La victoire militaire russe à Bakhmout a commencé bien avant à Kherson

MDN Bakhmout
Le ministre de la Défense et le chef d'état-major de l'armée russes. D. R.

Une contribution d’Ali Akika – Bakhmout est militairement tombée, ne reste que l’officialisation de sa chute par Kiev, le temps de retirer ses troupes avec «la permission» du groupe Wagner qui veut éviter un bain de sang à des hommes/femmes des deux armées. Les trompettes de Jéricho des «experts» de la guerre des mensonges ont déjà aiguisé leurs plumes pour crier «victoire» (1). Laissons-les à leurs blablas et essayons de saisir les éléments constitutifs du champ de bataille et de la pensée stratégique qui ont mené à cette victoire des Russes et à la défaite Ukraine/OTAN. Disons tout de suite que le titre de l’article n’est pas une figure de style. Il est venu à mon esprit en puisant dans l’histoire militaire qui enseigne qu’une bataille gagnée dans un lieu produit à une armée des gains ailleurs et décalés dans le temps. Je prendrai deux exemples parmi les innombrables batailles du XXe siècle.

La bataille de Stalingrad (1942-43) est à l’origine de la défaite totale de l’Allemagne nazie en 1945. Il en est de même de la défaite de Napoléon sur le fleuve russe la Bérézina, nom devenu synonyme de cuisante défaite. Ainsi, le drapeau de l’Union soviétique planté à Berlin sur la chancellerie de Hitler a été tissé à Stalingrad. De même, la défaite de Napoléon sur le fleuve Bérézina a débuté à Moscou dans l’immense palais vide où Napoléon fut envahi d’une profonde solitude quand il s’est aperçu qu’il dialoguait avec les murs du palais, lui qui espérait voir apparaître le Tsar de toute la Russie signer sa défaite…

Voyons les caractéristiques de la localisation de Bakhmout pour comprendre la fureur et l’âpreté des combats depuis 8 mois. C’est une ville dans une région russophone, industrielle, située dans un nœud de communication non loin de la plus grande ville de la province, Kramatorsk où siège le commandement militaire de ladite province. Pour toutes ces raisons, elle est une ville stratégique aussi bien sur le plan militaire que politique. C’est pourquoi le président Ukrainien voulait la garder coûte que coûte. Les zélateurs propagandiste du «chef de guerre» Zelensky l’ont soutenu bec et ongles. Mais une fois les Américains qui financent la guerre ont vu que la défaite est à la porte des Ukrainiens, le statut de Bakhmout devint uniquement symbolique. Il fallait donc que tout le monde se mette au garde-à-vous devant l’Oncle Sam. Pour les Russes, Bakhmout, ville russophone, est aussi une ville stratégique puisque sa conquête ouvre la voie au reste de la province encore aux mains des Ukrainiens…

Voyons à présent les caractéristiques militaires et les tactiques mises en œuvre pour atteindre les objectifs politiques de chaque camp. En vérité, la guerre se déroule à Bakhmout depuis 11 ans. Elle fait partie de la province de Donetsk, âprement disputée à la suite du coup d’Etat de 2014 contre un gouvernement élu. Les Ukrainiens ont eu le temps de construire de solides défenses dans le but de reprendre la région contrôlée par les Russophones aidés par la Russie…

La bataille de Bakhmout dure depuis 7 à 8 mois, selon le modèle classique de la défense contre un adversaire attaquant. On sait que l’avantage sied à la défense (ici des Ukrainiens) et les Russes occupant la posture plus risquée de l’attaquant. Sauf que les Russes ne sont pas à 10 000 kilomètres de chez eux comme les Américains au Vietnam. Ils guerroient dans un territoire russophone partageant une frontière avec la vieille Russie. Pas de surprise donc d’un ennemi dans le dos. Mais comme la doctrine militaire russe est basée sur la stratégie défensive par philosophie et que l’histoire leur a souvent imposée, la Russie a développé l’artillerie, la reine du champ de bataille, qui soumet les défenses ennemies à un déluge de feu et de bombes. Nous verrons plus loin pourquoi la bataille de Bakhmout a duré si longtemps. A Bakhmout, les Russes ont employé à la fois la tactique défensive avec leur artillerie et la guerre de mouvement avec leurs blindés accompagnés de commodos qui prennent d’assaut les poches de résistance dans les batailles urbaines. C’est ainsi qu’ils ont pris villages et petites villes autour de Bakhmout pour couper les routes d’approvisionnement de l’ennemi.

