Douze Conseils interprofessionnels agricoles installés

Bouaghzi Conseils
Le ministre de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Abdelkader Bouazghi. ©Toufik / PPAgency

Douze Conseils interprofessionnels de différentes filières agricoles ont été installés dans le cadre de la réorganisation du secteur, a indiqué, lundi, le ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Abdelkader Bouazghi.

L’organisation du secteur à travers l’instauration des Conseils interprofessionnels cible d’abord les filières stratégiques afin de renforcer leurs bases productives pour pouvoir assurer la sécurité alimentaire du pays et sa croissance économique, a expliqué Bouazghi lors de la Journée nationale de la pomme de terre. «La contribution de ces espaces de concertation interprofessionnels regroupant l’ensemble des opérateurs économiques et des institutionnels est fondée sur une volonté d’impliquer les différents maillons d’une filière dans les problématiques et les enjeux de la filière aux stades de la production, de la transformation, de la commercialisation, de la régulation et de la distribution», a-t-il ajouté.

Concernant la filière pomme de terre, objet de la rencontre, le ministre a évoqué l’extension des superficies de production dans de nouvelles aires, particulièrement sur les zones tardives des Hauts Plateaux et du littoral afin d’augmenter la production et réduire les périodes de soudure qui s’étale entre les mois d’octobre, novembre, mars et avril.

A propos de la régulation du marché de ce produit de base, le ministre a recommandé l’amélioration des conditions de stockage et de conservation pour assurer sa disponibilité à des prix raisonnables. Il a toutefois insisté sur la sécurisation durable des revenus des producteurs de la pomme de terre. Le ministre a affirmé, par ailleurs, l’objectif de son secteur consiste à soutenir les agriculteurs et les industriels de la filière pour placer le produit frais et transformé sur le marché international et ce à travers le développement des infrastructures de stockage et de transformation.

A propos des exportations, un opérateur de Mostaganem a saisi l’occasion pour dénoncer la campagne médiatique qui a ciblé des produits agricoles refoulés de l’étranger. «Cette campagne a fortement pénalisé les exportateurs algériens», a regretté Abdelkader Bengazi, producteur et exportateur de pomme de terre, en marge de cette journée. «C’est une campagne lancée en pleine période d’exportation, ce qui nous a causé beaucoup de tort en tant qu’exportateur», a-t-il aussi regretté. Selon ses affirmations, les informations sur l’utilisation excessive des produits chimiques par les agriculteurs algériens sont infondées d’autant que les produits algériens sont soumis à «des contrôles rigoureux» sur le plan phytosanitaire.

«Nos produits sont contrôlés et certifiés par des laboratoires agréés», a-t-il insisté. Cet opérateur qui exporte depuis 2013, notamment vers le marché européen, a estimé que des refoulements de marchandises survient quotidiennement sur les grands marchés internationaux et que ça n’arrive pas uniquement aux exportateurs algériens». «Il y a des marchandises qui s’altèrent en cours de route pour des causes inévitables. Des tempête de mer, des pannes électriques de frigo peuvent gâter les marchandises», a-t-il expliqué. Il a noté, par ailleurs, que la concurrence sur le marché international des fruits et légumes est très rude et qu’il faut servir les meilleurs produits à des prix concurrentiels afin de pouvoir s’imposer en tant qu’exportateur.

R. E.

Commentaires

    BELAID
    25 juillet 2018 - 15 h 39 min

    A propos d’exportations agricoles, nous arrivons à 57 millions $, or les hydrocarbures rapportent actuellement en moyenne une trentaine de milliards $. Peut-on penser que l’agriculture va remplacer les ventres d’hydrocarbures? Nous proposons une réflexion sur le sujet.

    ALGERIE, L’ILLUSION DES EXPORTATIONS AGRICOLES.
    Djamel BELAID Ingénieur agronome
    Récemment invité par un média en ligne, Mr BENBITOUR rappelait que le montant actuel de la rente provenant de la vente des hydrocarbures rapportait actuellement à peine une trentaine de milliards de dollars/an. Quant aux exportations de produits agricoles, elles auraient rapporté 57 millions de dollars. L’agriculture pourra-t-elle un jour se substituer à la rente pétrolière comme en rêvent décideurs et opinion publique? Les chiffres sont cruels pour les tenants de cette lubie. Ils sont nettement en défaveur des partisans de l’exportation tout azimut.

