Un Premier Mai à gauche, au centre ou à droite ?

Marx, Engels et Lénine ont été confrontés au dilemme qui nous envahit insidieusement, puissamment, obstinément, invariablement, chaque fois que nous songeons aux partis politiques et à leur orientation idéologique. Ou bien chacun se dit que ce système d’économie politique impérialiste est bien mal en point, mal assorti avec nos envies et notre esprit chagrin et altruiste. Que ce mode de production, comme disait Marx, souffre de maladies gravissimes, mais que chacun peut librement œuvrer à y remédier – à imaginer des solutions pour améliorer la santé de ce patient encombrant. Par ailleurs, on le sait depuis Octobre 1917, dans l’autre système d’économie politique, la dictature du prolétariat ne permettra pas cela assurément. «Alors comment choisir entre la liberté de réformer et de tenter de sauver le système d’exploitation et la liberté de révolutionner ?» me demandaient récemment un membre du Parti socialiste et un militant de Québec Solidaire.
«De toute façon, me disait un militant âgé – révisionniste PCF ou trotskyste NPA – le capitalisme marque la fin de l'histoire et aucun autre système de production, aucun autre mode social d’échange et de propriété n'existeront jamais après celui-là, donc, ne le dis pas à mes compagnons, mais, aime ou n’aime pas, l’impérialisme est là pour rester pour l’éternité.» «Ils sont si puissants ces possédants, autant mettre l'épaule à la roue et aider mon prochain à améliorer son destin, à le réformer (…) à le changer ajouta un maoïste. » Changer DE capitalisme, ou changer LE capitalisme de l’intérieur ? Lapsus ou fourvoiement idéologique, me suis-je demandé, interloqué ? Pour ma part, je songe plutôt à exterminer – éradiquer – effacer totalement le capitalisme, et à changer de système de propriété et de mode de production, et à changer radicalement de rapports de production. Je rêve d’une nouvelle société ! Sans le dire, et secrètement, c'est la position de tous les partis d’oppositions à la solde, de la droite extrême à l'extrême-gauche en passant par le centre extrême que nous résumons ci-devant. Tout ce qui varie entre les partis de droite et les partis du centre et les partis de gauche, ce sont les formules, les onomatopées, les trucs, les astuces, les machins, les mesures et les programmes électoraux pour appâter l’électorat et parvenir à «réformer, réparer, corriger, changer et guérir le malade capitaliste». À gauche, on vous dira que c’est faux, que leurs remèdes sont drastiques et les solutions radicales au point d’emporter le malade. J’ai même rencontré un gauchiste-utopiste heureux (un vieux réchapper de Mai-68, totalement gâteux, ex-membre d’Attac France et des Verts tendres), qui suggérait de nationaliser certaines entreprises contre compensation monétaire, d’imposer la Taxe Tobin malgré qu’elle s’applique déjà, d’adopter des lois très sévères pour obliger les riches à étaler leur fortune et à payer leurs impôts – des règlements pour mettre les banques au pas d’oies. L’énergumène brandissait son programme avant-gardiste pour augmenter le SMIC et le salaire minimum ; et pour assister les pauvres et pour donner des soins aux déshérités. Ce sont des propositions programmatiques que l’on retrouve dans la plate-forme électoraliste du FN, du PCF, de l’UMP, du Parti québécois, de la CAQ, des Libéraux, du NPD, des Conservateurs et même des Petits Frères des Pauvres. Il n’y a que les clauses, les gloses et les montants qui varient. Ils font preuve d'une grande compassion, ces droitistes, ces centristes et ces gauchistes. Ils veulent le bien de la population, comme les capitalistes d’ailleurs, sauf que les capitalistes, ils le prennent le bien des ouvriers et des salariés, alors que ces différentes gauches plurielles et ces droites vénielles, elles pleurent avec les malandrins chaque fois que les capitalistes les oppriment ou les exproprient. Tous ces partis-là n'en finissent pas de s'indigner et de crier à la forfaiture… et ils croient qu'ainsi, à exposer les crimes des riches, des puissants, des milliardaires inégalitaires et des gredins monopolistes, ils finiront par avoir raison, et ils finiront par soulever l'indignation de madame Tartampion de la rue Plamondon qui de son balcon, avec ses chaudrons, munis de son puissant crayon, cochera la case «Insurrection», seule, isolée, dans l'isoloir des urnes mystificatrices. Alors ils vaincront, les gauches, les centres et les droites, tous ces politiciens éminents, adoubés par l'épée de Damoclès suspendue au-dessus des urnes démocratiques, armés du verdict électoral unique, les centres et les gauches de toutes enseignes, réunies en un vaste front populaire. Communs et solidaires, ils rallieront leur puissant parlement pour imposer leurs lois égalitaires, généreuses, populaires, où tout un chacun, en autogestion citoyenne, aura sa place équitable : le pauvre, le déshérité, le paumé, la ménagère et la mégère, le malappris et le sans-abri vivant dans la misère mortifère. Tout autant que le petit-bourgeois député, monsieur l’Arriviste, mais aussi l'esclave salarié extorqué de sa plus-value, tout comme le propriétaire de l'usine militaire fabriquant de bombes incendiaires, et le journaliste et le milliardaire des communications, en communion avec madame Tartampion de la rue Plamondon. Et bien non ! De trois choses, une seule surviendra.