Pourquoi la victoire russe à Bakhmout a-t-elle commencé à Kherson ? On se souvient qu’un nouveau chef d’état-major a été nommé à la tête de l’armée russe. Cette nomination a eu lieu après les deux offensives ukrainiennes, l’une à Kherson et l’autre au nord-est (Kharkiv). Le nouveau chef Sorovikine se mit au travail pour répondre à ces deux offensives qui firent «accéder» l’armée ukrainienne, aux yeux de ses zélateurs, au statut redoutable des meilleures armées du monde. Tout ça, c’est du pipeau. La chute de Bakhmout et l’évacuation ces jours-ci de la ville de Koupiansk par des habitants âgés ou fragiles, une importante ville conquise lors de l’offensive «éclair» de septembre 2022, est la preuve que les villes conquises sont à nouveau menacées ou reconquises par les Russes. Mais revenons à Sorokivine…

Ce petit résumé des tactiques qui entrent dans un plan stratégique furent appliquées par Sorovikine qui commença par le retrait de la garnison de Kherson-ville. Les troupes retirées, le chef de l’armée russe les expédia à Bakhmout pour remplir deux actions tactiques qui vont jouer un rôle dans le destin de la guerre. Les Russes cherchaient à fixer l’armée ukrainienne à Bakhmout pour l’épuiser, ce sont les mots de Sorovikine. Et ensuite la conquérir, objectif fixé par le président russe. Le plan de Sorovikine allait fonctionner car la ville est militairement et politiquement capitale pour le président ukrainien. C’est pourquoi Zelensky a sacrifié tant de soldats, sacrifice qui n’a fait qu’amplifier le coût politique de la chute de la ville. Pour les Russes, la conquête d’un territoire est, certes, importante mais ce qui assure la fin de la guerre et donc la victoire c’est l’effondrement d’une armée.

Ainsi, pour Sorovikine, Bakhmout concourt à l’épuisement des forces ennemies et ouvre la voie à Kramatorsk, siège de commandement militaire de la province. La durée de la prise de Bakhmout fait partie des tactiques de combat qu’on appelle art opérative. Celui-ci consiste a «rentabiliser» la tactique utilisée dont le but est de produire un effet sur le cours de la guerre mais aussi de causer le maximum de dégâts chez l’ennemi tout en préservant la vie de ses hommes et de leur matériel. Quand l’hécatombe des 100 000 morts et blessés révélée par les Américains, nos «experts» ont fait leur la tactique de Sorovikine en déclarant que les Ukrainiens ont piégé les Russes à Bakhmout pour les épuiser. Drôle de piège qui se traduit par une défaite cinglante militairement et politiquement.

Je me permets d’opposer à la «victoire chantée» de Kherson en novembre 2022 mon article dans Algeriepatriotique du 19 janvier 2023 où j’ai exposé le plan de Sorovikine à partir de sa fameuse intervention-surprise télévisée. Les mêmes «experts» ne juraient que par la technologie nouvelle et se moquaient de ces Russes mal équipés et mal commandés. Aujourd’hui, ils découvrent que l’armée russe ne s’est pas effondrée. Ils se sont mis alors à regarder les invariants de la guerre, le temps, les profondeurs stratégiques, la défensive et la guerre de mouvements, bref l’art de la guerre mis en œuvre avec brio par les Russes. Le résultat de cette intelligence conceptuelle mise en œuvre a d’ores et déjà renvoyé aux calendes grecques la fameuse offensive ukrainienne clamée et déclamée sur tous les tons. Les admirateurs du «chef de guerre» s’impatientent et attendent nerveusement les armes promises par l’OTAN. Tous les appareils de propagande sont d’ores et déjà mis en branle pour rabaisser l’impact de la chute de Bakhmout et promettent que la prochaine contre-offensive ukrainienne va effacer Bakhmout (on a le droit de rêver. Leurs tactiques pour faire oublier la défaite ukrainienne sont simples. Faire de la diversion en sortant de leur carton des «batailles» et des «exploits» imaginaires, la lutte des clans au Kremlin, les trésors cachés de Poutine, Prigogine et son Wagner, bref rien de nouveau à l’Ouest sinon la rage et l’infantilisme d’une propagande à bout de souffle.

