L’illusion française
Par A. Boumezrag – «Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde», écrivait Albert Camus dans les années 60. Une pensée qui résonne avec force dans le contexte des relations entre la France et l’Algérie en 2025. Depuis des décennies, la France a mal nommé sa relation avec son ancienne colonie : elle l’a vue comme une prolongation de son influence, une forme de «possession» qui se limite à des gesticulations diplomatiques et des déclarations éthérées sur le respect et la coopération.
Le problème, c’est que la France confond souvent respect et obéissance. L’Algérie, tout en étant un partenaire stratégique et historique pour la France, ne se laisse pas conduire comme un cheval docile. On la traite comme si elle devait se cabrer mais jamais désarçonner son cavalier. C’est là l’illusion du pouvoir français : en croyant que l’Algérie se plierait toujours aux règles qu’elle impose, elle oublie qu’un cheval peut se cabrer, mais un cheval libre ne se laisse pas dominer.
En 2025, il semble que la France ait oublié cette vérité. L’Algérie, bien que toujours liée à la France par un héritage commun, ne tolère pas la tutelle implicite. La réconciliation des mémoires, la gestion de l’histoire coloniale, les dossiers sensibles comme la Guerre d’Algérie, tout cela reste sans réponse claire de la part de Paris. La France, en gardant cette vision paternaliste, s’attend à une obéissance qui ne vient pas. Les récentes visites officielles, les déclarations à la fois vagues et condescendantes, ont laissé des tensions non résolues, exacerbées par un manque de véritable dialogue.
Si l’Algérie se cabre, ce n’est pas pour défier la France, mais pour revendiquer son autonomie politique et mémorielle. L’image du cheval qui se cabre et du cavalier qui ne tombe pas est devenue caduque. La France croyait tenir les rênes, mais ces dernières, comme l’a dit Camus, n’ont été que de fausses apparences.
La moralité ici est claire : on ne peut pas traiter les relations internationales comme des rapports de domination. Le respect n’est pas une soumission muette et la reconnaissance des erreurs passées ne se fait pas par des gestes de façade. Si la France souhaite réellement renouer une relation équilibrée et fructueuse avec l’Algérie, elle devra cesser de se croire encore le cavalier tout-puissant et accepter que l’Algérie, en 2025, n’est plus ce cheval docile qu’elle a un jour cru tenir sous contrôle.
A. B.
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