    LES DATTES, MOTEUR DES EXPORTATIONS AGRICOLES
    Qu’avons nous à exporter? Nous qui importons 70% des calories que nous consommons. Selon l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal) nous exportons 45 types de produits dont dattes, truffes, caroubes, pommes de terre, tomates, oranges, melons, citrons, piments, figues sèches, oranges, haricots, carottes et navets, aubergines, châtaignes et marrons, abricots, olives, raisins, vin, épinards et prunes. Les dattes constituent la grande majorité de nos exportations. Le reste constitue des opportunités : vins, primeurs, plantes aromatiques, caroube.
    En 2017, le montant de ces exportations a été de 57 millions de dollars. Près de 90% de ce montant a été constitué par les dattes. Viennent ensuite les truffes (4,26 millions de dollars), les oignons et échalotes (600 000 dollars), les pommes de terre primeur (347 000 dollars), truffes sèches (235 000 dollars) et tomates (146 000 dollars).

    UN MILIEU NATUREL FRAGILE
    Cette volonté affichée du secteur privé et du MADR de vouloir nourrir les Européens est étonnante de la part d’un pays semi-aride et aride. L’image coloniale de l’Algérie « grenier de Rome » reste vivace dans les esprits. Mais comment comparer deux époques ? L’une avec à peine 4 millions de bouches à nourrir et l’autre avec 40 millions d’habitants. Deux époques, une où l’araire n’avait pas épuisé les sols contrairement à la charrue en acier introduite avec la colonisation.
    Pourtant, la réalité est là : nos sols sont rongés par l’érosion, la désertification et la salinisation. En une cinquantaine d’années, avec le réchauffement climatique, certaines de nos zones céréalière ont perdu jusqu’à 100 mm de pluviométrie annuelle. En juillet, cette année, des pics de température ont atteint 51°C dans les villes du sud. Du jamais vu.
    Quant à nos zones agricoles, qu’en est-il ? D’étroites plaines côtières rongées par l’urbanisation. Des hauts-plateaux fertiles mais seulement arrosés par les pluies d’octobre à avril. Une steppe d’une trentaine de millions d’hectares surexploitée par l’élevage ovin et minée par la désertification.

    EAU, LA CONCURRENCE DES VILLES
    Certes, nous dira-t-on, avec de l’eau on peut faire tout pousser en plein désert. Mais l’agriculture doit être durable. Elle doit laisser intact la fertilité des sols ainsi que le niveau et la qualité des réserves d’eau. Nous ne pouvons consommer le capital des générations à venir.
    Or, quelle est la situation en matière d’hydraulique ? Les nappes phréatiques du sud ne se renouvellent pratiquement pas. Pire, l’eau est parfois chargée en sel, et au fur et à mesure des campagnes d’irrigation, le sol se charge en sels et devient stérile.
    Quant à nos barrages, financés avec un baril de pétrole à 154 dollars, ils s’envasent. Pour certains, leur durée de vie est estimée à dix ans. Aux coûteuses opérations de dragage, il faudrait protéger les basins versants en interdisant le labour et le pâturage sauvage des moutons. Par ailleurs, avec le réchauffement climatique l’eau de surface va se réduire. Pour la rive sud de la Méditerranée, les prévisionnistes le pire pour les années à venir. La situation est telle, que déjà nos grandes villes sont alimentées grâce au dessalement de l’eau de mer. Or, ce procédé est coûteux en énergie.
    Au Maroc, dans les zones de production intensive de fruits et légumes pour l’export, le niveau des nappes phréatiques est dans une situation alarmante.

    En Palestine occupée, le lobby des kibboutz a longtemps milité en faveur de l’exportation des fruits et légumes. Mais avec le manque d’eau structurel de la région, le secteur agricole est dorénavant sur la sellette. En effet, ce secteur mobilise la plupart des ressources en eau pour un apport minime au PIB. Le high-tech est préférée à l’agriculture, secteur dévoreur d’eau.

