Guerre en trompe-l’œil

Iran
Ce n’est pas l’Iran que l’on vise, mais une idée de souveraineté. D. R.

Par Sid-Ali Mokhefi – Ce que nous vivons depuis des semaines n’a rien d’un conflit ponctuel ou d’un simple désaccord militaire. Ce n’est pas une opération préventive contre une menace nucléaire. Ce n’est pas l’Iran que l’on vise. C’est un modèle. Une posture. Une idée de souveraineté.

Les frappes israéliennes n’ont pas ciblé uniquement les centres d’enrichissement ou les sites militaires de Natanz. Elles ont frappé South Pars, cœur gazier de l’Iran. Elles ont visé des raffineries, des dépôts de carburant, des installations civiles vitales. Autrement dit : le système respiratoire d’un Etat.

Ce n’est pas une guerre. C’est un étranglement planifié. Un sabotage énergétique assumé. Et ce qui choque autant que les missiles, c’est le silence. Aucune condamnation formelle. Aucune alerte des grandes institutions internationales. Aucune mention d’agression économique.

Mais tout le monde comprend. Les marchés l’ont compris. Le baril s’est affolé, le gaz a suivi, l’inflation est revenue par la porte énergétique. Pourtant, dans les chancelleries, on continue à parler uniquement de «menace nucléaire». Comme si détruire une raffinerie ne valait pas un acte de guerre.

Pendant ce temps, de nouveaux axes se dessinent. EastMed devient tangible. L’IMEC trace ses lignes de l’Inde au Golfe, puis à la Méditerranée. Les routes énergétiques ne sont plus géographiques, elles sont politiques. On redessine le monde autour de ceux qui obéissent. On neutralise ceux qui dérangent.

Et ce qui se passe aujourd’hui avec l’Iran aurait pu se passer ailleurs. Ce n’est pas un cas isolé. C’est une stratégie transposable. Une démonstration de puissance. Ce n’est pas un accident. C’était prévu. Tout était écrit d’avance.

La machine a démarré. Elle ne bombarde pas seulement des infrastructures. Elle bombarde des équilibres. Elle efface des alternatives. Et elle les remplace par un ordre nouveau, déjà décidé, déjà préparé.

Le vrai combat, ce n’est pas pour ou contre un régime. C’est le contrôle de l’énergie comme arme stratégique mondiale. Gaza, demain, pourrait devenir un hub gazier. Pas parce qu’elle en a les ressources. Mais parce que d’autres y voient une opportunité géopolitique.

Derrière chaque frappe, il y a une bourse qui frémit. Un corridor qui se ferme. Une carte qui se redessine. Ce n’est pas une escalade militaire. C’est une reconfiguration énergétique imposée.

Et les grandes puissances le savent. Certaines laissent faire. D’autres observent. Quelques-unes s’adaptent. La Russie appelle au dialogue, sans se mouiller. La Chine avertit, mais évite de s’exposer. L’Europe se tait. L’Amérique ajuste.

Mais aucune ne remet en cause l’architecture du choc. Car ce déséquilibre sert un projet.

Nous devons cesser de faire semblant. Cesser de croire aux récits préfabriqués. L’Iran aujourd’hui, un autre demain. Un voisin, un partenaire, peut-être nous-mêmes. Parce qu’il ne s’agit pas de cible. Il s’agit de principes.

Il faut voir clair. Parler clair. Agir librement. Parce qu’au fond, ce que ce conflit dévoile, c’est qu’il n’y a plus d’autonomie sans énergie. Et qu’il n’y aura plus de souveraineté sans résistance.

S.-A. M.

Comment (9)

    ANONYMOUSTOP
    18 juin 2025 - 19 h 11 min

    Genau ! 100% d’accord sur tous les points
    de cet article.

    Définition de la démocratie du point de vue occidental : détruire des nations entières, massacrer des populations par millions, semer le chaos généralisé, annihiler toute possibilité de contestation, pour ensuite instaurer leur dictature mondiale.

    🇩🇿 Hassiba Ben Bouali 🇩🇿
    18 juin 2025 - 14 h 42 min

    Contribution intéressante et thèse pertinente de M. Sid-Ali Mokhefi.

