Les dix pays africains les plus endettés fin 2021

Africains pays africains
Des Africains manifestent contre la pauvreté. D. R.

Une contribution d’Ilyes Zouari(*) – Certains pays africains connaissent un niveau d’endettement particulièrement élevé, et qui devrait même dépasser en fin d’année 2021 la barre symbolique des 100% du PIB pour sept d’entre eux. Selon les dernières statistiques et prévisions du FMI, publiées au cours de ce mois d’octobre, les dix pays africains qui devraient afficher le taux d’endettement le plus élevé fin 2021 sont les suivants : le Soudan, avec une dette publique équivalant à 209,9% du PIB, l’Erythrée (175,1%), le Cap-Vert (160,7%), le Mozambique (133,6%), l’Angola (103,7%), la Zambie (101,0%), Maurice (101,0%), l’Egypte (91,4%), la Tunisie (90,2%) et la République du Congo (ou Congo-Brazzaville, 85,4%).

Les «constantes» et les nouveautés du classement

Le classement des pays les plus endettés du continent demeure donc dominé par le Soudan, pays d’Afrique de l’Est connaissant une grave crise économique et en période de transition politique depuis le coup d’Etat d’avril 2019. Une situation regrettable pour un pays qui jouit d’un potentiel économique important, en étant abondamment irrigué par le Nil (le plus long des fleuves africains) et ses affluents, ou encore en étant le troisième producteur d’or du continent (après le Ghana et l’Afrique du Sud) ainsi qu’un producteur, modeste mais non négligeable, de pétrole. Il est d’ailleurs à noter que le Soudan fait désormais partie des pays africains les plus pauvres, avec un PIB par habitant de seulement 595 dollars début 2021, selon la Banque mondiale.

Tout en demeurant à un niveau extrême, le taux d’endettement du Soudan a toutefois connu une baisse significative au cours de l’année 2021, puisqu’il devrait s’établir en fin d’année à 209,9% du PIB, après avoir atteint un niveau de 272,9% fin 2020. Cette réduction spectaculaire, mais encore largement insuffisante, est due à l’annulation d’une partie de la dette soudanaise en juillet dernier, lorsque les pays du Club de Paris avaient décidé d’effacer 14,1 des 23,5 milliards de dollars leur étant dus (sur un total de 56 milliards de dette soudanaise, toutes origines confondues). La France, un des principaux créanciers du pays, avait alors confirmé sa décision, annoncée lors d’un sommet international de soutien au Soudan organisé à Paris au mois de mai, d’annuler l’intégralité de la dette contractée auprès d’elle, et s’élevant à 5 milliards de dollars (soit un peu plus du tiers du volume global de l’annulation).

La gravité de la situation économique du Soudan s’est notamment traduite par la forte dépréciation de la monnaie nationale, la livre soudanaise, qui a été dévaluée de 85% en février 2021. Par ailleurs, cette situation n’est pas non plus sans conséquences sur la politique étrangère du pays, et est probablement en partie à l’origine de deux décisions majeures ayant été prises au cours de l’année 2020, à savoir la conclusion d’un accord avec la Russie pour l’installation d’une base militaire, et l’établissement de relations diplomatiques avec Israël en vue d’un rapprochement avec les Etats-Unis (et de la levée des sanctions américaines qui ont longuement frappé l’économie du pays, accusé de soutenir le terrorisme). Si l’application de l’accord avec la Russie n’avait pas été ensuite de facto suspendue, depuis la normalisation des relations avec les Etats-Unis, elle aurait fait du Soudan le premier pays africain à abriter une base militaire russe officielle (qui se serait ajoutée à une présence militaire non officielle, à travers l’armée de mercenaires de la compagnie Wagner). Quant à la seconde décision, localement impopulaire, elle a fait du pays le premier pays arabo-africain non frontalier à nouer des relations diplomatiques avec l’Etat hébreu.

