Valéry Giscard d’Estaing : «Boumediene n’a jamais été remplacé par quelqu’un de son envergure»

Dans un long entretien qu’il a accordé à Frédéric Mitterrand, neveu de son rival François Mitterrand, l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing a évoqué les derniers moments de la vie de Houari Boumediene. Il rappelle, non sans fierté, dans ce recueil de la mémoire orale de celui qui a présidé aux destinées de la France de 1974 à 1981, diffusé par la Chaîne parlementaire (LCP) dans la soirée de ce lundi 30 novembre, qu’il a été le premier président de la République française à se rendre dans l’Algérie indépendante. «Je me suis dit que j’allais reprendre le message du général de Gaulle, c’est-à-dire que nous étions indépendants, qu’ils (les Algériens, ndlr) l’étaient aussi, que ce qui s’était passé était derrière nous et qu’il fallait que nous l’oubliions. Nous étions deux nations indépendantes qui défendions des intérêts, mais qui pouvions établir des relations normales», a déclaré l’ancien chef de l’Etat français. A une question de Frédéric Mitterrand qui estimait que «Boumediene était différent des autres», qu’il «parlait peu français», qu’«il avait un physique austère», qu’«il appartenait à la mouvance tiers-mondiste qui était très importante à l’époque», Giscard d’Estaing a, au contraire, affirmé que la situation était décrispée, car il y a avait «moins de poids du passé». «C’était contemporain», a-t-il souligné, expliquant qu’il avait l’impression que Houari Boumediene s’était dit qu’au fond, «c’est comme ça que cela devait se passer, c’est-à-dire des gens qui savent qu’il y a des souvenirs naturellement difficiles, voire même très douloureux, mais qui se respectent et qui se conduisent en conséquence». Ne partageant pas l’avis de l’ancien ministre de la Culture et néanmoins journaliste Frédéric Mitterrand, pour qui Houari Boumediene était «difficile à apprivoiser», Valéry Giscard d’Estaing a assuré que son homologue algérien était «chaleureux et très correct» : «Plutôt que l’hypocrisie d’une façon générale, j’aime assez ce qui est correct», a-t-il affirmé. C’est avec une grande émotion que Giscard d’Estaing a évoqué l’épisode de la maladie de Houari Boumediene : «Il (Boumediene, ndlr) est tombé malade et il est parti se faire soigner à Moscou. Pourquoi, je n’en sais rien ; je ne savais pas quelle était sa maladie», a-t-il affirmé. «Il faisait ses trajets en avion militaire algérien. Je ne sais pas pourquoi il avait choisi un trajet qui le faisait passer au-dessus de la Corse», s’est demandé l’ancien président français. «Nous [leur] avons envoyé un message, alors – à ce moment-là – Boumediene m’a adressé un message remarquable, extraordinairement chaleureux», s’est rappelé Giscard d’Estaing qui a révélé que le texte en question devait certainement exister dans les archives. Il en a récité, de mémoire, un extrait : «Je suis très touché par votre geste qui ne me surprend pas (…) D’ailleurs, ceci devrait vouloir dire que nous allons ouvrir un nouveau chapitre beaucoup plus positif dans les relations algéro-françaises. Dès mon arrivée à Alger, je m’y consacrerai.» «C’était un message très émouvant et fort», a soutenu Valéry Giscard d’Estaing qui regrette que Houari Boumediene, «qui n’a jamais été remplacé par quelqu’un de son envergure», fût décédé avant que ce réchauffement des relations se réalisât. Ce qu’il considère comme «une occasion perdue».
M. Aït Amara

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