Interview – Le six fois maire de Palerme : «Jeunes, nous voulions devenir algériens !»

Leoluca Orlando
Leoluca Orlando, six fois maire de Palerme. D. R.

Saisissant l’occasion d’une présentation, à Rome, d’un livre qui lui est consacré, Algeriepatriotique a rencontré l’ancien maire de Palerme pour six mandats consécutifs, Leoluca Orlando, parcourant avec lui le contexte international actuel et tant de souvenirs d’une carrière bien remplie. Interview.

Algeriepatriotique : Vous recevez l’œuvre «5, rue des Abdérames» d’une Casbah que vous avez visitée plusieurs fois… 

Leoluca Orlando : Tout d’abord, je remercie vos deux compatriotes qui m’ont fait cette belle et émouvante surprise. Je sais ce que représente cette œuvre, d’ailleurs un lien de parenté me liait à Gillo Pontecorvo, réalisateur de La Bataille d’Alger. Je la tiendrai bien en vue chez moi et parmi les plus chères à mon cœur. En effet, j’ai visité la Casbah d’Alger plusieurs fois, en 1993 et en 2000, à l’occasion du millième anniversaire d’El-Djazaïr. Je n’oublierai jamais l’accueil des Algérois, chaleureux et fiers de leurs résistances.

J’ai, par ailleurs, connu plusieurs de vos dirigeants et j’ai entretenu, au fil des années, de bons rapports avec tous ceux qui partagent mon enthousiasme méditerranéen. D’ailleurs, ce lien affectif avec votre pays n’est en rien surprenant. Pour ceux de ma génération, l’Algérie est ce glorieux pays qui a arraché sa liberté au prix de sacrifices indicibles. Jeunes, nous disions, «nous naissons libres et nous voulons devenir algériens !»

Et sur le plan civilisationnel, pour moi, Sicilien, la Casbah vieille de trois mille ans est la vieille médina de Palerme et d’autres villes de Sicile, elle représente ce creuset que seuls les Méditerranéens peuvent comprendre.

Sur ce point précis, aurait-on pu faire davantage ?

Oui et je le regrette. J’ai toujours voulu la libre circulation des universitaires méditerranéens, une idée que j’ai présentée tant à Strasbourg qu’à Bruxelles. A Palerme, j’ai fait mon possible pour obtenir des bourses d’étude à des Algériens, Tunisiens et d’autres de la région. Quelques pas ont été réalisés, mais d’autres choix ont été faits.

J’ai décidé, au début de mon deuxième mandat, de promouvoir l’héritage arabo-normand et j’ai réussi contre vents et marrées à obtenir la reconnaissance par l’Unesco du patrimoine universel.
Aujourd’hui, à Palerme et en Sicile, les jeunes ont tous leur dictionnaire arabo-sicilien et nous demandent de nous réapproprier une page constitutive de leur histoire, et j’en suis particulièrement fier.

Au vu de l’actualité, que reste-t-il de cette Méditerranée ?

C’est une défaite pour tous. Mais à un moment de l’histoire, il faudra bien que l’Europe et l’Occident comprennent qu’il n’y aura pas de paix sans justice. Les peuples de cette région veulent vivre en paix et en sécurité, mais continuer la politique de l’autruche ne fera pas disparaître les raisons de la colère et du désespoir des peuples du Proche-Orient.

Dans votre livre, vous évoquez vos rencontres avec le colonel Kadhafi…

A la fin des années 90, la Libye voulait mettre un point final à la question de Lockerbie. De par mes relations avec le monde arabe, nombre d’émissaires sont venus à Palerme me dire que le guide libyen voulait que le procès se tienne dans notre ville. Je suis donc allé à Tripoli et tout était prêt pour qu’une telle éventualité devienne concrète. J’ai su par la suite que les Etats-Unis y étaient opposés et, donc, on a opté pour Utrecht, aux Pays-Bas. Mais j’ai maintenu de bons rapports avec les autorités libyennes, qui ont parrainé plusieurs initiatives en Sicile.

Vous êtes tellement populaire à Palerme qu’on vous sollicite pour un septième mandat…

On en parle effectivement. Je trancherai le moment voulu.

Propos recueillis par Mourad Rouighi

Comment (8)

    Elephant Man
    14 novembre 2023 - 12 h 22 min

    Madiba, paix à son âme, a déclaré l’Algérie est mon pays.
    Et aujourd’hui TOUJOURS aussi FIERS ET FIÈRES d’être ALGÉRIENS ALGÉRIENNES mais pas une fierté malsaine et malfaisante et mal placée avec orgueil et tutti quanti.
    L’Histoire avec un grand H parle d’elle-même et aujourd’hui encore plus qu’hier.
    ALLAH YERAHMEK YA SID ERDJAL !!! ALLAH YERAHMEK YA SI L’HOUARI BOUMEDIENNE POUR L’ETERNITE !!!
    Gloire à nos martyrs !
    Allah Yarham EL CHOUHADAS AL ABRAR
    TAHIA EL-DJAZAÏR

      Il a dit aussi..
      15 novembre 2023 - 22 h 43 min

      « C’est l’Algérie qui a fait de moi un homme », car sa formation militaire il l’a reçu à l’école des parachutistes de Biskra sous la direction du général Lamari.