Pour sa part, l’Angola continue à faire partie des cinq pays les plus endettés du continent. Une situation assez surprenante pour un pays qui dispose de gigantesques richesses naturelles, et en particulier en pétrole et en diamants pour lesquels il est le deuxième producteur continental (après le Nigeria et le Botswana, respectivement). Toutefois, et malgré ses atouts, l’Angola connaît aussi un déclin économique depuis quelques années, faute d’une gestion sérieuse des revenus colossaux amassés au cours des deux dernières décennies, et qui se manifeste notamment par l’absence de diversification de l’économie du pays, qui repose lourdement sur les activités extractives (les hydrocarbures et les industries minières étant à l’origine de non moins de 98% des exportations nationales).

Du fait de cette mauvaise gouvernance, qui a empêché le pays de faire face à la baisse du cours des hydrocarbures observée ces dernières années et à l’épuisement progressif de certains gisements, l’Angola a enregistré une croissance annuelle négative de -1,6% en moyenne, selon la Banque mondiale, sur la période de six années allant de 2015 à 2020, soit un taux largement inférieur à celui de sa croissance démographique (3,2% en moyenne sur la même période). Par conséquent, le pays vient par exemple de se faire dépasser en richesses par habitant par la Côte d’Ivoire, dont la production pétrolière est environ trente fois inférieure, mais qui peut s’appuyer sur une économie bien plus diversifiée, et qui lui avait d’ailleurs permis de devancer récemment le Nigeria, l’autre grand pays pétrolier du continent (avec une production environ cinquante fois supérieure). Par ailleurs, il est à noter que l’évolution économique de l’Angola s’est également traduite par une baisse de 84% de la valeur de la monnaie nationale par rapport au dollar depuis 2014, dont l’ampleur rappelle la forte dévaluation récemment subie par la monnaie soudanaise… Et avec à la clé, là aussi, une forte inflation et une forte dollarisation de l’économie (utilisation du dollar pour une partie importante des transactions, par refus de la monnaie locale considérée comme risquée).

A l’instar de l’Angola, la Zambie demeure, elle aussi, bien installée dans la liste des pays africains les plus endettés, en dépit, là encore, des grandes ressources du pays, qui est notamment le deuxième producteur africain et le huitième mondial de cuivre. Toutefois, et faute de bonne gouvernance, la Zambie continue à ne pas réellement tirer profit de son potentiel, et avait même attiré les projecteurs de la presse internationale au second semestre de l’année 2020 en devenant le premier pays africain à faire défaut sur le remboursement de sa dette (majoritairement contractée auprès de la Chine, comme pour l’Angola). Outre le Soudan, l’Angola et la Zambie, l’Erythrée, le Cap-Vert, le Mozambique et l’Egypte continuent également à faire partie des pays dont la présence est bien enracinée au sein du groupe des dix pays les plus endettés du continent.

Côté nouveautés, la Tunisie devrait faire une entrée remarquée et historique dans ce groupe des dix, avec un niveau d’endettement passant de 89,7% à 90,2% du PIB. Une situation qui résulte de l’instabilité politique et de la grave crise économique qui ont touché le pays au cours de la dernière décennie, depuis la révolution tunisienne de janvier 2011. Autrefois considérée comme un modèle de développement économique et social pour l’ensemble de l’Afrique et du monde arabe, en dépit de certaines lacunes, parfois exagérées, la Tunisie a en effet connu une décennie perdue en enregistrant une croissance économique annuelle de seulement 0,7% en moyenne sur la période de dix années 2011-2020. Par ailleurs, ce pays d’Afrique du Nord, qui jouissait auparavant d’une excellente réputation auprès des marchés financiers internationaux, sans égal sur le continent en dehors de l’Afrique du Sud de l’époque, n’est aujourd’hui plus en mesure de lancer le moindre emprunt obligataire à des conditions optimales (taux d’intérêt bas et proche de ceux dont bénéficient certains pays développés). Ce qui pousse le pays à recourir au FMI et à la Banque mondiale, et/ou à solliciter la garantie financière d’une grande puissance étrangère.

