L’héritage de la conférence de Doha sur les changements climatiques : plus que des mots

Le rythme habituellement frénétique des chantiers de construction de Doha a ralenti le mois dernier pendant que les travailleurs s’arrêtaient et contemplaient quelque chose d’inédit pour l’état du Qatar. Environ 1 000 personnes marchant le long de la corniche de Doha, faisant des signes de la main et chantant. Une manifestation afin d’inciter les pays arabes à prendre la direction des actions visant à limiter les changements climatiques. Cela a été une première extrêmement puissante et les directeurs des chantiers de construction sont prévenus, cela ne sera pas la dernière.
L’héritage des premières discussions du Moyen-Orient sur le climat, la conférence de l’ONU sur les changements climatiques, hébergée par Doha du 26 novembre au 8 décembre 2012, ne se résumera pas aux pages du texte accepté par les pays en fin de journée du 8 décembre, mais bien par un changement fondamental dans la prise de conscience de la région de l’existence des problèmes de changements climatiques. L’aspect le plus important de la tenue des négociations de l’ONU sur le climat au Qatar était d’amener le débat sur les changements climatique dans le cœur de la région.
Mener à bien la modification de la façon de voir les changements climatiques n’est pas une tâche facile dans une région telle que celle du Golfe, où les énergies fossiles sont responsables pour 73% du produit intérieur brut et les subventions sont perçues comme un droit. En fait, l’une des images clés définissant le protocole de Kyoto de 1997 était la photo de la délégation saoudite protestant de façon véhémente contre le protocole.
Mais les récents mouvements de la société civile arabe, qui incluent le «Arab Youth Climate Movement» (le mouvement de la jeunesse arabe sur le climat) créé en septembre dernier, a déjà quelques succès à son actif. Les délégués de la société civile arabe ont manifesté leur présence dans le hall du centre national de conférences du Qatar en réclamant un leadership régional. Et bien que les discussions de Doha ne soient pas parvenues à obtenir un accord sur l’augmentation de la réduction des émissions de carbone ou à définir une façon crédible de subvenir aux 100 milliards de dollars nécessaires pour financer, d’ici à 2020, l’aide aux pays les plus pauvres afin qu’ils puissent prendre en compte les changements climatiques, il n’empêche que dans les dernières étapes de négociations quatre des pays CCG (Conseil de coopération du Golfe) – Bahreïn, Arabie Saoudite, Qatar et Emirats arabes unis – ont discrètement établi un plan afin d’annoncer des réductions d’émission de carbone en 2013.
Alors qu’une «promesse de promettre» ne suffit pas à être considérée comme une véritable action, la différence entre cette réponse et l’image de l’Arabie Saoudite rejetant le Protocole de Kyoto reste frappante. Cette incursion dans un monde où les développements à faible taux d’émission de carbone sont une nécessité économique et environnementale est significative. L’action d’un autre joueur local, le Liban, s’est montrée plus imminente. Lors des discussions, Beyrouth a annoncé cibler les 12% en énergie renouvelable pour 2020. Cette marque d’espoir dans la région est plus qu’opportune. Ce qui compte maintenant c’est de s’assurer que le débat sur les changements climatiques se poursuive dans la région, de façon aussi intense qu’au cours des semaines qui ont précédé la conférence. C’est pourquoi la société civile a accueilli avec entrain les deux nouvelles institutions, l’Institut de recherche sur les changements climatiques et le Forum annuel sur les changements climatiques. Ces institutions s’assureront que la région poursuive son engagement dans le débat sur les changements climatiques et le maintienne comme l’une des priorités de son agenda politique. Juste avant le début des négociations de Doha, des rapports crédibles ont été publiés par un groupe de scientifiques, d’économistes et de spécialistes des changements climatiques tous respectés dans leur domaine et tous arrivant plus ou moins à la même conclusion – nous sommes actuellement engagés sur une chemin insoutenable, qui suggère que le monde devra faire face à des effets catastrophiques dus aux changements climatiques et éventuellement à la disparition de la civilisation humaine. Deux semaines de négociations à Doha n’ont pas modifié ce chemin. Mais un changement faisant passer de la politique pure à un travail mené pour le bénéfice des gens pourrait changer notre futur.
Wael Hmaidan, directeur du «Climate Action Network International» (Réseau international d’action pour le climat)
 

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