Les nostalgiques d’ici
Par Nabil D. – Trois nostalgiques de l’Algérie française, Saïd Sadi, Kamel Daoud et Farid Alilat, ont prêté qui sa plume, qui sa voix pour étoffer un dossier fleuve concocté par Le Point sur «le peuple kabyle». «Délicate» attention d’un média français notoirement anti-algérien à l’égard de notre «race», sans que ce magazine prenne la peine d’expliquer à quoi rime cet intérêt soudain pour une frange de la population algérienne, précisément dans ce contexte de crise diplomatique profonde entre Alger et Paris. Ce choix éditorial, loin d’être innocent, s’inscrit dans une stratégie de fragmentation, de division identitaire soigneusement entretenue par certains cercles médiatico-politiques français. Il est légitime de s’interroger : pourquoi maintenant ? Pourquoi ce zoom sur la Kabylie, alors que le peuple algérien, dans sa diversité, affronte des défis majeurs à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières ?
En renfort de cette offensive insidieuse, trois recrues de la SAS et du Deuxième Bureau. Ressuscité plus d’un demi-siècle après la débâcle de la France coloniale en Algérie ? Non. Cette engeance est le prolongement naturel des harkis de plume et de micro, qui troquent la loyauté envers leur peuple contre les honneurs douteux offerts par les tribunes occidentales. Derrière les apparences d’une parole libre et critique se cache en réalité une rhétorique complice, alignée sur les intérêts d’une ancienne puissance coloniale qui n’a jamais digéré sa défaite. Le discours produit ne vise pas à éclairer ou enrichir le débat public algérien, mais à délégitimer l’Etat algérien, à opposer les communautés et à semer le doute sur la cohésion nationale.
Il est inquiétant de constater que ce genre de dossier, sous couvert de journalisme d’investigation ou d’analyse sociétale, recycle en réalité des narratifs coloniaux éculés. Les figures mises en avant, aussi prestigieuses soient-elles dans certains milieux, participent à la fabrication d’un discours qui essentialise la Kabylie, la coupe de son contexte historique et politique, et en fait un objet de fascination politique pour un lectorat français nostalgique d’une Algérie divisée, affaiblie, plus facilement manipulable.
Cette instrumentalisation d’une région, d’une culture et d’une population partie intégrante de l’Algérie à des fins géopolitiques est non seulement malhonnête, mais profondément dangereuse.
N. D.
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