Ces enfants qu’on tue

Quand ils ne meurent pas d’une frappe aérienne, dite «chirurgicale» mais ratée, inscrits comme victimes de «dégâts collatéraux» dans une guerre que se font les aînés, quelque part en Afghanistan, ou dans l’explosion d’une voiture piégée, à Damas, cette fois «victimes innocentes d’un terrorisme aveugle», les enfants, dont on pense qu’ils sont bien à l’abri à l’école, dans une ambiance de paix, tombent sous les balles d’un tueur… fou, a-t-on l’habitude de préciser, à supposer que dans les premiers cas, l’auteur de massacres d’enfants – kamikaze ou pilote de guerre – soit véritablement sain. Le fait tend à se banaliser aux Etats-Unis. Hier, un homme lourdement armé est entré dans une école élémentaire de Newtown, dans le Connecticut, et a abattu 20 enfants âgés entre cinq et dix ans, et six adultes. L’émotion ressentie après ce drame dépasse les limites du lieu et même du pays où il s’est déroulé. Les seuls, sans doute, à rester indifférents sont les membres du puissant et intouchable lobby des armes à feu, la National Rifle Association, aveuglés par les profits qu’ils réalisent dans la vente de leurs instruments de mort. Dans ce pays qui prétend être à la pointe de la civilisation, la barbarie est dans la rue. Aux Etats-Unis, les gens portent une arme comme on a, chez nous, sur soi, le téléphone portable et ils sont prêts à dégainer comme nous à passer un appel. Les médias inondent le pays de leur propagande belliciste et les va-t-en-guerre de l’establishment tiennent le haut du pavé. Barack Obama, qui a montré son émotion en apprenant la mauvaise nouvelle, sait que cela ne suffit pas à épargner aux écoliers le risque d’une nouvelle tuerie tant que les armes circuleront librement. Les prières à l’église n’y pourront rien. Les autorités américaines doivent avoir le courage d’interdire la circulation des armes et commencer à propager la culture de la paix dans leur société, d’abord à l’école. Les dirigeants américains doivent bannir de leurs discours la glorification des guerres qu’ils font ailleurs. C’est la solution de fond pour que la tuerie de Newtown soit la dernière.
Lazhar Houari