Contribution – Changements dans l’armée : à qui profite la confusion ?
Par Abdelkrim Cherifi – Des fins de fonction et des départs à la retraite se transforment en limogeage sans nuance aucune. Un haut responsable qui prend du repos et voilà que c’est toute l’organisation de l’institution à laquelle il appartient qui se voit prédire un bouleversement. La culture du sensationnelle fait rage, de même que la consommation fast-food de l’information jusqu’à frôler l’indigestion. Il ne se passe pas une heure sans qu’une nouvelle vienne compléter une autre ou contredire la précédente. La confusion est totale, à un point tel qu’il est accordé autant de crédit à une rumeur qui circule dans les réseaux sociaux qu’à l’information officielle de l’APS ou celle d’un communiqué.
Dès qu’un changement touche un haut fonctionnaire ou une fonction supérieure de l’Etat, chacun y va de sa propre diatribe, non pour analyser les potentiels bienfaits, méfaits et/ou normalité de la situation, mais pour annoncer un chamboulement imminent de l’ordre établi. Comme si l’alternance, qui est somme toute une chose normale dans une trajectoire de progrès, était absolument exclue du jeu d’hypothèses ou tout simplement inenvisageable dans notre pays. Or, si l’on s’arrête un moment pour ne digérer que l’information officielle, il transparaît de ce désordre un message naïf, peut-être, mais porteur de bons espoirs.
Les récents remplacements qui ont eu cours au sein de l’ANP ont fait couler beaucoup d’encre et généré tellement de supputations que l’essentiel est occulté. N’est-il pas normal qu’un officier général ayant rempli sa mission jusqu’aux plus hauts rangs soit remplacé ? Il est vrai qu’opérer ces changements au même moment a de quoi soulever des interrogations, comme il est vrai que leur surmédiatisation rompt avec la pratique traditionnelle de la grande muette en pareille circonstance. La communication est certes maladroite dans un contexte de marasme social, mais elle est néanmoins transparente et quasiment sans filtre. Mais si l’on regarde la situation de plus près, l’on trouve que les admis à la retraite sont d’une même génération et que leurs remplaçants ont bénéficié de promotion dans leur nouveau rôle. Ce qui est, en soit, une rupture avec le jeu de chaise musicale auquel nous avons été habitués.
Ne sont-ce pas là des signes annonciateurs d’un changement mieux compatible avec les défis contemporains, notamment sécuritaires, d’une Algérie exposée à des menaces plurielles et qui, dans la transparence, répondent à une attente que tout le monde souhaite ? Et si le processus de changement ne s’arrêtait pas là ?
Admettre la normalité, comme l’évolution récente de l’ANP, revient donc à accepter d’entrevoir le changement positif, à emprunter la voie véritable de la réconciliation et de la confiance dont nous aurons besoin. Encore faudrait-il produire d’autres changements et de manière aussi rapide, annonciateurs d’un véritable projet de société bien plus palpable, qui touchent à la gouvernance des collectivités locales, à la justice et la prise en charge des aspirations des jeunes.
Ne pas l’admettre, en cherchant une vérité cachée ailleurs, nourrie d’informations distillées ici et là par des jeunots cachés derrière un pseudonyme ou des blogueurs exilés en recherche de notoriété salvatrice, revient à entretenir le marasme et encourager la démobilisation et le désordre des rangs et des idées.
Malheureusement, force est de constater que la confusion et le désordre sont savamment orchestrés à la veille de cette rentrée sociale. A qui profiteraient-ils ? Que visent-ils, si ce n’est à empêcher le changement d’un système et, par là, empêcher l’espoir de voir notre société se transformer au risque de ne plus savoir la comprendre ?
Une chose est pour le moins sûre : le mois de septembre s’annonce comme un mois charnière pour le gouvernement s’il ne veut pas faire face à une année élective paralysante.
A. C.
Comment (35)