Gaïd-Salah-Tebboune : du coup d’Etat avorté au passage en force «légal»

clans Tebboune
Abdelamdjid Tebboune, le président de la République, a dévoilé son programme. D. R.

Par Youcef Benzatat – Ahmed Gaïd-Salah, chef d’état-major de l’armée, et Abdelmadjid Tebboune, ancien Premier ministre, travaillent la main dans la main depuis des années pour conquérir ensemble le pouvoir. Ils forment à eux deux le duo conventionnel idéal qui représente les deux facettes traditionnelles du système de pouvoir algérien, le premier est détenteur de l’autorité militaire et l’autre la potentialité de la représentation du pouvoir civil de façade.

Le 24 mai 2017, Tebboune est nommé Premier ministre en remplacement d’Abdelmalek Sellal. Sitôt, il lance une série de réformes défavorable pour l’essentiel au clan des Bouteflika, surnommé par la suite par Gaïd-Salah la «îssaba» (la mafia), où la lutte contre la corruption sera le noyau dur de ces réformes. Celles-ci avaient sans doute pour objectif de préparer le terrain à la prise du pouvoir par Tebboune et Gaïd Salah. Un coup d’Etat soft était de toute évidence en gestation. L’application de l’article 102 n’attendait que le moment opportun. Le soulèvement populaire du 22 février 2019 est venu à point pour leur faciliter le passage à l’acte.

Mais avant cela, le clan adverse n’est pas resté passif. Il procéda au limogeage de Tebboune sur le champ, à peine trois mois après sa nomination au poste de Premier ministre, soit le 15 août 2017. Au-delà du limogeage de Tebboune, un remaniement ministériel avait poussé à la porte de sortie tous les ministres et les hauts cadres de l’administration proches de l’état-major, suivi de l’annulation des principales initiatives et réformes que l’ex-Premier ministre avait prises et qui menaçaient directement les intérêts du clan des Bouteflika. La tentative de coup d’Etat de Gaïd-Salah et Tebboune avait été avortée prématurément.

L’éviction précipitée de Tebboune de son poste de Premier ministre par le clan des Bouteflika a eu le mérite de révéler à l’opinion les rivalités claniques pour la succession de Bouteflika, celle du propre clan de celui-ci, dirigé en coulisses par son frère Saïd, face à celui de l’état-major sous le commandement de Gaïd-Salah.

En fin stratèges, le duo putschiste laissa faire, allant jusqu’à soutenir le cinquième mandat. La guerre continuait à faire rage entre les deux clans, en attendant la décantation finale qui devait en toute logique se stabiliser à l’échéance présidentielle de 2019. Le clan Bouteflika semblait prendre le dessus en gardant la main sur l’Etat et ses institutions, mais, en réalité, il n’y avait plus de gouvernail au sommet du pouvoir.

Devant cet état de déliquescence avancée et face à la pression de l’opposition et de la société civile, le clan de l’état-major a dû intervenir pour faire face à un second concurrent, plus coriace encore que le clan des Bouteflika : l’exigence du peuple à mettre fin au système de pouvoir autoritaire et liberticide et l’édification d’un Etat civil et démocratique.

Dans sa déclaration faite à Constantine, dans la foulée de l’agitation qui a suivi le limogeage de Tebboune, Gaïd-Salah avait émis un message des plus clairs : l’ANP est une armée républicaine et n’entend pas déroger à sa mission constitutionnelle. Un message adressé à l’opinion en générale et à la classe politique de l’opposition, en particulier, qui demande à l’unisson d’appliquer l’article 102, à savoir, anticiper la fin de la présidence de Bouteflika pour vacance du pouvoir. Un message plutôt sournois, dont la finalité était de tirer les rideaux sur cette lutte pour le pouvoir au sein du système et de la dérober aux regards de l’opinion et de la classe politique de l’opposition, à qui il a adressé une fin de non-recevoir.

Alors qu’en vérité, ça aurait été plutôt la position inverse qui aurait eu un caractère constitutionnel. Celle de prendre la décision d’appliquer l’article 102 pour vacance du pouvoir et d’organiser des élections propres. Car il y a véritablement matière à violation de la Constitution de la part du clan qui persiste à maintenir Bouteflika à la présidence malgré son empêchement avéré. C’est en ayant pris cette décision que l’armée aurait réellement accompli sa mission constitutionnelle, en ayant mis fin à sa violation par ceux qui persistaient à maintenir Bouteflika à la tête de l’Etat malgré son incapacité. Le message était donc clair et sans ambiguïtés : Gaïd-Salah n’envisageait nullement de remettre le pouvoir aux civils. Car une telle initiative du commandement de l’armée devrait naturellement restituer le pouvoir à un civil, en veillant à son élection par un suffrage universel honnête et transparent. Le tiré de rideau de Gaïd-Salah avait justement pour finalité d’empêcher que cela se produise, car l’état-major de l’armée, du moins sous le commandement de Gaïd Salah, n’est pas prêt à rendre le pouvoir aux civils ni à accepter de se soumettre à l’autorité d’un Président civil élu par le suffrage universel.

