Une paix sans peuples

Accords d'Abraham
Accords d'Abraham, en 2020. D. R.

Par A. Boumezrag – Le Moyen-Orient est un vaste théâtre où l’on joue depuis des décennies la même pièce tragique avec ses rôles figés : les puissances étrangères en metteurs en scène, les régimes locaux en acteurs principaux, tandis que les peuples servent surtout de figurants, invisibles et silencieux.

Depuis les fastueux accords de Camp David en 1978, où l’Egypte et Israël signaient un cessez-le-feu sous l’œil complice des Etats-Unis, jusqu’aux bling-bling d’Abraham en 2020, une constante : la paix est toujours une affaire d’élites et non des peuples.

Cette tournée printanière 2025 de Donald Trump – sorte de tournée de VRP du chaos déguisé en faiseur de paix – aura confirmé une vérité aussi vieille que cynique : la paix au Moyen-Orient, c’est avant tout un business. Et dans ce business, les intérêts américains passent en premier, comme toujours. On vend des armes aux uns, on signe des contrats avec les autres, on maquille le tout avec des déclarations pompeuses, et voilà, la paix est signée !

La Palestine ? Trop compliquée. Les réfugiés ? Accessoires. Les droits humains ? Un détail. Pendant que les tours de verre montent à Dubaï et Riyad, les Palestiniens voient leurs maisons démolies, Gaza sous blocus et leur histoire effacée par une diplomatie de façade. C’est la paix version tapis vert : on joue la partie, on négocie, on serre des mains et, derrière, on efface les fantômes. Les habitants ? Disparus, réduits à des ombres. La paix, elle, est bien réelle, mais pour ceux qui la vendent, pas pour ceux qui la subissent.

Pendant que les projecteurs éclairent la tournée Trump, un autre spectacle se joue à Ankara, où Erdogan, en maître du jeu imprévisible, tente de rapprocher la Russie et l’Ukraine. Comme quoi, dans ce monde chamboulé, même un autocrate islamo-nationaliste peut revêtir l’habit du médiateur.

Si la Palestine fut jadis le cœur battant du monde arabe, elle est aujourd’hui le baromètre de sa décadence morale. Plus personne ne s’y intéresse vraiment, sauf pour des intérêts économiques et sécuritaires, tandis que les peuples gardent en silence la mémoire d’une cause sacrifiée sur l’autel des compromis.

Au bout du compte, cette «paix» au Moyen-Orient ressemble à une paix des cimetières, imposée d’en haut et vendue comme un produit marketing. Les peuples ? Ils ne comptent plus. Ce sont des fantômes sur le tapis vert, des ombres balayées par la course aux contrats et aux alliances stratégiques.

Au Moyen-Orient, la paix made in USA, c’est un gratte-ciel érigé sur un désert où il ne reste plus d’habitants, mais seulement des fantômes. Au Moyen-Orient, la paix se vend comme un appartement de luxe : une belle vitrine, de grands discours, mais à l’intérieur, personne n’habite vraiment. Les habitants ? De simples fantômes gênants qu’on préfère oublier, pendant qu’on signe les contrats et qu’on érige des gratte-ciel sur des cimetières à ciel ouvert.

A. B.

Comment (6)

    Saad
    20 mai 2025 - 1 h 57 min

    Joseph Conrad a su saisir cette dichotomie entre ce que nous sommes et ce que nous prétendons être dans son roman «Au cœur des ténèbres», et dans sa nouvelle «Un avant-poste du progrès».

    Dans ce dernier, il raconte l’histoire de deux commerçants européens, Carlier et Kayerts, envoyés au Congo. Ces commerçants prétendent être en Afrique pour y implanter la civilisation européenne. L’ennui, la routine oppressante et, surtout, l’absence totale de contraintes extérieures transforment les deux hommes en bêtes sauvages. Ils échangent des esclaves contre de l’ivoire. Ils se battent pour la nourriture et les provisions qui s’amenuisent. Kayerts finit par assassiner son compagnon Carlier, désarmé.

