Ukraine-Etats-Unis : les héritiers du docteur Folamour !

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Le bluff de Biden ne marchera pas sur Poutine. D. R.

Ukraine-Etats-Unis : les héritiers du docteur Folamour !

Une contribution d’Ali Akika – Les Américains sont de grands amateurs du jeu de poker, et le bluff est la marque déposée de ce jeu. Les Russes penchent pour le jeu d’échecs et les Chinois pour le jeu de Go. Match donc entre la pensée qui se coltine avec le réel et le bluff du joueur du poker cherchant à manipuler l’adversaire. C’est pourquoi, avec la crise en Ukraine, on voit les Américains dire des choses et leurs contraires alors que Poutine joue cartes sur table et pose des questions à Biden, une condition pour engager des négociations calmement. Biden ne répond pas aux questions de Poutine mais enfonce le clou en annonçant que les Russes allaient envahir l’Ukraine. Il annonce en passant qu’il n’y aura pas de confrontation avec la Russie pour ne pas déclencher une guerre mondiale. Quant au président de l’Ukraine, il invite tout ce beau monde, politiques et médias, à mettre fin à leur hystérie, sous-entendu, nous les Ukrainiens nous ne servirons pas de chair à canon.

Voici donc la scène de théâtre de cette guerre moderne de Troie qui n’aura pas lieu. Que se passe-t-il dans les coulisses de ce théâtre qui échappe à ces commentateurs habituels et attitrés ? Se nourrissant d’une psychologie de bazar, ils accusent Vladimir Poutine de laisser le monde dans l’ignorance de ce qu’il a dans sa tête. Et un célèbre diplomate à la retraite d’ajouter, Poutine ne connaît que le rapport de force agrémenté de cynisme et de brutalité. Ce monsieur a poussé sa gentillesse jusqu’à élire Poutine comme inventeur du rapport de force en politique, détrônant ainsi Hobbes, Machiavel, Napoléon, Lénine etc. C’est pitoyable d’entendre pareille ineptie de la part d’un diplomate pour faire oublier les jolies guerres d’Algérie, du Vietnam, de la Palestine, de l’Irak, du Yémen !

Ces messieurs clouent au pilori la Russie qui fait des manœuvres sur son territoire en oubliant que les Etats-Unis font à longueur d’année des manœuvres, non sur leur territoire mais celui des autres pays. Et ce beau monde trouve ça normal pour la grande Amérique et anormalement agressif pour la Russie. Normal qu’on encercle la Russie par la Turquie, normal que l’OTAN continue d’exister alors que son ex-rival, le Pacte de Varsovie s’est dissous depuis des lustres. Normal que le glouton OTAN encercle les frontières européennes de la Russie, normal qu’on arme l’Ukraine et on envoie des troupes à un jet de pierres des frontières russes. Normal ? Oui, normal quand on vend son âme et que l’on a la nostalgie de la Babylone moderne qui est en train de perdre sa capacité de faire la pluie et le beau temps.

Voyons ce qui se cache dans les coulisses ! D’abord, l’Américain, maître des horloges, dicte ses désirs à une Europe qu’il sait miner de contradictions. Sauf que des pays comme l’Allemagne et la France ont de gros intérêts nationaux qui les ont rendus prudents et donc pas chauds pour une guerre sur leur territoire. Prudents car ils sont aux premières loges, contrairement à cette Amérique «protégée» par deux océans et surtout possédant un arsenal nucléaire… Ce jeu de théâtre, consistant à étaler sa force, à menacer et à s’adonner au bluff et à la manipulation, a été imposé par de nouvelles donnes qui peaufinent l’art de la guerre. Ces nouvelles donnes sont les technologies nouvelles qui ont compliqué l’application de la stratégie et des tactiques de guerre. Ces adaptations font partie de l’histoire même de l’art de la guerre, l’épée engendre le bouclier, les chars et les hélicoptères remplacent cavalerie avec les chevaux les plus rapides, etc. A l’émergence de la puissance des armées capables de traverser mers et montagnes pour conquérir des pays et leurs richesses, la stratégie de l’attaque a prévalu. La stratégie de l’attaque a eu son époque de gloire avec l’aviation et les chars qui permirent d’«inventer» la guerre-éclair, connue sous le nom de Blitzkrieg utilisée par l’Allemagne pour «avaler» l’un après l’autre les pays d’Europe durant la guerre de 1939/45 (1).