    Techniquement, pour les pays en déficit structurel de ressources hydriques, la nano-irrigation pourrait apporter un sursis à certaines cultures. Il s’agit de tubes poreux enterrés distribuant que l’eau dont ont besoin les racines. Ce système est nettement plus performant que le goutte à goutte, il permet 70% d’économie de l’eau d’irrigation. En effet, l’eau ne percole pas, elle va directement entièrement aux racines.

    AGRICULTURE, L’INVESTISSEMENT PRIVE SOURCE D’EMPLOIS
    Cependant, si un facteur peut militer en faveur d’une politique d’exportations de produits agricoles, il s’agit de l’emploi. Chaque année, ce sont 300 000 diplômés qui sortent de nos universités. Sans compter les jeunes exclus du système scolaire.
    Certes, à lui seul, le secteur agricole ne pourra pas seul cette main d’oeuvre. Mais une chose est à considérer, à part la construction des barrages, l’investissement agricole mobilise surtout des investissements privés. Or, ce type d’investissement représente la condition sine qua none pour tout développement économique.
    A ce titre, le mirage de l’exportation peut drainer les sommes venues du secteur informel, les drainer, vers de l’investissement créateur d’emplois. Certes, des investissements dans le secteur de l’agro-alimentaire local peut être également induire la création d’emplois. C’est par exemple le cas des conserveries de tomates industrielles ou de fruits. De telles unités ont pour effet de stimuler l’activité agricole dans leur bassin d’approvisionnement. Mais face à l’impérative nécessité de création annuelle de dizaines de milliers d’emplois, rien ne saurait être négligé.
    A ce propos, on peut noter la récente augmentation du taux de natalité du pays. Entre 2000 et 2016, la population a augmenté de 10 millions. Si cette augmentation indique un mieux être de la population algérienne, on ne saurait rester sans réagir. En la matière, plus que jamais, une dynamique politique d’espacement des naissances est indispensable. Pilules normo-dosée, pilule du lendemain, implants stérilets doivent être disponibles sur le marché.

    REDUCTIONS DES IMPORTATIONS, UN MOYEN D’ECONOMISER DES DEVISES
    L’argument en faveur du développement des exportations agricoles est de procurer des rentrées financières au pays. Mais pour cela, il s’agit également de réduire la facture de nos importations de blé dur, lait en poudre et aliments pour bétail. Les sommes consacrées à ces importations stratégiques se chiffrent en milliards de dollars et leur croissance est continue.

    Selon Omar Bessaoud (El Watan 01.08.2016) « dans les dépenses alimentaires annuelles d’un algérien (ONS, 2011), la fraction importée représente 308 dollars/habit/an : le blé dur (pâtes, couscous, galette) représente 122 dollars de cette «allocation-devises alimentation», le blé tendre (pain…) 77 dollars et le lait 60 dollars. Réduire les importations de blé dur et de lait signifie que l’on peut réduire à terme de 60% la facture alimentaire du pays, réduction qui pourra profiter au secteur productif national. » C’est à ce niveau que doivent porter les efforts (qu’on multiplie 308 $ par 40 millions d’habitants). Pour rappel, l’ambition du MADR est de porter ces exportation à 500-600 millions de dollars à l’horizon 2020-2022.

    Or, les moyens techniques existent afin d’augmenter les rendements de ces cultures. Outre l’irrigation, il est possible d’améliorer les techniques de culture en sec. Rappelons que la majorité des surfaces agricoles sont cultivées en sec. Ces techniques concernent les rotations des cultures, le désherbage chimique et mécanique, le semis direct, la localisation des engrais au semis… Chacune de ces techniques est porteuse de gains de rendements et de réduction des coûts de culture. Or, très peu est fait pour vulgariser ces techniques et les rendre disponibles sur le terrain.

