Face aux tensions budgétaires : quelles actions pour la pérennité des caisses de retraite ?
Contribution du Dr Abderrahmane Mebtoul – Il faut être réaliste. La chute drastique du cours des hydrocarbures ajoutée au faible taux de croissance, à l’augmentation du chômage et à la baisse des réserves de change qui ont clôturé, fin 2000, entre 42 et 43 milliards de dollars contre 194 milliards, fin 2013, menace la pérennité des caisses de retraite. Néanmoins, toute nation ne peut distribuer que ce qu’elle a préalablement produit, le populisme pouvant conduire à un processus inflationniste incontrôlable sans création de valeur et, donc, à une dérive économique et sociale avec des incidences sécuritaires. D’où l’importance d’un nouveau modèle de croissance créant de la valeur, dont les sous-segments sont une nouvelle politique des salaires, l’actuelle privilégiant la rente avec le nivellement par le bas qui décourage les énergies créatrices d’emploi, d’intégration de la sphère informelle, de gestion de la sécurité sociale et de fiscalité.
En ce qui concerne l’emploi, la politique passée et actuelle a été de préférer la distribution de revenus – salaires versés sans contreparties productives – à l’emploi, c’est-à-dire contribuant implicitement à favoriser le chômage. Aussi s’agit-il de modifier les pratiques collectives et réduire les à-coups sur l’emploi en accroissant la flexibilité des revenus et des temps de travail par une formation permanente pour permettre l’adaptation aux nouvelles techniques et organisations. Dans le cadre de l’amélioration de la qualité de l’enseignement qui s’est nettement détériorée, une décentralisation de la gestion de l’éducation d’une manière globale est souhaitable, afin de faire jouer la concurrence régionale et son adaptation aux besoins de la société, avec quatre à cinq grands pôles d’excellence, et éviter ce mythe d’une université par wilaya.
L’autre axe de la cohésion sociale est celui d’une nouvelle gestion de la sécurité sociale. Le financement de la protection sociale continue à être assis pour l’essentiel sur les cotisations sociales et à absorber les gains de productivité au détriment de l’emploi et des salaires directs. Car force est de reconnaître qu’avec la baisse de la salarisation due à l’accroissement du chômage, cela pèse sur le compte de la sécurité sociale et par la présence, à la fois, des dépenses de transfert et leur mode de financement, le déficit étant couvert par des prêts à moyen terme qui sont supportés sur les générations futures.
Par ailleurs, la notion d’équité a changé et l’accès à l’emploi doit être une priorité car la protection sociale actuelle accroît le chômage. Donc, ce n’est pas un changement d’assiette des prélèvements qui résoudra les problèmes, mais la maîtrise de la dépense – aussi bien la dépense globale que la dépense remboursée –, parce que, dans cette sphère spécifique, celui qui consomme n’est pas nécessairement celui qui finance, et cela n’est pas neutre pour l’activité productive. Aussi l’ensemble des dépenses de la sécurité sociale ne doit pas croître, en volume, plus vite que la croissance du produit intérieur brut (PIB).
Cette rationalisation des dépenses ne saurait signifier une restriction aveugle afin de permettre de couvrir les besoins des plus démunis, renvoyant à la rénovation du système fiscal, le niveau de l’impôt direct dans une société mesurant le degré d’adhésion de la population car le système d’impôt est au cœur même de l’équité. Un système fiscal efficace doit trouver le moyen de prélever des recettes en perturbant le moins possible les mécanismes qui conduisent à l’optimum économique et s’articuler autour des prélèvements faiblement progressifs sur des assiettes larges.
En attendant qu’une économie productive se mette en place et afin d’apaiser les tensions, il faut permettre une meilleure efficacité économique et reposant sur plus de justice sociale qui ne saurait signifier égalitarisme, laquelle suppose une mutation de l’Etat providence. 5% des recettes d’hydrocarbures doivent alimenter les caisses de retraite annuellement. Toutes les personnes ayant 32 années de travail plein peuvent aspirer à la retraite, sauf s’ils sont volontaires et, cas exceptionnel, si elles sont malades ou ont subi un accident de travail. Pour les métiers pénibles et pour les femmes, il y a lieu de prévoir des clauses de spécificité, variant entre 20 et 32 ans. Pour les métiers non pénibles, ces derniers peuvent, s’ils le désirent, partir en retraite entre 65 et 70 ans, après une évaluation scientifique. Enfin, pour les cadres de l’Etat, un décret de 20 ans doit être exigé, y compris pour les députés et les sénateurs. Pour bénéficier d’une retraite de Premier ministre et de ministre, il faut avoir exercé 20 ans au minimum et au moins 5 ans la fonction de ministre. En deçà, le calcul se devra se faire proportionnellement.
La solution pérenne des caisses de retraite implique un nouveau modèle social permettant la création de richesses et, donc, la levée des contraintes de la mise en œuvre des affaires avec les réformes des instituions pour moins de bureaucratie, du système financier et socio-éducatif non adapté, et la lutte contre la corruption. Le rapport annuel Doing Business 2020 de la Banque mondiale classe l’Algérie au 157e rang sur 190 pays, avec un score de 48,6 points, bien loin de ses potentialités.
A. M.
Professeur des universités, expert international
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