Cybermenace : ce que l’Algérie doit retenir de la frappe ciblée contre l’Iran
Par Abdelkader S. – Jacques-Marie Bourget a mis le doigt sur la plaie. Interrogé par Algeriepatriotique sur la frappe israélienne contre l’Iran, notre confrère a expliqué que ce pays «est, à la fois, infesté d’espions et soumis à la surveillance électronique la plus sophistiquée». «Les Etats-Unis captent toutes les communications et peuvent ainsi savoir qui est qui dans le processus de décision, le timing de l’action et la localisation des personnalités importantes», a-t-il développé. Ce constat nous renvoie à un de nos articles précédents sur une affaire de piratage informatique massif impliquant les services secrets américains et qui a touché l’Italie et éclaboussé plusieurs autres Etats, dont Israël, le Vatican, le Royaume-Uni et la Lituanie.
L’affaire confirmait la doctrine de Washington qui n’a pas d’amis, puisque même ses alliés européens sont ainsi épiés. «De nouvelles allégations ont été formulées via des écoutes téléphoniques de la police [italienne] selon lesquelles des puissances étrangères faisaient partie de celles qui utilisaient une société d’enquête privée basée à Milan pour pirater les bases de données de sécurité de l’Etat dans le but d’obtenir des informations secrètes sur l’activité financière, les transactions bancaires privées et les enquêtes policières», ont révélé les médias italiens.
L’espionnage cybernétique aurait donc été confié à une société italienne qui aurait piraté des informations «sur des milliers de personnes, dont des politiciens, des entrepreneurs, des athlètes et même des musiciens», précisent ces médias. Autre mission confiée à cette société, rémunérée à hauteur d’un million d’euros : mener une cyber-action contre des cibles russes, dont des proches collaborateurs du président Vladimir Poutine.
En théorie, il existe un accord liant les Etats-Unis et l’Europe, une sorte de pacte de non-agression informatique, mais jamais respecté par la NSA, la CIA et toutes les autres agences de renseignement américaines. «En matière technique, les Etats-Unis ont une avance considérable et vont proposer à un certain nombre de pays, à commencer par l’Allemagne, le Danemark, mais aussi la France, de leur livrer, clé en main, les centres d’interception et les moyens techniques. Ces pays, en fonction de leur politique de souveraineté et de leur volonté d’être autonomes, diront oui ou non. L’Allemagne dira oui, le Danemark également. En 2006, la France dira non, justement pour des raisons de souveraineté», expliquent des experts occidentaux.
Auparavant, l’OTAN fut confrontée à un autre scandale d’espionnage. Un rapport interne des services de renseignement danois, dévoilé par un consortium de journalistes européens, avait révélé que Washington s’est servi entre 2012 et 2014 du réseau de câbles sous-marins danois pour écouter des personnalités politiques, réparties dans plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, la France, la Norvège et la Suède. Une pratique qu’Edward Snowden, le lanceur d’alerte de la NSA, avait dévoilée au grand jour, laquelle consiste en la surveillance de masse internationale par l’establishment américain. Julian Assange, par le biais du site WikiLeaks, avait, lui aussi, révélé les écoutes ayant ciblé de nombreux chefs d’Etat européens.
Des documents secrets diffusés dans la presse internationale ont mis à nu le caractère fourbe du gouvernement américain qui, s’il peut sembler divisé sur les questions internes pour des raisons éminemment électoralistes, n’en est pas moins uni dans ses actes bellicistes qui visent l’ensemble des pays du monde, les Etats-Unis étant un partenaire forcé dont il faut se méfier, sans jamais baisser la garde.
Ces informations gravissimes, révélées par des sources occidentales indubitables, confirment que le ciblage des hauts gradés et des scientifiques iraniens assassinées lors du dernier raid, ainsi que des sites militaires et nucléaires, n’a pas pu se faire sans l’appui cybernétique américain, même si Israël peut se targuer d’avoir sa propre Silicon Valley. La guerre de cinquième génération n’est pas une vue de l’esprit, mais une stratégie réelle, incarnée par des programmes mis au point et développés par les Etats-Unis.
L’Algérie, qui a pris conscience de la menace ces dernières années, s’oriente vers une politique ambitieuse et intelligente qui lui assurera à terme une souveraineté numérique nécessaire pour sa sécurité. Une souveraineté qui devra passer sinon par une restriction du moins par la limitation de l’accès aux réseaux sociaux actuels dominants, véritable machine à laver les cerveaux, et par une implication active dans le groupe de travail ouvert sur la sécurité informatique mondiale après 2025.
La menace est à nos portes, et le temps presse.
A. S.
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