L’autre évolution notable dans ce dernier classement du FMI réside dans l’amélioration significative de la position du Congo-Brazzaville qui devrait passer de la septième place fin 2020 à la dixième place fin 2021, et qui devrait même quitter de nouveau la liste des dix pays les plus endettés du continent d’ici à la fin de l’année 2022. Si les efforts du pays en matière d’assainissement des finances publiques sont à saluer, il convient désormais que les autorités s’attellent à réaliser de profondes réformes économiques, à travers la diversification des sources de revenus et l’instauration d’un cadre plus propice aux investissements. Le Congo-Brazzaville devrait notamment s’inspirer du Gabon voisin, avec lequel il partage nombre de points communs (caractéristiques géographiques et climatiques, production pétrolière significative, faible population…) et dont les grandes réformes de ces dernières années ont permis au pays de devenir récemment le plus riche du continent, en dépassant le Botswana en termes de richesse par habitant (et hors pays de taille et de population particulièrement réduites, à savoir les Seychelles, Maurice et la Guinée équatoriale).

Enfin, Maurice, récent nouveau venu qui avait fait son entrée parmi les dix pays les plus endettés du continent au cours de l’année 2019, selon les données révisées du FMI, continue à souffrir de l’effondrement du tourisme international, suite à la pandémie. Le pays devrait continuer un certain temps à avoir un niveau d’endettement assez élevé, au moins à court terme (et prévu à 99,8% pour fin 2022).

I. Z.

(*) Président du Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone (CERMF)

Comment (10)

    Nounou
    29 octobre 2021 - 14 h 05 min

    Cet enfant mérite tout le respect du monde entier pour cette noble pancarte. Bravo mon fils !

    TOLGA - ZAÂTCHA
    29 octobre 2021 - 0 h 02 min

    Ya ! « We choose – EDUCATION – not poverty ! ».

    ABSOLUTELY RIGHT mate !

    EDUCATION MUST BE BEFORE EVERYTHING…

    JAPAN HAS NO PETROL OR GAS AND YET IT IS AMONG THE WORLD’S TOP FIVE ECONOMIC POWERS
    DUE TO EDUCATION AND INSTRUCTION…

    DONNONS DE L’INSTRUCTION ET DE L’EDUCATION A NOS ENFANTS POUR DÉVELOPPER ET SAUVER NOTRE CHÈRE PATRIE L’ALGERIE !!!

    C’EST LA SEULE VOIE QUI NOUS SAUVERA ET NOUS SORTIRA DEFINITIVEMENT DU SOUS-DEVELOPPEMENT…..

      Anonyme
      29 octobre 2021 - 8 h 52 min

      Pendant qu’ils arabisent aveuglement et introduisent « l’anglais » a une population qui ne l’a jamais étudié. A la fin, personne ne parlera ou écrira aucune langue. Une éducation khoroto quoi !

        Djouher Aït Younes
        29 octobre 2021 - 14 h 00 min

        Rien ne remplacera L’ÉDUCATION, monsieur “anonyme “ ! Alors, pérorez autant que vous voulez. L’ÉDUCATION forme les HOMMES de demain que vous le voulez ou pas…

    Anonyme
    27 octobre 2021 - 16 h 55 min

    sans le gaz , l algerie serait parmi ces pays.
    un déficit n’est pas fondamentalement mauvais s il permet une amélioration des infrastructures,de l éducation..
    l Allemagne ou le Japon avaient des énormes déficits mais ils les ont utilisés pour construire leur pays et maintenant ces pays sont dans le top 5 des pays les plus riches au monde.