A partir de ce moment, le clan des putschistes devait lutter sur deux fronts, contre le clan adverse, dont il a sous-estimé dans un premier temps la capacité de résistance, en même temps, écarter la société civile de la course au pouvoir.

A partir du 22 février, le soulèvement populaire fut une véritable bénédiction pour les putschistes malheureux, dont la stratégie connaîtra un formidable coup d’accélérateur, au fur et à mesure que le soulèvement populaire devenait un solide bouclier contre le clan adverse. La décapitation de ce dernier fut aussi fulgurante que spectaculaire. Ses principaux acteurs furent arrêtés et définitivement neutralisés. Saïd Bouteflika, Mohamed Mediene, Athmane Tartag et la majorité de leurs complices qui croupissent en ce moment à la prison d’El-Harrach.

La voie est désormais plus que jamais libre pour s’emparer du pouvoir. L’insistance de Gaïd-Salah d’aller au plus vite à des élections présidentielles, avec l’intention de vouloir imposer Abdelmadjid Tebboune comme futur président de la République démocratique de façade, sous un régime militaire, est pour lui le moyen le plus efficace de neutraliser le dernier obstacle qu’est l’exigence du peuple pour un Etat civil véritablement démocratique.

Comme pour sa sous-estimation de la capacité de résistance du clan des Bouteflika dans sa tentative de coup d’Etat soft avorté, Gaïd-Salah est en train de commettre la même erreur d’appréciation quant à la capacité de résistance du peuple dans sa tentative de passage en force «constitutionnel». Il lui faudra certainement plus qu’une bénédiction pour faire face à l’exigence du peuple de mettre fin à l’Etat militaire pour l’édification d’un Etat civil ! Car il a affaire à un peuple déterminé à prendre son destin en main, à se réapproprier sa souveraineté, son pays et son armée et non plus à une bande de crapules qui ont sévi deux décennies durant à piller et détruire tout ce qu’il lui revient, y compris sa dignité.

Y. B.

 

Comment (13)

    Brahms
    24 septembre 2019 - 7 h 50 min

    Entre récupérer les fonds des voleurs à l’étranger, mettre le pays sur les rails du développement, faire l’élection présidentielle, donner un logement décent à chacun, augmenter les retraites et les salaires, résoudre les attentes de la population, il faudra attendre 20 ans pour voir le début de quelque chose.

    Je connais une dame algérienne de 75 ans émigrée qui a vendue sa villa car ses enfants ne sont pas intéressés pour rentrer en Algérie car toutes leurs activités professionnelles se trouvent à l’étranger. Elle a donc fait la navette 10 fois par avion chez le notaire pour un simple acte de vente et elle me dit qu’elle n’a toujours pas son papier d’acte notarié. Je lui ai dit que ce notaire voudrait en réalité une grosse commission (Tchipa) à défaut, votre dossier restera dans l’attente voir disparaîtra.

    Cette dame se croyait toujours en 1962 et je lui ai dit de s’adresser à la Chambre des notaires.

    On vit dans un monde de requin, on veut manger sur le dos de l’autre en enfreignant les règles de déontologie, de professionnalisme, de conscience professionnelle donc Mr Tebboune ou un autre, vous avez énormément de chantiers en Algérie car beaucoup de cerveaux sont à changer.

    57
    23 septembre 2019 - 19 h 20 min

    vous pouvez gigoter tant que caid se prend pour le 1/2 dieu et jusque a ce que le peuple prend son destin en main don vous ne faite pas parti

    Felfel Har
    23 septembre 2019 - 14 h 46 min

    Il n’est pas bon, par les temps qui courent, d’afficher sa proximité avec GS ou d’accepter de servir sa cause. Si Tebboune voulait garder intacte sa réputation de fonctionnaire honorable, donc serviteur de l’État et de son peuple, redevenu souverain dans ses choix et ses objectifs, il devrait s’éloigner du baril de poudre qu’est GS car il ne tardera pas à exploser, tant l’inénarrable général n’arrête pas de jouer avec le feu. Le Big Bang qui s’en suivra ne manquera pas d’envoyer « ad patres » tous ceux qui gravitaient autour de lui.
    Alea jacta est! Les dés sont jetés et la révolution du peuple, par le peuple et pour le peuple est en marche. Gare à ceux qui tentent d’entraver son chemin!

    azul
    23 septembre 2019 - 13 h 13 min

    Pas avec cette mentalité désuète de la vieille politique en laquelle plus personne ne croit.

