Les jeunes issus de l’immigration ciblés par la propagande militariste tricolore
Une contribution de Khider Mesloub – Dans une précédente contribution, j’avais souligné comment la bourgeoisie française se mettait soudainement à récompenser ses anciens supplétifs militaires issus des colonies. Tout comme elle s’évertue à encenser les œuvres cinématographiques et littéraires d’auteurs issus de ses anciennes colonies, à encourager la production d’études et essais à caractère nationaliste et militariste.
Dans ce contexte de tensions militaires internationales pandémiques, tous les moyens propagandistes sont mobilisés pour embrigader l’opinion publique. Notamment les outils de soft power (élément de la guerre de 4e génération). Qu’il s’agisse des médias (réseaux sociaux, presse et TV) ou des instances culturelles (littérature, cinéma, etc.), ils sont tous massivement enrégimentés pour propager le virus nationaliste militariste.
Pour rappel, le soft power (pouvoir de convaincre) se définit, au plan international, par la capacité d’un Etat à influencer et à orienter les relations internationales en sa faveur. L’Etat met en œuvre une stratégie d’influence. Il renforce ainsi la légitimité de son action internationale, ce qui constitue également un facteur de puissance. Et au plan national, d’influencer, de manière indirecte et en douceur, le comportement des «citoyens» à travers des moyens non coercitifs (structurels, culturels ou idéologiques) pour les conduire à penser de la même façon que lui ou à changer de comportement.
Les dernières productions culturelles d’Omar Sy et de Yasmina Khadra s’intègrent dans cette entreprise d’embrigadement idéologique militariste activée par l’Etat français. Outre ces deux œuvres, de multiples autres créations artistiques participent également à cet effort de guerre idéologique impulsé par le gouvernement Macron, animé d’une bellicosité hystérique nauséabonde.
Dans cette période de marche forcée vers la guerre généralisée, l’Etat français s’affaire à s’assurer de la fidélité nationale des populations issues de l’immigration, réputées pour leur répugnance du patriotisme tricolore. Pour ce faire, il sollicite l’aide de leurs «élites» culturelles, intellectuellement acquises à l’idéologie française chauviniste. En guise d’uniforme, ces nouveaux supplétifs de la France impérialiste endossent l’indécente tunique bourgeoise de la propagande cinématographique ou littéraire.
Historiquement, l’art, la politique et la propagande ont toujours entretenu une relation étroite. La propagande au service de l’art ou de la politique. La politique au service de l’art, assistée par la propagande. Winston Churchill disait : «En temps de guerre, la vérité est si précieuse qu’elle devrait toujours être assistée par un garde du corps de mensonges.» Autrement dit, les supplétifs de la propagande, ces gardes du corps du Capital, sont mobilisés aujourd’hui pour répandre le narratif spécieux de la bourgeoisie française belliqueuse. Néanmoins, il est utile de rappeler, comme le soulignait l’écrivain Jean Giraudoux : «La propagande est le contraire de l’artillerie : plus elle est lourde, moins elle porte.»
Le récent film, Pour la France, en salles le 8 février, vient confirmer, si besoin est, la volonté de la bourgeoisie française de favoriser la réalisation d’œuvres d’inspiration militaire.
Pour la France, au titre évocateur, réalisé par un jeune immigré d’origine algérienne, Rachid Hami, raconte l’histoire vraie du frère du réalisateur, Jallal Hami, décédé lors d’un rituel d’intégration à l’Ecole militaire de Saint-Cyr.
Tous les critiques ne tarissent pas d’éloges sur le film Pour la France. Et pour cause. Il œuvre à la conversion des populations issues de l’immigration au dogme patriotique, à la religion de la guerre. En fait, depuis quelques années, la France impérialiste livre la guerre à la religion pour mieux convertir les jeunes immigrés à la religion de la guerre. Seule planche de salut qu’elle offre aux jeunes désœuvrés, à sa population paupérisée.
«Il a essayé de casser les clichés sur la famille maghrébine et d’être juste sur l’institution militaire», écrit un critique. Un autre critique, pour valoriser l’assimilation à la société française, souligne que «Aïssa (Jallal Hami) s’est donné les moyens de servir son nouveau pays. Grâce à Sciences Po, il passe une année à Taïwan puis intègre Saint-Cyr.»
Au reste, le réalisateur, Rachid Hami, reprend à son compte ce narratif assimilationniste caporaliste et sacrificiel : «Je voulais faire un film nourri par la figure intime de mon frère, prêt à de nombreux sacrifices, un soldat, mort pour la France. (…). Et donner à l’histoire un caractère universel.» Voilà le parangon sacrificiel donné en modèle identificatoire aux jeunes issus de l’immigration. Notamment algérienne.
Lors de la projection du film à Saint-Cyr, un colonel, conseiller militaire lors du tournage du film, avait fièrement rappelé ce que Jallal Hami lui avait dit : «Je veux rendre à la France ce que la France a donné à ma famille.» C’est-à-dire s’engager dans l’armée pour défendre la France. Le message du film est clairement énoncé par cette profession de foi militariste rappelée complaisamment par le colonel : «Jeunes issus de l’immigration, rendez militairement à la France ce qu’elle avait donné résidentiellement (carte de séjour) à vos parents !»
Une chose est sûre, comme le notait l’écrivain algérien Ahmed Khiat : «On ne hisse pas un pays à genoux avec des béquilles faites de propagande, de mensonge ou de xénophobie», à plus forte raison un pays comme la France en pleine dégénérescence, implosion.
K. M.
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