    «Ils n’étaient que deux individus parfaitement insignifiants et incompétents», écrit Conrad à propos de Kayerts et Carlier, «dont l’existence n’est possible que par les structures complexes de la civilisation. Peu d’hommes réalisent que leur vie, l’essence même de leur nature, leurs capacités et leur audace ne sont que l’expression de leur croyance en l’innocuité de leur environnement. Le courage, le sang-froid, la confiance, les émotions et les principes, toutes les pensées, grandes ou insignifiantes, n’appartiennent pas à l’individu, mais à la foule, à la foule qui croit aveuglément à la force irrésistible de ses institutions et de sa morale, au pouvoir de sa police et de son opinion. Mais la confrontation avec la barbarie pure et absolue, avec la nature et l’homme primitifs, fait naître un trouble soudain et profond dans le cœur des hommes. Au sentiment d’être le seul du genre, à la perception claire de la solitude de l’esprit, de ses sensations, à la négation du familier, source de sécurité, s’ajoute la confirmation du dépaysement, source de danger. L’évocation de réalités vagues, incontrôlables et repoussantes, dont l’intrusion dérangeante excite l’imagination et met à rude épreuve les sens civilisés des sages comme des insensés».

    Le génocide de Gaza a fait imploser les subterfuges auxquels nous recourons pour nous duper nous-mêmes, et tenter de duper les autres. Il se moque de toutes ces vertus que nous prétendons défendre, y compris le droit à la liberté d’expression. Il témoigne de notre hypocrisie, de notre cruauté et de notre racisme. Après avoir fourni des milliards de dollars en armes et persécuté ceux qui dénoncent le génocide, nous ne pouvons plus prétendre à une quelconque supériorité morale. Désormais, notre langage est celui de la violence, du génocide, des hurlements inhumains d’une nouvelle ère de ténèbres où le pouvoir absolu, la cupidité débridée et la barbarie sans limites régneront sur le monde.

    Mohamed El Maadi
    19 mai 2025 - 21 h 00 min

    Les terres palestiniennes, jadis cause sacrée du monde arabe, sont désormais reléguées au rang de simple nuisance à éliminer, laissant carte blanche au boucher Netanyahou.

    Le monde arabe, autrefois fier et combatif, s’est métamorphosé en une masse amorphe de laquais, où les derniers résistants se prosternent devant le veau d’or dès que les billets craquent.

    L’idéalisme et la bravoure ont cédé leur place à une débauche pathétique – ces « leaders » préfèrent noyer leur conscience dans l’alcool frelaté, s’entourer de courtisanes vénales, pendant que leur dignité se marchande au plus offrant.

    Seule l’Algérie persiste comme un bastion de résistance au milieu de cette assemblée de traîtres et de collabos. Les autres, trop lâches pour périr debout, rampent comme des vers, suintant leur capitulation et empestant leur déshonneur.

    Ce spectacle est si répugnant qu’il ne reste plus qu’à se réfugier dans les souvenirs d’une époque où l’honneur n’était pas qu’un mot vide.

    Filoutil
    19 mai 2025 - 14 h 38 min

    Le zélote Trump doit avoir une sacrée ardoise chez les potes d’Epstein alias Mossad, ses petites virées nocturnes sur l’ile du pervers et de sa dulcinée l’infame G.Maxwell, Donald est cuit comme un croque-monsieur une tranche de jambon entre deux tranches de sionistes.
    Tout empire suit une logique implacable et historique: La montée, l’apogée et la chute.
    Le jour est proche où l’empire s’écroulera avec fracas.

    REMPLACER LES ALGÉRIENS : UN VIEUX PROJET COLONIAL TOUJOURS VIVANT
    19 mai 2025 - 13 h 20 min

    Deux nouvelles interviews de Saïd Bouamama viennent confirmer ce que j’évoquais dans mes deux derniers commentaires : la volonté persistante, chez les dirigeants européens et sionistes, de remplacer les Algériens par d’autres peuples n’est pas un phénomène récent, mais s’inscrit dans une continuité historique remontant au moins à 1830. Cette politique de substitution n’est pas seulement démographique, elle est aussi idéologique et culturelle. Bouamama, avec sa rigueur et sa clarté habituelles, met en lumière les logiques coloniales qui perdurent sous d’autres formes aujourd’hui.

      zembla
      19 mai 2025 - 19 h 21 min

      «: la volonté persistante, chez les dirigeants européens et sionistes, de remplacer les Algériens par d’autres peuples »

      En attendant Saïd Bouamama vit toujours en France si je ne m’abuse

    Anonyme
    19 mai 2025 - 10 h 37 min

    Ceux qui soutiennent ardemment les Palestiniens ne sont en majorité pas Arabes.
    Pourquoi les peuples Arabes se tiennent à carreaux !?
    Ne parlons pas des dirigeants arabes qui ont perdu toute dignité, jusqu à se mettre du côté de l agresseur (hacha 3ami Tebboune et le président tunisien).

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