Les bons samaritains

aide Afrique
Le sol de l'Afrique regorge de richesses inexploitées. D. R.

Par Mrizek Sahraoui Dans son intervention télévisée du lundi 14 avril, le chef de l’Etat français a appelé à une aide de la France et de l’Europe à l’Afrique pour lutter contre le coronavirus en «annulant massivement sa dette». Venant de Macron, cet appel est tout, sauf anodin dans un discours qui devait logiquement être concentré sur les attentes des Français, lesquels attendaient des explications sur la gestion chaotique de la pandémie et des éclairages sur la suite du confinement, une projection chargée de doutes.

Il est de notoriété que les idées-forces d’un discours, a fortiori en pareilles circonstances, sont loin d’être un simple alignement de mots. D’aucuns s’accordent à voir dans la déclaration, louable au demeurant, d’Emmanuel Macron de venir au chevet de l’Afrique non pas une générosité désintéressée mais rien d’autre qu’une simple et, néanmoins, subtile rhétorique politique destinée à pallier quelque situation de mauvaise posture. En clair, une manœuvre de diversion visant à redorer le blason d’un Président tribun mais d’une aura nationale et internationale bien ternie après ses nombreux échecs successifs, tant sur sa gouvernance que sur le plan diplomatique.

La preuve qu’il s’agit bel et bien de la pure communication, dans un entretien qu’il a accordé à RFI, mercredi, soit 48 heures après son discours à la nation, le président français a tempéré son propos, ne parlant plus d’annulation de la dette des pays africains – un objectif, a-t-il dit – mais d’une suspension des échéances de payement auprès des créanciers. Un revirement qui laisse bien voir qu’entre les fanfaronnades, les beaux et grands discours de Macron et les actes, il y a une distance zénithale.

Qui peut raisonnablement croire que l’Afrique pourrait être la priorité des «philanthropes» et autres donateurs internationaux ? C’est vrai que le Fonds monétaire international, qui a pronostiqué une contraction de l’économie mondiale de 3%, au lieu d’une croissance de 3,3% annoncée en janvier dernier, bien avant que le Covid-19, ne se propage de façon vertigineuse, vient de consentir une subvention à 19 pays africains pour couvrir leurs obligations au titre du service de la dette envers le Fonds. «La dotation de 500 millions de dollars permettra de canaliser davantage de leurs ressources financières vers des secours médicaux et autres secours vitaux», a précisé Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI. Néanmoins cette aide paraît dérisoire quand on sait qu’en dix ans la dette publique africaine a doublé, rapporte RFI, pour atteindre aujourd’hui 365 milliards de dollars, dont 145 sont dus à la Chine. A ce solde débiteur colossal vient s’ajouter plusieurs milliards de dollars d’emprunts privés sous forme d’eurobonds, plus compliqués à annuler, ceux-là.

Mais au lieu de jouer aux bons samaritains, Emmanuel Macron, le FMI et autres sauveteurs qui se sentent une âme charitable devraient s’inspirer de cette citation de Confucius : «Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson.» La citation est toujours d’actualité et sied à merveille à la conjoncture actuelle, prodrome d’une double crise sanitaire et économique sans précédent.

Décidément, définitivement, l’Afrique, incapable de rebondir après les échecs essuyés dans la mise en œuvre des différents partenariats pour le développement, souffrant des piètres gouvernances, impuissante face à la corruption qui ronge le développement des pays africains, l’Afrique donc a fait le choix de (sur)vivre grâce à l’aide venue d’ailleurs. Un assistanat qui l’empêche de sortir de cette non-indépendance économique, bien que son sol regorge de richesses incommensurables.

M. S. 

Comment (5)

    Anonyme
    17 avril 2020 - 3 h 49 min

    « encense le de sa barbe », comme le dit magistralement l’adage algérien.

    Socrate
    16 avril 2020 - 17 h 52 min

    On verra la réponse de vos grands « amis » les chinois !!! Ce sont, de loin, les plus grands « prêteurs » des pays africains. J’attends la réponse pour rigoler un bon coup …

      Socrade
      16 avril 2020 - 21 h 22 min

      La route de la soie (donnant donnant) est difficile à digérer, « l’ami ».

    Anonyme
    16 avril 2020 - 13 h 55 min

    Annuler la dette dans ces pays ne sert à rien, le peuple n’en voit jamais la couleur puis traiter l’homme d’afrique tel un enfant ne l’aidera en rien à progresser.
    Qu’il commence à arrêter de croire qu’il suffit de se mettre par terre et d’implorer Dieu pour que de l’argent tombe du ciel, seul le travail est récompensé pas l’oisiveté.

    esbroufe !
    16 avril 2020 - 10 h 18 min

    Par définition dans la pratique çà se passe comme çà ! : une dette n’est jamais annulé, elle est renégociée, re-profilée, décalée mais jamais supprimer ! Si c’est vraiment le cas, ce que je doute fort, çà sera fait suite à des pressions et une ré-implantation économique dans le pays soit dans des secteurs économiques ou dans l’exploitation des richesses naturelles. Donc Macron nous fait dans le mensonge , dans l’esbroufe !

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