    Mais apporter le progrès technique au plus profond des campagnes ne peut être le rôle des fonctionnaires des services agricoles. Ce rôle doit être dévolu à des techniciens de coopératives agricoles, aux technico-commerciaux de l’agro-fourniture, aux réseaux de soutien technique des agro-industriels impliqués dans la transformation des produits agricoles (minoteries, laiteries, huileries d’olives et de trituration de graines d’oléagineux, usines de conserves et de sodas). C’est aux pouvoirs publics de leur imposer un minimum d’incorporation de matières premières agricoles locales.
    Enfin, encourager les investisseurs (petits et grands) nécessite de sécuriser l’accès à la terre. La politique actuelle de concessions agricoles est une bonne mesure. Elle doit être accompagnée d’une législation nouvelle instituant le fermage (location des terres) comme cela existe à l’étranger. Nulle besoin d’être propriétaire pour travailler la terre, en être locataire sur une longue durée suffit à sécuriser l’investissement privé.
    Enfin, afin d’encourager les agriculteurs à produire , il s’agit également de mieux répartir la valeur ajoutée liée à la transformation des produits agricoles. Les agriculteurs doivent pouvoir accéder à ce juteux secteur. Cela passe par un encouragement public (réglementation, fiscalité) à la création de Groupement d’Intérêt Economique paysans ou de coopératives. Il est inconcevable qu’un céréalier ne puisse pas moudre son grain et vendre de la semoule ou du couscous. Cela lui est actuellement économiquement interdit.

    POUR UN BILAN DES OPERATIONS D’EXPORTATION
    Une politique d’exportation de produits agricoles mérite d’être réfléchie. Elle doit tenir de différents exigences.
    -L’une d’entre elle est de se faire à partir d’une agriculture durable. Si la région d’Oued-Souf doit devenir exportatrice mais au prix d’une pollution de sa nappe phréatique en nitrates et pesticides, on peut se demander si « le jeu en vaut la chandelle ». A se propos, si les populations du sud ont su se mobiliser contre l’exploitation du gaz de schiste, elles doivent aussi être vigilantes sur le niveau de pollution de leurs réserves en eau.
    -Une autre exigence est de tenir compte des coûts induits par une telle politique. La presse nationale s’est récemment alarmée de ses « exportateurs » de pâtes alimentaires et de sodas qui profitent des subventions sur le blé dur ou le sucre. Quant au coût des barrages et des forages publics permettant de disposer en quantité d’eau d’irrigation, il serait intéressant de l’intégrer dans le prix de vente de nos produits. Seraient-ils alors concurrentiels ? Et cela sans parler des subventions en tout genre et exemption des impôts dont bénéficie le secteur agricole
    -Un aspect négligé des partisans de l’exportation concerne l’accès aux marchés européens. Ceux-ci sont la chasse gardée des pays méditerranéens de la rive nord. Une politique drastique de quota limite les importations des pays non CEE. Le Maroc en a fait la triste expérience. Pour l’exportation de ses agrumes, il a d’ailleurs vu d’un très bon œil les mesures européennes de boycott du marché russe suite à la question ukrainienne. Cela a permis une lueur d’espoir.
    -Certaines productions locales constituent incontestablement des niches pour l’export : dattes, vin, primeurs. Ces secteurs méritent toute l’attention des autorités agricoles. Rappelons que la vigne offre 7 emplois par hectare contre un seul pour les céréales.
    -Reste l’emploi. Face au trop faible encouragement de l’investissement privé industriel de la part des pouvoirs publics, de par son dynamisme, le secteur agricole peut constituer un secteur offrant de nombreux emplois. Dans la région d’Oued Souf, dans le grand sud mais aussi sur le littoral l’extraordinaire développement de la plasticulture a créé un nombre considérable d’emplois.
    -Un point positif concernant l’exportation concerne la rigueur en matière de production de masse et de qualité, en matière de packaging. Se frotter au marché international et aux normes en vigueur ne peut être que profitable.

    Le constat que nous dressons peut paraître sévère. Mais, s’il s’agit d’essayer de copier le Maroc, où l’agriculture familiale est abandonnée et où l’agriculture tournée vers l’exportation exploite une main d’oeuvre bon marché et dilapide les maigres ressources naturelles du pays, l’export devient alors plus un mal qu’un bien.

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