Pour un nouvel ordre politique, économique et d’aménagement du territoire
Par Makhlouf Hamlat(*) – Bien qu’ayant quitté Kouba, ville de mon enfance, depuis plusieurs décennies, je demeure viscéralement attaché à ma patrie. Le propos aujourd’hui n’est pas d’étaler mes émotions personnelles, mais plutôt d’apporter une contribution. J’ai intitulé ce texte «Pour un nouvel ordre politique, économique et aménagement du territoire», en hommage au président défunt Houari Boumediène, paix à son âme qui, en 1974, avait prononcé un discours à l’Assemblée générale de l’ONU sur la thématique du «Nouvel ordre économique international» qui avait laissé béate toute l’assistance. Bien entendu, mon écrit ne prétend pas se comparer à ce discours de référence, il se veut juste une participation citoyenne modeste.
L’évolution de l’Algérie n’a jamais été régulière, elle a toujours été saccadée par les convulsions politiques, économiques et sociales. Sans doute un lien organique entre ses convulsions et son modèle de développement qui atteint son fin de cycle.
Cependant, nul ne peut ignorer, ne peut minorer ou mépriser les réalisations des différents plans de développement depuis l’indépendance : écoles, collèges, lycées, universités, hôpitaux, cliniques, logements, barrages,, routes, autoroutes, tramway, métro, téléphériques, rail, agriculture, industrie, amélioration du niveau de vie, etc. Les plans de développement n’ont certes pas produits les effets escomptés pour assurer un décollage de l’Algérie pour qu’elle devienne une nation autonome économiquement, il leur a manqué la globalité.
Je suis convaincu que la crise politique actuelle sera éphémère et que les nouveaux dirigeants choisis vont engager un débat pour élaborer et mettre en œuvre les stratégies de développement à moyen et long termes de l’Algérie nouvelle. Ma réflexion s’articule sur un fait majeur et des points de repères sur les plans: politique, économique et d’aménagement du territoire.
L’explosion démographique
C’est le défi majeur incontournable, indiscutable, incontestable.Sans recourir au processus d’analyse démographique, j’isole quelques données quantitatives et qualitatives pour mettre en évidence les composantes du défi majeur qui concerne notre pays. L’Algérie est un des pays les plus prolifiques au monde, près d’un million de naissances par an, soit 2 900 naissances vivantes par jour (selon les données probantes de l’ONS de 2016). De 1960 à 2017, c’est un accroissement de la population de 257%.
La majorité de la population (93%) se regroupe dans le Nord et occupe un territoire de 11,8 % de son espace physique. Alors que le Sud du pays qui représente 88, 2 % du territoire n’est occupé que par 6,8% de la population. L’espace physique est inégalement occupé.
Les conséquences de l’accroissement démographique sont multiples, elles concernent tous les secteurs socioéconomiques : l’habitat, l’emploi, l’éducation, la santé, la consommation, l’eau, le transport, les loisirs, etc. Un petit exemple pour l’éducation : ça équivaut d’ouvrir un établissement de 1000 élèves par semaine pour pouvoir scolariser tous ces jeunes en quête d’apprentissage.
L’explosion démographique est un fait majeur, il devrait faire l’objet d’une grande mobilisation de la part des nouveaux dirigeants pour dessiner une politique de régulation des naissances avec une forte implication de la société. L’Algérie dispose de grandes compétences universitaires pour élaborer une nouvelle politique de régulation des naissances sur un terme de 20 à 30 ans, d’où la nécessité d’organiser un «conclave» de tous les experts algériens en la matière pour orienter les nouveaux dirigeants et leur proposer la nouvelle politique. L’explosion démographique va constituer un frein au développement si l’Algérie ne stabilise pas sa population.
Dans les lignes qui suivent, quelques points de repère qui pourraient peut-être se connecter au nouveau paradigme de développement algérien.
Politique
Le Président est élu au suffrage universel, ne peut effectuer plus de 2 mandats de 5 années chacun. Même durée de mandats pour les présidents d’APC, les députés, les sénateurs.
Le 5 Juillet est la date qui rassemble tout le peuple algérien, alors organisons toutes les élections présidentielles, nationales, municipales à cette date. Les élections devraient être dénuées de toute violence verbale et autre, c’est une confrontation de programmes, d’idées. L e peuple fera son choix en toute liberté et conscience.
La présidence de l ‘Assemblée nationale doit revenir à une femme élue choisie par l’ensemble des députés. La parité hommes-femmes doit s’appliquer au gouvernement, à l’Assemblée nationale, au Sénat et aux Assemblées communales.
Dissolution de tous les partis politiques et mettre fin à cette champignonnière. Un parti qui se crée doit avoir minimalement 400 000 membres adhérents répartis dans les 48 wilayas, et respecter toutes les conditions et procédures de création d’un parti.
