Au banc de l’infamie

Syriens infamie
Des réfugiés syriens affluent vers l'Europe. D. R.

Par Mrizek Sahraoui C’est l’infamie des deux côtés de la frontière turco-grecque. A l’est, active un maître-chanteur qui veut se faire beaucoup de dollars sur le dos des pauvres réfugiés syriens et, à l’ouest, une Europe en masque pour se protéger du virus, mais portant, cependant, des œillères, refusant d’admettre l’évidence conforme au droit international : il faut trouver une réponse humanitaire à la détresse de populations qui servent d’alibis aux appétits voraces des uns et aux calculs politiciens des autres.

Face au drame, ce sont des menaces à peine voilées qui fusent, à l’envi. Erdogan, qui a toujours usé de malice, considère que «si les pays européens veulent régler le problème, alors ils doivent apporter leur soutien aux solutions politiques et humanitaires turques en Syrie», traduire, la solution à la crise syrienne devrait absolument passer par Ankara et, nécessairement, satisfaire les désidératas du sultan turc. La réponse du berger à la bergère ne s’est pas fait attendre. Elle est venue du ministre français des Affaires étrangères qui a déclaré sur le ton de la fermeté : «L’Union européenne ne cédera pas à ce chantage (…) Les frontières de la Grèce et de l’espace Schengen sont fermées et nous ferons en sorte qu’elles restent fermées, que les choses soient claires !»

En ouvrant ses frontières avec l’Europe, Erdogan veut faire d’une pierre deux coups, tout en jouant à la roulette russe. Il y a, d’abord, la motivation d’ordre économique : l’Europe s’acquitte de ses obligations de verser chaque année une aide au maintien des migrants sur le sol turc, en vertu de l’accord de novembre 2015 qui a prévu la signature d’un chèque de trois milliards d’euros puis la contribution est portée à six en 2016. Ensuite, après les pertes que vient de subir l’armée turque à Idlib, 33 militaires tués, selon Ankara, Erdogan veut impliquer les Européens dans (sa) guerre contre la Syrie, alors qu’il vient de signer avec son homologue russe, ce jeudi à Moscou, un accord de cessez-le-feu à Idlib, évitant ainsi une escalade… Et la partie continue, donc !

De nombreux observateurs s’accordent à voir dans le ton ferme de Jean-Yves Le Drian une volonté de mettre de l’huile sur le feu. Comble du cynisme, cela arrangerait les affaires internes du Président français et, selon ses détracteurs, l’afflux des migrants sur le flanc sud de l’Europe serait du pain béni pour Emmanuel Macron. Ce dernier, embourbé dans (sa) réforme des retraites, votée presque en catimini et qu’une majorité des Français rejettent, veut placer, l’a-t-on accusé à Mulhouse quand il a dévoilé son plan contre le séparatisme islamiste, les thématiques chères à l’extrême droite [l’immigration, la question des frontières et l’islam] au centre du débat public pour mieux évacuer les revendications sociales de la campagne électorale des municipales dont les instituts de sondage prédisent une déroute sans appel de la majorité gouvernementale dans la quasi-totalité des grandes métropoles.

Ce qui se fait sur le dos des migrants s’appelle de la convergence d’intérêts, ou bien des «alliés objectifs», en langage marxiste orthodoxe.

M. S. 

Comment (14)

    Mais qu'attend à présent...
    6 mars 2020 - 19 h 32 min

    …La nomenklotura syrienne pour rapatrier leurs compatriotes qui errent à travers le monde ?
    L’Europe au lieu de payer Erdogan pour faire le gendarme, s’accommoderait sans doute à payer directement Assad pour réinstaller les syriens dans leurs foyers !
    En voilà une manière rationnelle de dépenser l’argent Européen avec, probablement un bon retour sur investissements !
    A méditer !!!!!

      Anonyme
      7 mars 2020 - 17 h 58 min

      Le probleme c est que ces millions de refugies sont retenus en otages chez Erdogan comme instrument de chantage vers l Europe…avec appui de Angela Merkel…elle qui a fait un virement de 50 millions d Euros aux terroristes a Idlib..ces terroristes qu elle nomme rebelles… Aussi bien l Europe de Merkel et Macron que Erdogan jouent la carte des refugies..l un pour faire chanter l Europe et en tirer le maximum de milliards d euros et les autres pour affaiblir la Syrie et lui soutirer tous ses cadres les plus competents…

    Mon opinion
    6 mars 2020 - 18 h 51 min

    Salam,
    (…) à qui la faute si l’Europe est menacée par les vagues d’immigrants?
    C’est (….) elle qui en est entièrement responsable.

