت من الهوى. مالحب الا للحبيب الاول
      كم منزل يئلفه الفتا. و حنينه ابدا. لاول منزل.
      Akhawiyene ZORO. …Z…..

    Ch'ha
    21 juillet 2018 - 18 h 16 min

    Merci Mr Kaddour Naïmi.
    Ayant suivi l’école française puisque née en France je vous découvre comme grand poète. Mieux vaut tard que jamais.

      Ch'ha
      21 juillet 2018 - 19 h 18 min

      PS : je précise que je vous connaissais déjà de nom mais que je n’ai jamais pris le temps d’approfondir vos oeuvres. Et qu’en France Kateb Yacine est plus « mediatisé » si je puis m’exprimer ainsi.
      Attention pas de PSYCHOSE, je ne compare ni l’un ni l’autre.
      En tout cas, nul besoin de souligner votre talent indéniable.

    MELLO
    20 juillet 2018 - 22 h 02 min

    Dommage, dommage Monsieur Naimi que ce peuple qui doit aimer ne lit pas, ne lit plus par la faute de ceux qui n’ont jamais lu. La poésie d’amour ne peut qu’être transmise que par un coeur tendre, et ce coeur tendre est en vous. Merci d’avoir parler d’amour à tous ceux qui se cherchent et qui cherchent cet amour.

    ZORO
    20 juillet 2018 - 18 h 13 min

    Avant de grandir. et parcourir le monde , Kaddour l avait deja fait pour etre né dans un quartier cosmopolite , Ses voisins etaient kabyles , mozabites, juifs ,espagols, italiens , francais et autres ,le theatre a travers la halqa s offrait a lui dans cette folklorique tahtaha a 100 metre de chez lui .Adolescent dans les annees cinquantes ,je ne sais comment il a fait pour s offrir un projecteur 8 mm pour nous faire vivre, nous enfants du quartier les aventures de charlot etc ,dans cette modeste piece de ses parents ,il a aussi eu la chance d avoir un paternel pratiquant le noble art qui fut pour lui le bon exemple de lutte contre les difficultes de la vie .. Je n ai pas vu kaddour depuis plus de cinquante ans mais je garderais toujours de lui l image d un enfant du quartier qui a toujours su nous epaté ALLAH yerham 3ami el bekouche wa 3ami el miloud.
    Signe ZORO, ,,,Z,,,,

    LOUCIF
    20 juillet 2018 - 10 h 23 min

    Magnifique ! C’est ce Kaddour Naïmi là qu’on veut connaître, plein de poésie et d’amour ! Un Kaddour Naimi dans son registre professionnel, dans son art et on le sent, un Naimi plein de générosité ! Merci mon gars et restez comme çà car c’est celui là qu’on veut le plus lire, entendre , écouter !

      Anonyme
      23 juillet 2018 - 13 h 42 min

      Cher Loucif,

      merci pour tes encouragements !… Sache que c’est dans ce genre de production poétique que je me sens heureux. Au contraire, dans mes interventions sociologiques, je le fais uniquement par devoir, en espérant servir mon peuple, auquel je dois la dette de n’être plus un colonisé, mais, également, l’autre dette de continuer son combat pour l’émancipation sociale. Ce genre de contribution donc ne me sont pas agréables, mais me semblent relever de mon devoir citoyen. Ainsi, j’équilibre entre le plaisir et le devoir.

      Fraternellement,

      Kadour

    Abou Langi
    20 juillet 2018 - 10 h 00 min

    Wagner était nazi, Aragon stalinien, Céline collabo, Si Qeddour poète.

    Un proverbe de chinou dit : awer t3echqedh g’uvladh mawlech ats babet. Ne sois pas amoureux d’une pierre sinon tu la porteras.

      Ch'ha
      21 juillet 2018 - 18 h 57 min

      @Abou Langi
      Merci excellent proverbe 😉

      Anonyme
      23 juillet 2018 - 13 h 44 min

      Cher Abou Langi,

      très “flatteur”, tes comparaisons. Ceci dit, en ce qui me concerne, à “poète”, j’ajouterai “autogestionnaire”. Quant à la pierre, si tu lis mon recueil, tu trouveras un texte qui parle justement d’un caillou. Je suis curieux de savoir ce que tu en penses.

      Fraternellement,

      Kadour

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