La stratégie de l’attaque a montré ses limites ou failles après la Seconde Guerre mondiale. Après la défaite humiliante de l’Allemagne à Stalingrad en 1942/43, le concept de la stratégie de défense qu’on a cru être détrôné par l’avion et le char a repris ses couleurs de nos jours. L’aviation a démontré ses limites, d’abord au Vietnam où les B52 forteresse volante ont écrasé de leurs bombes le pays mais, au final, c’est l’ambassadeur américain qui eut la vie sauve en fuyant en hélicoptère. En Syrie, où l’armée israélienne en dépit des centaines de bombardements n’a pas affaibli l’armée syrienne. Quant au Liban où depuis leur cuisante défaite en 2006, les blindés et troupes israéliens ne se baladent plus dans ce pays. Il en est de même à Gaza où «l’invincible» armée n’ose plus affronter les Palestiniens dans des villes souterraines en l’absence de l’aviation, efficace uniquement contre les maisons de la population.

Cette longue parenthèse sur les exemples d’hier et d’aujourd’hui met à nu le bluff des Américains. Les déclarations multiples et contradictoires ont engendré la peur en Europe et la panique en Ukraine. Si guerre il y a en Ukraine, tout avion qui pointe son nez au loin est susceptible de devenir aveugle avec des attaques cybernétiques qui neutralisent les radars des avions et si l’un d’eux continue à avancer à l’aveugle, les missiles S400 et S500 les réduiront en miettes. Ainsi, le concept de stratégie de défense «enterrée» un peu vite retrouve sa place stratégique. L’un des pays qui s’inquiète de cette guerre, c’est Israël. Comme on le sait, cet Etat a utilisé la supériorité de son aviation pour conquérir des pays voisins et s’est même «payé le luxe» de détruire un site nucléaire en Irak en 1982.

Mais, aujourd’hui, en dépit de son angoisse et de son violent désir de se payer le même luxe avec l’Iran, son armée est paralysée, de même sa diplomatie n’a pas pu empêcher les Américains de signer dans un avenir proche l’accord sur le nucléaire avec l’Iran. Un autre effet d’une éventuelle guerre en Ukraine accentue l’angoisse d’Israël. Cet Etat est devant un choix difficile. Choisira-t-il un camp contre l’autre ? S’aligner sur la Russie pour ne pas perdre le «silence» de la Russie qui «ferme les yeux» sur ses bombardements en Syrie ? Rester neutre, c’est rendre furieux les Américains, c’est tuer le «père» protecteur ? Israël, chouchou des Etats-Unis, a déjà découvert avec l’Iran que les Etats-Unis ne lui obéissent pas quand leurs intérêts suprêmes et à long terme sont menacés. Ainsi, avec l’Ukraine «le monde libre» découvre que sa démocratie libérale ne constitue pas une muraille tour à fait protectrice derrière laquelle s’alignent tous les alliés de l’Oncle Sam.

On le voit et on devine les réticences d’une Allemagne qui préfère obéir à sa position géopolitique avec toutes les conséquences économiques que ça implique (gazoduc nord-Stream et débouché pour sa grande industrie) et culturels (ses influences en musique et en philosophie/littérature, comme l’exemple du grand écrivain tchèque Kafka qui a écrit ses chefs-d’œuvre en allemand). Au regard de ces bouleversements sous un ciel chargé de nuages menaçants, on peut dire que nous vivons une époque «formidable». Nous assistons à un monde «intouchable», voguant vers un horizon infini qui se rencontre que la fin de l’Histoire, c’est-à-dire son triomphe est une fumisterie. Ce monde est en train de perdre la première place de la puissance économique. Il découvre avec les événements de l’Ukraine qu’il ne peut imposer ses vues par la force. L’Ukraine donne une idée des graves difficultés que les Etats-Unis rencontreront s’ils se frottent à la Chine à propos de Taïwan.

