Comment le Maroc s’apprête à saboter le fructueux dialogue interlibyen d’Alger
Par Houari A. – C’est encore une fois par le biais du président du Parlement de Tobrouk que le régime de Rabat veut saboter le fructueux dialogue interlibyen parrainé par l’Algérie, aux côtés de représentants de l’ONU, de l’Union africaine et de la Ligue arabe, et en présence des ministres des Affaires étrangères de Tunisie et d’Egypte. Un rendez-vous salué par les participants et qualifié de pas sérieux vers un règlement de la crise qui perdure dans ce pays voisin depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. Pour contrer les efforts d’Alger, qui vient d’asséner une cinglante gifle au Maroc en décidant de rompre ses relations avec le Makhzen, ce dernier joue sa carte Aguila Saleh qui se trouve dans la capitale marocaine depuis ce jeudi, soit dès le lendemain de la clôture de la rencontre d’Alger.
Le froid qui s’est installé entre Alger et le Parlement de Tobrouk s’est confirmé il y a une année exactement. Après avoir été prié d’annuler sa visite prévue en Algérie le 18 juillet 2020, Aguila Saleh s’était rendu au Maroc où il s’était réuni avec le ministre marocain des Affaires étrangères, chargé par le roi de court-circuiter les efforts de l’Algérie visant à éviter une dangereuse escalade dans laquelle le Makhzen n’a pas cessé de s’investir jusqu’à ce qu’il fût surpris par la décision radicale annoncée par Ramtane Lamamra le 24 août dernier.
Des sources diplomatiques algériennes proches du dossier avaient révélé à Algeriepatriotique que la visite d’Aguila Saleh avait été annulée parce que celle-ci visait, notamment, à solliciter le soutien ou, du moins, la compréhension des autorités algériennes en ce qui concerne les initiatives de l’Egypte et, éventuellement, d’user de l’influence de l’Algérie auprès de la Turquie et de l’homme-lige des Emirats arabes unis, Khalifa Haftar, afin que la bataille de Syrte n’ait pas lieu. Le président Tebboune avait, dans un entretien au journal français L’Opinion, en octobre 2020, mis en garde contre l’aventurisme et les dangers d’embrasement pour la Libye, ainsi que pour les pays du voisinage, qui découleraient de l’armement des tribus libyennes, estimant que cela conduirait inéluctablement à la somalisation du pays et constituerait un appel d’air à tous les terroristes de la région et aux trafics transfrontaliers d’armes, notamment.
Officiellement, le Maroc, par la voix de Nasser Bourita, s’oppose à «toute ingérence étrangère en Libye». Mais dans les faits, Rabat s’inscrit dans la même logique des pays qui entravent toute solution politique sérieuse dans ce pays en proie aux appétits voraces d’un certain nombre de capitales qui lorgnent les immenses gisements naturels présents dans ce vaste espace géographique peu peuplé. Si, en effet, la Turquie et l’Egypte disposent d’armées et d’alliances stratégiques capables d’imposer leurs agendas dans l’ancienne Jamahiriya, le Maroc, en revanche, fait jouer sa rouerie habituelle pour faire accroire à une très hypothétique capacité à influer sur le cours des événements en Libye en se présentant comme un interlocuteur «fiable».
Inconstant et versatile, le Makhzen a pourtant démontré que son «accord» de Skhirat a été un flop total et son absence à la conférence de Berlin, en janvier 2020, à laquelle Mohammed VI n’avait pas été invité, est une preuve supplémentaire du rôle tout à fait secondaire et inconsistant que le Maroc joue dans cette crise dont la solution est loin d’être à sa portée. Les Libyens ont, en tout cas, compris que ce que cherche le régime marocain n’est pas tant le retour de la paix en Libye, mais l’installation d’un pouvoir qui reconnaisse la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental. C’est dans ce but, précisément, que Nasser Bourita avait organisé une rencontre entre Aguila Saleh et l’ancien ambassadeur des Etats-Unis David T. Fischer à Rabat, avant son limogeage par Joe Biden, dès son élection.
H. A.
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