Jean-Yves Le Drian : «La transition politique en Algérie n’est pas simple»
Par Karim B. – C’est un ministre des Affaires étrangères français très gêné face aux questions des journalistes d’Europe 1 qui s’est exprimé, ce dimanche, sur la crise algérienne. Jean-Yves Le Drian a paru très mal à l’aise, cherchant les mots qui ne fâchent pas et, à force d’éviter de dévoiler le fond de sa pensée et d’être évasif, a entretenu l’ambiguïté sur la position officielle de la France.
Le chef de la diplomatie française a, en effet, mis l’accent sur la nécessité de privilégier la voie du dialogue, ignorant sans doute que c’est justement ce terme qui est au centre de la crise politique actuelle en Algérie. De quel dialogue Le Drian parle-t-il lorsqu’il affirme que «[nous] comptons sur la responsabilité des Algériens» et «[nous] pensons que la voie du dialogue doit s’imposer» ? Ce, au moment où les Algériens rejettent le panel mis en place par le pouvoir et où le chef de l’armée impose sa feuille de route à laquelle les millions de manifestants qui battent le pavé depuis plus de six mois opposent un refus catégorique ?
Jean-Yves Le Drian se dit rassuré que les manifestations se déroulent de manière pacifique. «Il n’y a pas de chaos dans les rues, il y a une population qui s’exprime très régulièrement depuis le mois de février tous les vendredis et il y a une transition politique depuis le départ de Bouteflika qui n’est pas simple parce que c’est un grand moment dans l’histoire de l’Algérie», a-t-il soutenu, en se confinant dans des généralités, sans citer nommément les deux parties en «conflit», à savoir le peuple et le commandement de l’armée incarné par Gaïd-Salah.
Aux journalistes qui lui faisaient remarquer que la situation économique en Algérie était désastreuse et qu’une aggravation de la crise pourrait créer le chaos dans toute la région, le ministre français des Affaires étrangères a répondu qu’il était «opportun» que «les Algériens prennent en considération l’ensemble de cette donne, mais il faut qu’ils trouvent eux-mêmes les voix du dialogue», car «ce n’est pas à la France de dire aux Algériens comment il faut faire». «Ils (les Algériens, ndlr) sont à une étape importante de leur vie commune», a-t-il ajouté.
Tout en soulignant que la France «est très attachée à l’Algérie», Le Drian a réitéré son «souhait» que «les voix du dialogue permettent une solution politique rapide», estimant que «pour l’instant, la maturité et la responsabilité sont au rendez-vous». «Nous souhaitons que ça se poursuive en ce sens», a-t-il dit, affirmant que Paris «appuie toutes les voies de dialogue qui peuvent avoir lieu pour permettre à l’Algérie d’avoir une nouvelle étape de sa vie politique qui soit forte et qui lui fasse honneur».
Le Drian ne précise pas jusqu’à quand «ça» doit «se poursuivre en ce sens», bien qu’il sache que la crise politique s’enlise, que la patience des citoyens a atteint ses limites et qu’ils le feront savoir dès ce mardi où les manifestations promettent d’être encore une fois massives.
A travers ses non-dits, le ministre français exprime tacitement sa frustration de ne pouvoir commenter aussi librement la situation qui prévaut en Algérie sans craindre de soulever une polémique avec Alger, à l’heure où les relations algéro-françaises sont à leur niveau le plus bas depuis des années. Il faut dire que le discours ouvertement anti-français prôné par le pouvoir à Alger n’est pas fait pour aider à un dégel rapide de ces relations.
K. B.
Comment (23)