Pour terminer, le seul et grand danger pour le monde entier, c’est le risque de répétition aux Etats-Unis de graves crises politiques qui ouvrirait la boîte de Pandore. L’occupation du Congrès américain du 6 janvier 2021 et l’éventuel retour de Trump à la Maison-Blanche sont des évènements qui pourraient aiguiser les contradictions de cette société. Les haines accumulées et le profond désir de vengeance dans une société où circulent légalement des millions d’armes assombrissent l’avenir. Car l’histoire des Etats-Unis n’est pas à l’abri d’extravagances relatées par Stanley Kubrick dans le film Docteur Folamour (2).

A. A.

1- Les théoriciens de la guerre qui ont classé l’aviation comme arme stratégique décisive sont l’Italien Giulio Douhet et l’Américano-écossais William Mitchell. Quant à l’arme de la guerre de mouvement, De Gaulle théorisa les chars comme arme décisive dans le combat terrestre pour nettoyer le terrain et permettre à l’infanterie d’avancer.

2- Docteur Folamour, grand film de Stanley Kubrick réalisé en 1964 en pleine guerre froide où les Etats-Unis sont l’objet d’une tentative d’un coup d’Etat et des généraux qui rêvent de bombarder l’ex-URSS avec l’arme nucléaire.

Comment (4)

    Elephant Man
    16 février 2022 - 14 h 32 min

    Roland Dumas ex MAE français a déclaré avoir été informé in UK de la guerre en Syrie des années avant que celle-ci ne débute en 2011.
    Ce même Roland Dumas vient de déclarer avoir participé aux discussions auxquelles se réfère aujourd’hui la Russie quand elle évoque des promesses occidentales de non-élargissement de l’OTAN, faites à l’URSS à la fin de la Guerre froide.
    « Je me souviens très bien de la scène, James Baker alors secrétaire d’État américain est intervenu après moi en disant : “Même si M. Dumas ne l’avait pas demandé, moi, je l’aurais demandé” », en référence à l’engagement occidental d’un non-élargissement de l’OTAN vers l’est.
    Sauf qu’entre 1990 et 2022, 12 pays qui faisaient partie du Pacte de Varsovie ou de l’Union soviétique ou d’autres pays de l’Est ont intégré l’OTAN.

    Anonyme
    15 février 2022 - 16 h 03 min

    Il est vrai que les États-Unis joue au poker mais la Russie ne bluff pas au jeu, dont la roulette russe.

    anonyme
    15 février 2022 - 15 h 06 min

    Si j’étais l’Ukraine je me mettrais du côté de la Russie et j’enverrais balader et l’OTAN et l’UE

      Elephant Man
      16 février 2022 - 14 h 14 min

      @Anonyme
      Comme pour la Libye la Syrie c’était prévu depuis des années….
      Je reprends mon commentaire :
      «Biden a participé aux guerres en Afghanistan Irak Libye Syrie Yémen Ukraine (renversement du gouvernement ukrainien ; Hunter Biden, fils du vice-président en fonction, a reçu un siège au CA de Burisma Holdings, producteur de gaz majeur d’Ukraine) ……..».
      Ce sont les Russes de Crimée qui ont décidé par un référendum de se détacher de l’Ukraine et de rentrer en Russie pour éviter d’être attaqués, comme les Russes du Donbass, par les bataillons néo-nazis de Kiev. Ceux-là mêmes utilisés en 2014 comme force d’assaut dans le putsch de la Place Maïdan.

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