Sadi : «Il est illusoire de penser que l’armée est en phase avec le mouvement du 22 février»
Par Hani Abdi – Saïd Sadi alerte sur le risque d’un face-à-face entre l’armée et le peuple. «Le congrès du Parlement est convoqué. On peut supposer que c’est pour désigner le chef de l’Etat intérimaire qui va conduire l’agenda électoral avec la bénédiction de l’armée», souligne d’emblée Sadi, qui pose le problème de la démarche à suivre pour satisfaire les revendications du peuple algérien qui aspire à un nouveau système politique. «Cette démarche évacue les supputations qu’entretenaient certaines voix naïves, intéressées ou simplement ignorantes des pratiques du sérail, pour entretenir l’illusion que l’armée est en phase avec le mouvement du 22 février qui en appelle, semaine après semaine, à la fin du système militaire qui a confisqué le pays symbolique et physique depuis 1962», affirme-t-il, estimant que «cette décision met donc un terme à un vicieux malentendu qui laissait entendre que tout le monde était d’accord alors que les divergences sur les méthodes et les buts entre l’armée et la rue étaient totales».
«De ce point de vue, la nouvelle situation clôt une confusion dangereuse et installe tout le monde devant ses responsabilités», considère Saïd Sadi pour lequel «le problème algérien renvoie à la militarisation de la vie publique». Pour lui, vouloir faire reprendre au pays le cours des choses comme si rien ne s’était passé depuis le 22 février est «irresponsable». «La volonté de l’armée, du moins de celui qui parle en son nom, est évidente. La transition demandée par le peuple devrait se limiter à organiser des élections à l’ombre de celui qui sera adoubé par un Parlement qui a symbolisé les fraudes, la trahison de la volonté populaire», soutient-il. La solution, selon le fondateur et ancien président du RCD, c’est d’aller vers une transition démocratique.
Saïd Sadi estime que, dans ces heures décisives, la vérité est la condition du salut. «L’armée, ou plus exactement celui qui parle à sa place, a d’abord vanté le bilan de Bouteflika pour vendre, dans la foulée, le cinquième mandat. Quand les manifestations ont commencé, les avertissements contre les ennemis intérieurs furent la première réaction. Par la suite, le propos est devenu plus nuancé avant de s’aligner sur la rue. L’armée n’est donc ni l’initiatrice, ni même le soutien du mouvement populaire. Elle a fini par s’y résigner. Tant mieux», rappelle-t-il, dénonçant ainsi des hommes politiques qui assurent, selon lui, le service après-vente de cette tentative de détournement de la volonté du peuple et expliquent qu’il est urgent de valider ce stratagème.
«Argument invoqué : il faut rapidement donner au pays un chef de l’Etat élu pour éviter une vacance trop longue de la Présidence qui serait préjudiciable à la nation. Ces individus, pressés de se voir hélitreuillés par l’armée à El-Mouradia, expliquent dans le même souffle que l’Algérie est restée sans Président depuis 2013 au moins !» avertit-t-il.
Par son propos, Sadi semble cibler Ali Benflis, qui défend l’option d’aller rapidement vers une présidentielle. Saïd Sadi estime qu’il est important de «tenir l’armée éloignée des enjeux politiques, et le seul fait qu’elle soit impliquée dans le processus transitionnel est en soi problématique pour elle-même et pour l’avènement de l’Etat civil». Sadi conclut en considérant que «la mobilisation populaire doit continuer». Il appelle à envisager d’autres formes de luttes «jusqu’à ce que l’armée comprenne la volonté populaire».
H. A.
Comment (79)