    Anonyme
    6 mars 2020 - 18 h 05 min

    Vous oubliez les autre acteurs,les islamistes et la dictature,et au milieu le peuple . C,est le destin passé ou a venir de tous les pays arabo musulmans soumis à a la peste et le choléra. La démocratie et le progrès c,est pour les autres .

      Réponse
      8 mars 2020 - 1 h 25 min

      La démocratie n’ a rien a voir avec les Arabes, l’Islam ou les Berbères.

    Felfel Har
    6 mars 2020 - 14 h 23 min

    La « malice » ou « ruse » dont se prévaut Erdogan lui aurait-elle profité? A l’évidence non, puisque le maître-chanteur se retrouve avec deux ennemis qui jurent sa perte. Comme tous ces dirigeants moyen-orientaux, un peu arrogants et ambitieux, à la limite de la folie furieuse, il s’est retrouvé avec une grosse tête et des chevilles enflées en rêvant d’un destin hors du commun, fait de projets utopiques et irréalisables, donc voués à l’échec.
    Outre Bachar et les Européens qui l’ont ramené sur terre, Poutine s’est chargé de le déculotter en le convoquant à Moscou pour lui rappeler que, d’autres avant lui, avaient tenté de menacer la Russie, en vain. Il est reparti chez lui avec l’ordre de se retirer du territoire syrien qu’il occupe par procuration des insatiables pillards que sont les judéo-chrétiens et de renoncer à protéger leurs terroristes utilisés comme chair à canon.
    Le gouvernement de Serraj en Libye devrait comprendre qu’Erdogan n’est qu’un pantin dont la crédibilité est battue en brêche. « A dog that barks too much doesn’t bite ». Toute la planète l’a compris, sauf certains qui, en Algérie, croient encore à sa bonne étoile… filante.

    Vendredire
    6 mars 2020 - 14 h 14 min

    Il ne faut pas que la détestation du président turc soit une raison suffisante pour prendre le parti de l’Europe sur la question des réfugiés syriens.
    La Turquie a accepté sur son sol TEMPORAIREMENT 3,5 millions de syriens qui ont fui la guerre. L’Europe a donné une compensation de 6 milliards d’euros et s’est engagée à résoudre rapidement le conflit qui oppose le sanguinaire Bachar Al Assad contre une partie de son peuple.
    Voyant que la Russie a pris possession de la Syrie, l’Europe a abandonné l’idée de s’impliquer davantage dans ce conflit devenu international. Pour l’Europe, s’acquitter de 6 milliards d’euros par an est un effort suffisant. Cela représente 4 euros par jour par réfugié .
    La Turquie lui dit je vais ouvrir les frontières et laissez les Réfugiés rentrer chez vous car c’est ce qu’ils veulent et gardez vos 6 milliards d’euros puisque vous ne voulez pas régler ce problème politique avec Bachar Al Assad. Refus de l’Europe et blocage.
    Maintenant, je vais poser une question simple à tous les détracteurs des turcs. Si demain le conflit libyen dégénère et que se présentent à la frontière 3,5 millions de réfugiés doit-on les accepter moyennant 6 milliards d’euros? Je ne le penserai pas malgré notre proximité identitaire sauf pour une période courte. On ne peut pas entretenir une personne la soigner et l’éduquer avec 4 euros par jour. Ceux qui en doutent n’ont qu’à aller voir comment les réfugiés palestiniens vivent au Liban.
    Ce conflit est très compliqué. Il ne s’agit pas d’un conflit politique seulement mais d’un conflit politique sur lequel est venue se greffer une dimension religieuse important sunnite – shiites.
    Quand on veut traiter d’un dossier sérieusement, il faut prendre le temps de l’étudier. Si on veut insulter Erdogan c’est facile mais ce n’est pas la peine d’essayer de présenter au lecteur une vue faussée du conflit qui l’oppose à l’Europe. On peut avoir des raisons objectives de détester Erdogan mais pas celle-ci.

      Argentroi
      6 mars 2020 - 22 h 26 min

      @ Vendredire du 6 mars 2020 – 14 h 14 min
      Ah, je viens d’apprendre que la Turquie est en conflit avec l’Europe. Quand l’Europe, les USA, les pays du golfe Qatar et Saoudiens compris, la Turquie, le Maroc, 114 pays en tout s’étaient retrouvés en décembre 2012 à Marrakech lors de conférence internationale des amis de la Syrie, c’était alors pour résoudre le conflit entre l’Europe et la Turquie ? Mais à cette époque, il n’y avait pas de réfugiés.