    mokhefi
    18 juin 2025 - 13 h 04 min

    Votre commentaire touche un point essentiel : l’heure de vérité pour les BRICS, et au-delà, la question de savoir qui ose encore penser le monde autrement que par blocs dominants et logiques d’alignement. Vous avez raison de rappeler que les récents élargissements de ce bloc – incluant des régimes ouvertement inféodés à Washington ou Tel-Aviv – ont introduit un brouillage stratégique. Ce n’est plus un front des nations libres, mais un regroupement aux intérêts divergents, parfois incompatibles.
    Vous avez vu juste : la non-réaction des BRICS face à l’étranglement énergétique de l’Iran est un test. Si ce bloc reste silencieux face à cette guerre de façade mais de fond, alors la multipolarité devient une fiction diplomatique. Une illusion utile pour négocier, mais sans colonne vertébrale politique.
    Ce qui se déroule aujourd’hui dépasse l’Iran. C’est une recomposition méthodique de l’ordre énergétique et monétaire mondial. Et les vraies alliances de demain ne passeront plus par les sommets officiels. Elles naîtront de la souveraineté réelle, de la solidarité de terrain, du courage économique.
    L’idée d’un regroupement entre nations « désalignées », comme vous le proposez, est peut-être encore embryonnaire. Mais elle porte en elle la seule alternative viable à un monde dominé par la force monétaire d’un empire ou la peur militaire d’un autre. Ce n’est ni l’Est ni l ’Ouest qu’il faut servir, mais le Sud à construire. Un Sud digne, lucide, structuré. Loin des slogans, proche des peuples.
    Et oui, les discours de Gueddafi, pour qui veut les relire sans les caricatures, étaient souvent plus lucides que ceux de ses pairs. L’histoire finira peut-être par lui rendre une part de ce qu’on lui a confisqué.
    Merci pour votre contribution lucide et sans compromission.

    Luca
    18 juin 2025 - 12 h 00 min

    Comme d’habitude, mais le temps passe et heureusement qu’il y a ces trois grands pays que sont USA, Russia, China, face au nazisme Franco européens. La source du mal est l’Europe et son avant poste nazi israël…, et on va essayer de tarir cet avant poste en faisant venir Moïse

    Fateh
    18 juin 2025 - 11 h 56 min

    En réalité, cette décision a été prise il y a des mois, voire des années, par les véritables décideurs, qui ne sont pas les présidents. Ce sont les banquiers, les agents des services de renseignement, les fabricants d’armes, les oligarques de la technologie.

    Ils n’ont jamais voulu d’une solution diplomatique. Et l’objectif n’a jamais été simplement de détruire les installations nucléaires iraniennes. L’objectif a toujours été un changement de régime. Il suffit de demander au général à la retraite Wesley Clark. Il nous a avertis il y a 18 ans que l’Iran figurait sur une liste de sept pays du Moyen-Orient que Washington avait ciblés pour un changement de régime. Cela a pris plus de temps que prévu, mais ils n’ont pas abandonné. Ils travaillent toujours sur cette liste de sept pays.

    MADANI
    18 juin 2025 - 10 h 11 min

    C’est l’heure de vérité pour les BRICS. La Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil restent sur la réserve depuis le 15 juin.. Seront-ils du côté de l’Iran en cas d’intervention US ?
    S’lls se dérobent, s’en est fini du monde multipolaire à la sauce BRICS.
    Il y a eu des signes avant coureurs qui ne trompent pas : non participation de Poutine au sommet des BRICS en Afrique du Sud, rejet de la candidature de l’Algérie, de l’Indonésie et accueil des Emirats, des Séoudiens, de l’Egypte pays-régimes traitres inféodés à l’Occident.
    Poutine est un occidental contrarie ramené à la réalité géostratégique par l’Ukraine, la Chine est focalisé surTaiwan et un conflit entre les USA et l’Iran viderait les arsenaux US lui donnant plus de temps et de marge de manœuvres pour régler ce problème.
    La paix du monde, la solidarité, la justice dérangent la politique basée sur la volonté de puissance de ces dirigeants de l’est et de l’ouest.
    Quelle alternative alors ? Les regroupements par affinités politiques excluant la Russie, la Chine, l’Inde, l’Europe, les USA, le Japon de pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique Latine, d’Irlande axées sur la souveraineté, les principes de non ingérence, d’autodétermination des peuples opprimés, le développement humain (Algérie, Cuba, Afrique du Sud, Iran, Pakistan, Indonésie, Malaisie, les 2 Corées,…) pour des échanges soutenus et directs : économiques (agriculture, industrie,…), culturelles, scientifiques, technologiques, militaires car les 77, l’OCI sont infiltrés, l’Afrique est immature, le Monde Arabe corrompu depuis 1258.
    Le chemin sera long et ardu, les embuches nombreuses car l’indépendance fait peur aux tièdes et à l’Empire.

      Hamid
      18 juin 2025 - 14 h 31 min

      L’ONU est une organisation corrompue à la botte de l’occident impérialiste et de son modèle économique qui repose sur un capitalisme ultra libéral.
      Cette organisation n’a comme utilité que celle d’obéir aux vrais décideurs de cette idéologie criminelle qui s’assoit sur les nations souveraines et leurs peuples épris de justice et de liberté.
      La france, avec ses belles paroles sur les droits de l’homme et du citoyen, sa devise et ses soit-disant valeurs universelles, devrait la boucler à tout jamais.

    Dr Kelso
    18 juin 2025 - 9 h 54 min

    Je renvoie aux excellents discours avant-gardistes du colonel Gueddafi Allah yrahmou à la ligue arabe sur le sujet.

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