    Soso
    14 novembre 2023 - 10 h 50 min

    Par contre l’inverse et vrai aussi à savoir l’influence de la cultures italienne sure les algériens, je pense que sa a plus de sens que la cultures française avec des échanges de bon procédé constructifs pour nos deux pays sans freins et dettes historique.

      Elephant Man
      14 novembre 2023 - 12 h 31 min

      @Soso
      Inutile de rappeler que c’est la France qui a assassiné Enrico Mattei, paix à son âme, …Un Détail De L’Histoire…
      La rénovation de la Casbah se fait d’ailleurs en collaboration avec l’Italie.

    C'etait Avant et Maintenant...
    14 novembre 2023 - 10 h 24 min

    Les Algeriens veulent fuir le pays pour certains en risquant leurs vies en méditerranée, d’autres avec l’aide des visas, d’autres en tant qu’opposant ou en se faisant passer par des opposants ( la 5eme colonne), d’autres en s’exfiltrant par le sport ou les études,… Et quand on discute avec la jeunesse, elle rêve d’ailleurs!!!! Que c’est il passé ? Qui nous a volé le bonheur, notre indépendance dans le plus beau pays du monde ou les obscurantistes nous polluent nos cerveaux et/ou des corrompus qui spolieent les richesses du pays….

    Kichi Duoduma
    13 novembre 2023 - 20 h 33 min

    Hélas, oui, il fut un temps…je dis bien hélas, car ce temps est révolu, fini, parti. Il y a plus de 45 ans je vivais aux USA et je pouvais sentir cette admiration pour les algériens de la part de presque tout le monde. J’ai eu des amis iraniens entre autres et…français « de souche » qui répondaient qu’ils étaient algériens quand on leur demandait d’où ils étaient. J’avais un ami américain qui ne voulait fréqeunter que les algériens une fois qu’il a fait la connaissance de quelques uns. Le gars était immense et avait une méchante balafre au viage. Je l’ai vu dire à un de ses compatriotes de dégager de la table car il ne voulait pas d’un américain autour de lui. Il ne se sentait à l’aise qu’avec un certain groupe d’algériens.
    J’ai vu un palestinien sauter à la gorge d’un américain qui semblait chercher noise à un de mes amis algérien. Il ne le connaissait pas bien du tout, il savait juste qu’il était algérien. Ce palestinien a sauté de deux mètres du haut d’un palier sur l’américain. Il a fallu trois ou quatre d’entre nous pour l’empêcher de l’étrangler.
    A Harlem, dans les années 1970, un de mes amis algérien est descendu à la mauvaise gare en pleine nuit et est entré dans un bar pour demander comment retourner chez lui. Un cercle de gars immenses et menaçants s’est peu à peu formé autour de lui. Il avait la peau très blanche et les cheveux chatains. Ils se préparaient presque certainement à lui donner une raclée, car le Harlem de l’époque bouillait encore de rage contre l’Establishment blanc. L’un d’eux lui a demandé d’où il était (en Black English): « Where you from, dude? » ce à quoi il a répondu, « I am from Algeria. » Deux d’entre eux se sont immédiatement décontractés et ont souri d’un large sourire. L’un d’eux a annoncé aux autres: « My man from Algeria !… He cool… My man cool… » Il a appris aux autres que Eldridge Cleaver, un des leaders des Black Panthers se trouvait en moment-là même en Algérie en tant que réfugié. Après lui avoir payé à boire, les deux gars ont accompagné l’algérien pour sa protection jusqu’à la gare et ont attendu que le train démarre avant de repartir.
    Nous autres algériens étions très fiers d’être algériens à l’époque. Mais les temps ont changé, hélas.

    Hé oui
    13 novembre 2023 - 17 h 52 min

    Les Siciliens sont un peuple d’honneur et de respect les Italiens et les Siciliens ne se mélange pas, ce sont deux peuples différents et de cultures différentes sur tout les points je préfère de loin les siciliens que les italiens les siciliens ne se vantent jamais et sont discrets les italiens c’est tout le contraire et de base c’est un peuple traître qui mange avec tout le monde l’histoire le prouve…

    zembla
    13 novembre 2023 - 17 h 35 min

    « En dépit de sa visibilité internationale, le sondage annuel Il Sole 24 Ore, basé sur l’appréciation des maires et des gouverneurs régionaux par leurs concitoyens, le classe en dernière position en 2020 (102e sur 102) et antépénultième (102e sur 105) en 2021 avec 39 % d’opinions favorables »
    Ne pouvant se représenter aux élections municipales de 2022, il cède son siège au candidat de la coalition du centre droit, Roberto Lagalla, ancien recteur de l’Université. Leoluca Orlando laisse plusieurs dossiers en suspens, notamment selon Il Foglio, « les ratés d’une administration qui ces dernières années a objectivement déplu à tout le monde », la question des « ordures, du millier de cercueils non enterrés et entassés dans le cimetière municipal, du mauvais état de la voierie, des chantiers publics non terminés, de la mobilité impossible, des budgets dans le rouge laissant la ville au bord de l’effondrement financier. »

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