Affaire Drareni : RSF révèle une action internationale en cours contre l’Algérie
Par Abdelkader S. – Ceux qui ont décidé de condamner le journaliste Khaled Drareni à trois ans de prison ferme, outre qu’ils cherchent à provoquer un sentiment de dégoût profond dans l’opinion publique, dans un contexte déjà morose et sombre, semblent vouloir livrer l’Algérie aux ingérences extérieures et aux menaces de pays partenaires influents. C’est, en tout cas, ce que laisse entendre le président de Reporters sans frontières (RSF).
Qualifiant le verdict prononcé contre Khaled Drareni d’«arbitraire, absurde et extrêmement violent», Christophe Deloire, qui s’exprimait sur les ondes d’Europe 1, a estimé que «trois ans de prison pour un journaliste qui a tout simplement couvert les manifestations du mouvement du Hirak, c’est-à-dire des manifestations populaires – et pour ça il a été condamné pour atteinte à l’intégrité nationale – [fait qu’]on ne comprend absolument pas pourquoi, (tant] il n’y a aucune base factuelle». «Cela ne veut rien dire, Khaled Drareni aime son pays, il est fils de moudjahid, il a tout au long de sa vie travaillé en tant que journaliste en Algérie sans jamais lancer le moindre appel à une forme de scission nationale, jamais !» a-t-il insisté.
«Il a aussi été condamné – ça c’est une infraction supplémentaire qui lui a été reprochée – pour incitation à attroupement non armé, comme si un journaliste qui couvrait les manifestations les organisait, incitait les gens à défiler. C’est vraiment une absurdité extrêmement dangereuse qui témoigne d’une spirale de la répression en Algérie», a encore affirmé le président de RSF dont Khaled Drareni est le représentant à Alger.
«Le président Tebboune, lorsqu’il a pris ses fonctions, lorsqu’il avait été élu en décembre dernier, avait parlé d’une Algérie nouvelle. Là, franchement, on n’est pas dans une Algérie nouvelle, on n’est pas dans une Algérie future, on est plutôt dans une Algérie du passé, et même une Algérie dont le régime se comporte d’une façon pire qu’un certain moment du passé», a dit Christophe Deloire, qui a décrit Khaled Drareni comme une «personnalité très populaire, extrêmement sympathique, solaire, très actif sur les réseaux sociaux, dont le rôle, en tant que journaliste, a été très important dans ces manifestations du Hirak».
Le président de RSF a indiqué qu’un comité de soutien international à Khaled Drareni a été créé il y a quelques semaines. «Il est très important de souligner que ce mouvement est international parce qu’il faut prêter une grande attention à l’instrumentalisation par l’Algérie des accusations de colonialisme et, donc, c’est très important que cette mobilisation aille largement au-delà de la France», a-t-il fait remarquer, en énumérant une série d’actions qui seront menées dans les jours et les semaines à venir. «Il est très important que des interlocuteurs diplomatiques, y compris européens et américains, leur rappellent leurs engagements internationaux», a-t-il martelé.
Le président de RSF estime que l’Algérie, qui a signé le Pacte relatif aux droits civils et politiques qui met en œuvre la Déclaration universelle des droits de l’Homme, doit être rappelée à ses engagements, en confiant que «les autorités algériennes prétendent sans cesse qu’elles sont insensibles, voire hostiles à une quelconque pression internationale, mais, de fait, elles sont très sensibles au regard international, on le sait».
Pour Christophe Deloire, «lorsque la justice algérienne condamne Khaled Drareni à trois ans de prison, elle est en infraction avec la Constitution», d’autant que le président Tebboune, a-t-il ajouté, a pris des engagements lui-même lors de son premier Conseil des ministres, en janvier, en demandant au gouvernement de défendre la liberté de la presse. «Depuis, c’est effectivement tout le contraire qui s’est passé», a noté le président de RSF, qui a pointé la nouvelle loi sur les fake news qui, a-t-il relevé, «permettra plus de répression».
«Des médias ont été censurés, interdits par le ministère de la Communication, des journalistes, outre Khaled Drareni, ont été condamnés à des peines inférieures à trois ans, mais à plusieurs mois de prison pour avoir tourné des images de manifestations. Et puis, il y a un harcèlement, des chantages contre les journalistes qui sont invisibles, une répression bureaucratique très impressionnante en Algérie», a fait savoir le président de Reporters sans frontières.
«Vu le caractère extrêmement sensible et délicat de la relation entre la France et l’Algérie, il est important qu’une mobilisation des Etats de l’Union européenne et de l’UE en tant que telle [ait lieu], parce que les questions de la démocratie et des libertés en Algérie dépasse évidemment de très loin la relation franco-algérienne, elles sont même très extérieures l’une à l’autre», a encore dit Christophe Deloire, en rappelant que «si l’indépendance [de l’Algérie] a été acquise de manière absolument légitime, aux dépens de la puissance coloniale qui contrôlait l’information, aujourd’hui, pour les autorités algériennes, libérer Khaled Drareni serait être fidèle à cette histoire».
A. S.
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