    Amal
    23 septembre 2019 - 12 h 38 min

    De pourriture en pourriture, Rah moussa el hadj, revient hadj moussa.
    On en veut plus de vous ! Vous etes la face de la corruption et c’est pour cette raison que le peuple sort dans les rues pour vous dire de degager TOUS, sans exception. Y’en a ras le bol de voir les memes tetes, des voeux rapaces et des vautours de toute sorte. DeGAGEZ !!!

    yassine
    23 septembre 2019 - 12 h 27 min

    C’est trop tard , le peuple exigera des comptes . Ces crapules de generaux (Bzenssiya) doivent tous finir en taule avec confiscation de tout les biens aux noms de leurs familles .
    Is to late !

    Anonyme
    23 septembre 2019 - 12 h 00 min

    Un état civil, oui, mais débarrassé des marocains de souche et des naturalisés, un état civil jaloux du leg des martyrs de la guerre d’indépendance…Pas un état civil branché sur paris ou dubay…

      benjamin
      23 septembre 2019 - 16 h 13 min

      il devient supportable anonyme.il à toujours raison par ces commentaires.il insulte tout le monde.il est 24 sur 24 sur AP.il en a plusieurs pseudo etc…
      il en a rien à foutre de ceux qui se passe dans la vie reel
      ce qui compte pour lui c’est d avoir plus de pouces en haut

    Eviter l'érreur et offrir...
    23 septembre 2019 - 10 h 06 min

    … une porte de sortie à Gaïd Salah afin qu’il soit tranquille dans sa retraite, lui, et sa bande! C’est le prix à payer et il est infime devant ce que les Boutesrikas ont concocté contre le pays. L’ennemi de mon ennemie est mon ami, et El Gaïd a pu arrêter le DIABLE de SAÏD et Rab Dzaïr, souvenez-vous, ils ont mis mains basses sur tout le pays et ses institutions, enfin un KO parfait et quelques soit la motivation, on s’en fou même si c’est pour les intérêts de Gaid Salah et du 2eme clan. Aujourd’hui GS ne souhaite pas terminer en prison, et le HIRAK doit le rassurer. Il serait suicidaire pour GS d’accepter des élections libres qui le condamne à El Harrache. Enfin, il faut REFUSER ce vote de mascarade parce qu’on va directement vers un gouvernement militaire, donc retour au duo FLN/DRS qui ont détruit le pays depuis 57 ans ! La solution est entre le duo HIRAK/GS.

      Zaatar
      23 septembre 2019 - 18 h 29 min

      On ne s’y trompera jamais. Dans un pays comme le nôtre, jeune de 57 ans d’âge où le peuple a été élevée à la distribution de la rente, un clan au pouvoir en a toujoyrs cache un autre. On l’a vérifié 57 ans durant…et pour combien de temps encore? On n’en sait rien.

    Abdelmajid Gheir Salah
    23 septembre 2019 - 9 h 30 min

    Dis moi ceux qui tu fréquente et je te dirais qui es-tu, a ma connaissance Mr Tebboune n’a pas les mains propres comme il pretend, il est impliqué dans l’affaire Khalifa Bank, et même à part une personne où deux ayant travaillé avec le traître Bouteflika, qui ont peut-être les mains propres, comme par hasard là majorité de nos dirigeants aiment l’argent et les magouilles et la patrie vienne après

    ABOU NOUASS
    23 septembre 2019 - 8 h 42 min

    Mais comment peuvent ils encore espérer diriger ce pays , alors que 40 millions de citoyens sortent 2 fois par semaine pour dire non aux élections frauduleuses.

    On voit bien que la cupidité fait des ravages et que le pouvoir ne se lâche pas facilement mais s’arrache .

    Ces deux larrons en foire devront se résigner à tirer un trait sur ces élections truquées, et prendre leur mal en patience pour finir leurs jours en paix.

    Ce Tebboune qui voulait jouer aux ZORRO a été reconduit manu militari et maintenant il revient au galop au secours de son mentor protecteur occasionnel.

    Décidément …………

    Farida
    23 septembre 2019 - 7 h 40 min

    Tout est résumé dans le dernier paragraphe.
    « Il lui faudra certainement plus qu’une bénédiction pour faire face à l’exigence du peuple de mettre fin à l’Etat militaire pour l’édification d’un Etat civil ! Car il a affaire à un peuple déterminé à prendre son destin en main, à se réapproprier sa souveraineté, son pays et son armée et non plus à une bande de crapules qui ont sévi deux décennies durant à piller et détruire tout ce qu’il lui revient, y compris sa dignité. »

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