La guerre en Ukraine a brouillé beaucoup de points de repère, aiguisé les contradictions sur la scène internationale. La défaite ukrainienne à Bakhmout va accentuer ces contradictions qui vont s’amonceler et déboucher sur l’inconnu et l’incertitude. Et les incertitudes augmentent dangers et menaces dans un monde qui s’est habitué à vivre dans le déni du réel et de l’effacement de l’histoire qui dérangent ses petits privilèges…

Un dernier mot sur la réaction américaine. Les Etats-Unis vont-ils fournir des armes pour la contre-offensive qui se préparerait ? Ou bien vont-ils profiter de l’amère défaite de Bakhmout pour calmer Zelensky et réduire son ambition à conquérir la Crimée ? Tout est possible avec les Américains qui ont mis les doigts dans l’engrenage et ne savent pas trop quoi faire. Après le mal de tête avec le joueur d’échecs Poutine, les voilà devant le casse-tête chinois ! Rester gendarme du monde, c’est du boulot !

A. A.

1- Un journaliste de ces chaînes-robinets a déclaré sans rougir que Bakhmout est une victoire ukrainienne. J’avais honte pour lui, et plus il essayait d’argumenter sa «trouvaille» à deux sous plus je l’imaginais disparaître au-dessous de la table pour échapper aux regards des autres «experts» présents.

Comment (6)

    Expat
    8 mars 2023 - 12 h 22 min

    Excellent article, merci.
    Puisse l’Algérie garder intacte ses alliances et sa ligne géopolitique. Conserver ses liens historiques avec la Russie, pour tout dire.

      akika
      8 mars 2023 - 15 h 05 min

      Merci pour vos commentaires dont j’apprécie la teneur et où je puise des infos qui m’ont échappé. Je suis content de pouvoir proposer des infos et des analyses pour briser l’embargo des infos non contaminées par le mensonge et le mépris de la machine de propagande qui tourne à plein tube. Cette machine commence à patauger sur Bakhmout quand elle prise au piège de ses propres mensonges. Pendant des mois, tous les perroquets répétaient que cette ville est simplement symbolique et aujourd’hui le président ukrainien et le ministre russe de la Défense ont qualifié avec pratiquement les mots, l’aspect stratégique de Bakhmout et les conséquences militaires de l’issue de la bataille actuelle. Bon courage. Ali

    Nord-africain
    6 mars 2023 - 11 h 45 min

    Je n arrive toujours pas à digérer le déclenchement de cette guerre bête!Elle n arrange ni la Russie qui se voit subir une guerre d usure ni l Amérique dont limage de marque se ternit de jour en jour ni l économie mondiale avec ce bouleversement commercial que subit la planète!L humanité toute est perdante dans cette »affaire » excepté les armuriers qui se font de l argent en de telles circonstances!Pourquoi,diable,tuer des gens pour satisfaire ce lobby?!A vrai dire,le mental de l Homme n a pas changé depuis son apparition sur Terre!Il a fait certes des progrès colossaux dans la technologie mais conserve ce penchant au pouvoir,à la richesse et à la domination.L Amérique furète partout sur la planète!Elle rôde autour du gîte du géant de l est guettant tous ses mouvements!Elle part mettre main basse sur Taiwan,un territoire historiquement chinois,toute honte bue et ose vouloir atteler ces deux géants et les traîner dans la boue!!Elle se trompe cette Amérique,elle ne sait pas que cette lutte finirait,si elle allait jusquau bout,par détruire la maison-planète!!Et c est elle la perdante car,de cette maison,elle tire tous les profits!Les humains observent tout cela avec inquiétude voire méfiance à l égard des intentions desUSA!La crédIbilité de l Amérique commence à être entamée,De nouveaux positionnement ne sont pas,à écarter§

    Raïna
    6 mars 2023 - 9 h 15 min

    Très bonne contribution d’Ali Akika.

    Nous assistons à une guerre OTAN/RUSSIE qui se joue aux portes de la Russie pour ne pas dire en ex-URSS,une guerre voulue depuis toujours par les yankees.

    La grande Russie en sortira victorieuse de toute part et permettra la mise en place et l’émergence d’un monde bi-polaire inchallah et mettra fin à la domination de ces satanistes impérialistes…

    Les européens sont de vrais moutons et subissent de plein fouet les méfaits de cette guerre,les US les ont sacrifiés et la facture s’avère être très très salée!!

    Elephant Man
    5 mars 2023 - 17 h 55 min

    « ..bref rien de nouveau à l’Ouest sinon la rage et l’infantilisme d’une propagande à bout de souffle.» →→→ tout est dit.

    Algérien et patriote
    5 mars 2023 - 12 h 41 min

    Les meerdias qui a quelques jours juré que l’armée ukrainienne allait gagner la bataille, aujourd’hui sont entrain de minimiser la victoire de l’armée Russe, comme d’habitude les plus grands menteurs sont aux aboient sur les plateaux de télé réalité…

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