    Anonyme
    27 octobre 2021 - 14 h 16 min

    Le Soudan a ete gouverne par les freres musulmans de Omar El Bechir avec la charia comme instrument du pouvoir juridique et la Tunisie a degringolee aux abimes des deficits et de la corruption pendant les 10 ans de la gouvernance des freres musulmans de Rached Ghannouchi..Depuis le 25 juillet le president Kais Saied a repris les manettes du pouvoir des mains des freres musulmans grace a l article 80 de la constitution et gouverne le pays au bord de la faillite par decrets..Tout est a refaire,du code electoral,de la reforme tres profonde de la constitution et du regime parlementaire du chaos constitutionnel,jusqu aux elections parlementaires anticipees…Naturellement ceci ne plait pas aux puissances etrangeres,car ils pensaient enfoncer davantage la Tunisie dans le chaos et la faillite totale pour lui imposer la normalisation des relations avec Israel en contre partie d une aide….c etait la stategie programmee avec l executant Rached Ghannouchi et les freres musulmans leurs marionnettes….heureusement le peuple Tunisien frere s est leve contre eux le 24 juillet dernier par incendier les locaux d Ennahdha et le president Tunisien a vite reagi le 25 janvier par geler le parlement et lever l immunite parlementaires des deputes et dissoud le gouvernement conformement a l article 80 de la constitution,la majorite ecrasante du peuple Tunisien a accueilli l acte avec satisfaction et plus de 80% des Tunisiens approuvent jusqu a ce jour les demarches de Kais Saied…Notre pays a aussi reagi positivement aux evenements a Tunis…

      Anonyme
      27 octobre 2021 - 14 h 35 min

      Error correction:27 octobre 2021 – 14 h 16 min
      ..et le president Tunisien a vite reagi le 25 janvier par geler le parlement et lever l immunite parlementaires des deputes ….
      Il sagit du 25 juillet et non le 25 janvier

    Elephant Man
    27 octobre 2021 - 11 h 48 min

    On se rappelle de Bouteflika Allah Yarhmou qui a effacé la dette de nombre de pays africains sans compter les aides à tire-larigot de l’Algérie …pour quel résultat un faki à l’UA pour faire court sans omettre le Guide le Colonel Gueddafi Allah Yarhmou qui lui a plutôt construit des écoles et autres infrastructures pour ces pays africains pour faire court pour quel résultat destruction de la Libye et chaos Libyen.
    Des camps d’entraînement militaire des terroristes du MAK au Tchad ….
    La Côte d’Ivoire Ouattara pièce maîtresse de la françaFRIC par excellence mieux que le Nigeria : je cite à nouveau Diane Roland Fodé, Malien :
    «On est bien loin ici de l’attitude du Nigéria et du Cameroun qui ont éloigné la France impérialiste de leur combat légitime contre le « djihado-terrorisme » en découvrant, comme le notent certaines sources d’information, la présence des « éléments des forces spéciales occidentales » parmi les « djihado-terroristes » de Boko-Haram.»
    Pour rappel Boko Haram financé notamment par la narcomonarchie.
    Quant à la Tunisie en discussion avec les EAU et l’Arabie saoudite pour renflouer ses caisses si ce n’est déjà fait.
    Un grand absent la narco-terroriste-monarchie j’imagine que la pédophilie et la drogue procurent un niveau de vie élevé et décent sans endettement en passant par la France et RSF.

    Trafalgar
    27 octobre 2021 - 10 h 43 min

    Mais… Et l’Algérie où en est – t- elle ?
    Nous aimerions bien savoir dans quel rang est notre pays , avec ses hydrocarbures et sa plus grande superficie.

      mohamed
      27 octobre 2021 - 12 h 36 min

      la dette extérieure algérienne est de 0$ depuis 2014 sa na pas bouger,
      mais la dette publique est d’un montant de 8,1Mds de $ (Milliards*) et avec le plan organisée pour rembourser celle-ci tout en continuant a investir, il faudrait 9 ans + ou –
      ont fait partie des pays Avec le moins de dette, avant c’était la Libye de Ghadafi il me semble.

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