    ZaraSoustra
    6 mars 2020 - 10 h 47 min

    qui donne des leçons? c’est vous.
    Vous avez tout dit sauf l’essentiel a savoir que si les migrants affluent vers l’europe c’est parce qu’ils fuient les bombes que les européens ont fabriquées et mis a la disposition des terroristes qui ont dépecé la Syrie.
    Qui a armé El Nosra and Co pour faire de la Syrie un pays exsangue. Il y a toujours des gens pour défendre l’indéfendable. Si les européens ne veulent plus accueillir la misère du monde, qu’ils arrêtent de la fabriquer.

    Hocine-Nasser Bouabsa
    6 mars 2020 - 10 h 03 min

    En plus de l’aspect défensif, que j’ai mentionné avant, l’Europe doit aussi élaborer parallèlement une politique préventive cohérente et durable, en cessant d’une part sa politique impérialiste et son ingérence en Afrique, et d’autre part, en finançant et en soutenant efficacement le développement sur ce continent. C’est la seule façon d’éviter que les Damnés de la Terre – comme les a appelés Frantz Fanon – migrent vers l’Europe afin d’assurer à leur famille et à leur descendance une existence.

    Hocine-Nasser Bouabsa
    6 mars 2020 - 9 h 13 min

    En 2015, Merkel a sous-estimé l’impact des frontières ouvertes sur la société allemande. Le résultat est connu : l’extrême droite fasciste domine une grande partie de l’électorat allemand, d’ailleurs comme en Italie, en Autriche, en Pologne, en Hongrie, etc… Imaginez la réaction des Algériens si un jour plus de 1 million de Subsahariens viendraient demander l’asile en Algérie !

    Non, la solution ne réside pas dans la migration ou la déportation massives des populations victimes de conflits armées ou économiques, créés et entretenus volontairement pour des raisons géostratégiques, mais dans le combat sur place des causes et sources de ces conflits.

    L’Europe doit soutenir la Grèce – s’il le faut militairement – contre l’invasion orchestrée par Erdogan, pour des raisons purement matériels et expansionnistes. Sinon le vivre-ensemble harmonieux entre différentes cultures qui s’épanouit progressivement en Europe sera décimé. Dans un tel cas, bonjour les dégâts.

    Le secret de tout médicament réside dans son bon dosage. Cette règle est aussi valable pour la migration.

      Arris
      7 mars 2020 - 11 h 20 min

      « L’Europe doit soutenir la Grèce – s’il le faut militairement – contre l’invasion orchestrée par Erdogan, pour des raisons purement matériels et expansionnistes. Sinon le vivre-ensemble harmonieux entre différentes cultures qui s’épanouit progressivement en Europe sera décimé. Dans un tel cas, bonjour les dégâts.  »

      En massacrant les réfugiés et migrants ou en attaquant la Turquie ?

    Thamourth
    6 mars 2020 - 9 h 12 min

    Vous faites semblant de découvrir que les populations sont utilisées dans ces nouvelles guerres qui ne disent pas leurs noms.
    La Turquie veut sa part du gâteau, du nouveau deal, de la nouvelle redistribution des cartes. Oui, les peuples sont les victimes de ces manipulations infâmes. Les guerres, les marchands de morts se font de l’or.

    Bientôt les algériens vont rejoindre les syriens qui mendient dans les rues de Paris ???? Pour le bien des néocolons.

    Le Chant Des Cygnes
    6 mars 2020 - 8 h 42 min

    Donner des leçons d’humanité à la France qui est le pays qui fait le plus pour les migrants ne manque pas de sel.
    Les Européens sont menacés par ses vagues successives de réfugiés, même l’Allemagne à repris les éxpulsions, les pays de l’Est se barricadent et l’erdogan veut monnayer tout cela alors que des accords ont été signés et de la monnaie sonnante et trébuchante à été versée.
    Imaginons juste une seconde que plusieurs millions d’ Africains débarquent chez nous et menacent même notre cohésion sociale qui est déjà très fragile, que ferons nous ,les accueillir à bras ouverts ou les renvoyer chez eux?
    Charité bien ordonnée commence par soit même.
    Se donner bonne conscience sans être partie prenante en accusant les autres de ne pas accueillir ces migrants n’est pas une position respectable. Chaque pays à le droit de choisir ses migrants, c’est peut-être inhumain, mais c’est aux gouvernants de ces pays pourvoyeurs de migrants de trouver des solutions pour leurs populations.
    On passe nos journées à fustiger le colonialisme et l’ingérence des occidentaux, mais nous ne condamnons jamais tous les dictateurs qui affament leurs peuples.

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