Dématérialiser l’organisation de toutes les élections, utiliser un outil informatique/électronique (gains budgétaires substantiels et rapidité des résultats).
Economique
Définir le modèle de développement, faut-il un modèle asiatique ? Faut-il rénover le modèle actuel de l’import-substitution ? Définir un modèle de développement qui assurerait à l’Algérie son autonomie économique et qu’il soit équilibré et durable ? Des personnalités algériennes du milieu économique pourraient éclairer cette question.
Rendre convertible partiellement ou totalement le dinar algérien par un système flottant ou fixe pour condamner le marché parallèle à disparaître. Des personnalités algériennes du milieu financier pourraient éclairer cette question.
Pour limiter les effets négatifs de toute la masse monétaire qui circule en dehors du circuit bancaire et ne participe pas à l’investissement économique, il faudrait changer de monnaie, imprimer de nouveaux billets et pièces.
Rehausser substantiellement les salaires de toutes les catégories professionnelles pour favoriser la croissance économique via la consommation.
Généraliser l’utilisation de la carte bancaire pour effectuer des paiements auprès des commerces, des paiements virtuels sur internet, faire des retraits au distributeur de billets selon les besoins. Réduire ainsi la circulation du cash. Les Américains utilisent la carte bancaire depuis les années 50, les Européens depuis les années 70. En France, il y a près de 100 millions de cartes bancaires. Il faut se défaire de la «coutume» du cash.
Aménagement du territoire : faire du Sahara une région économique d’excellence attractive et un modèle de développement urbain des régions semi-arides et arides. Le Sahara algérien possède des caractéristiques physiques et climatiques tout à fait propices au développement de plusieurs champs économiques.
L’agriculture biologique
L’Algérie partage ses frontières avec 7 pays. A chaque frontière, mettre en valeur 100 000 hectares de terres en agriculture biologique en introduisant la science et la technologie mais sans provoquer une rupture avec le milieu traditionnel, caractérisé par des symbioses et des équilibres entre société humaine et milieu naturel. Avec ces mises en valeur, l’Algérie va s’ouvrir sur les pays africains en créant une dynamique économique par les échanges, la libre circulation des produits, etc.
Le tourisme d’hiver
De par ses étendues et ses paysages, le Sahara offre un climat favorable pour développer le tourisme d’hiver. Le tourisme est à considérer comme une activité primordiale. Cette activité, quand elle se développe, prend de l’expansion et induit des conséquences qui profiteraient à d’autres secteurs économiques (transports, routes, réseau de télécommunications, infrastructures, création d’emplois, etc.)
Les énergies renouvelables et fossiles
Ce vaste territoire de près de 2 millions de kilomètres carrés recèle un potentiel d’hydrologie souterraine, minier et d’énergie fossile considérable. C’est le patrimoine de l’Algérie qu’il faudrait fructifier, rentabiliser pour assurer un développement équilibré et durable.
Construire des centrales électriques à énergie solaire à chaque frontière partagée avec les pays voisins. Ces centrales auront un double effet : assurer l’énergie pour l’aménagement des 100 000 hectares par frontière ; exporter l’énergie vers les pays voisins.
Développer un tissu économique de PME dans la fabrication de tous les composants des panneaux solaires de dernière génération sans plastique et verre.
Exploiter les substances hautement stratégiques que sont les terres rares. Exploiter la richesse minière, la convertir de l’état brut à l’état de produits.
Exploiter les énergies fossiles.
Le développement urbain en régions semi-arides et arides
L’État doit se doter d’une nouvelle politique d’aménagement du territoire adaptée à la réalité actuelle qui est l’hyper concentration de 93% de la population générale sur toute la bande littorale, avec un étalement démesuré en km de nos villes du Nord fait au détriment des riches terres agricoles.
La rapidité du rythme de progression de ces villes du Nord a été génératrice de déséquilibres tant au niveau des équipements que de leur organisation spatiale. Ces distorsions appellent une action d’aménagement ouverte vers le Sud par la création de nouvelles villes sur les Hauts-Plateaux et le Sahara, et contribuer ainsi à une plus juste répartition géographique de la population.
Cette nouvelle politique d’aménagement du territoire doit défendre le style architectural de l’Algérie, d’utiliser les matériaux de construction locaux, les matériaux d’isolation thermique, d’énergie solaire, de tenir compte du facteur intemporel de la sismicité, etc.
Réaliser un aménagement du territoire avec une approche intégrée. Le Sahara pourrait devenir un modèle de développement des régions semi-arides et arides.
Le développement ne se décrète pas uniquement par des lois ,il nécessite la mobilisation de toute les franges de la société algérienne. C’est un projet social.
- H.
(*) Maître de conférences, post-doctorat en géographie de la santé, docteur d’Etat en géographie sociale, DESS en environnement, prévention et santé.
NDLR : les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
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