1) Tous ceux-là ne s'empareront jamais du pouvoir parlementaire, démunis qu'ils sont face aux super riches et aux ultrapuissants, capables d'acheter ou de truquer chaque élection et la suivante. Ayant à eux tous les moyens de propagande et de désinformation et même des affidés de gauche et de droite ayant pour mission d’embrouiller les cartes…et c’est déjà commencé vous savez.
2) Ou bien, ils s'empareront effectivement démocratiquement du pouvoir politique et ils seront tout de suite, ou peu d’années après, balayés par l’armée comme Allende et ses «troupes constitutionnelles», mais seulement après que toutes leurs «solutions» bidon pour sauver ce système moribond auront échoué, histoire d’extirper de la tête des ouvriers toute envie de recommencer.
3) Ou alors, toutes ces gauches et ces centres réunis s’empareront d'un commun accord de tout le pouvoir politique, et même si la chose était possible, de tous le pouvoir idéologique et juridique, et même si l'on en croit certaines tendances de gauche extrême, je l'ai lu dans un journal opportuniste – ce groupe propose de nationaliser 150 des plus grandes entreprises monopolistes du pays (pourquoi 150 et pourquoi pas 200 (?) le journal ne le disait pas), mais tout de même, c’est audacieux, qui dit mieux ?
Eh bien, tout ce pouvoir n'est rien si ces gauches et ces centres et ces droites ne renversent pas totalement – radicalement – complètement – l'ancien pouvoir économique impérialiste. Et si des segments, des artefacts, des morceaux de propriété privée des moyens de production, de commercialisation et de distribution des marchandises demeurent. S'ils demeurent des produits qui reste des «marchandises», c'est-à-dire des biens privés à monnayer, pour capitaliser et faire fructifier et réinvestir. Si l’un d’entre eux conserve ne serait-ce qu’un seul esclave salarié-ouvrier à exploiter et à exproprier de sa plus-value, pour extorquer le profit, alors invariablement, inéluctablement, l'ensemble du système capitaliste de propriété privée monopoliste, telle une pieuvre, renaitra de son agonie, et telle une araignée Veuve noire esseulée, retissera sa toile dans laquelle, à la fin, l'ensemble de l'économie – et donc du pouvoir politique et idéologique, des moyens de communications et de désinformation seront retournés à leurs anciens propriétaires privés. Tout sera alors à recommencer. Un système de production ancien (esclavagisme, féodalisme, capitalisme) ne cède jamais sa place devant l'histoire sans coup férir. Il est dans la nature immuable des anciennes classes sociales en débandade de résister et de s'accrocher – de combattre pour ne pas s'effacer et de lutter pour conserver leurs prérogatives, leur pouvoir, leurs richesses, leurs moyens de production et de commercialisation, de distribution, et leur ancien système d'appropriation privé. Pourtant, toutes les gauches, tous les centres et toutes les droites politiques s'entendent sur cet objectif commun – ne pas renverser et ne pas balayer l'impérialisme décadent. Le Réparer, le Réformer, le Changer, le Rafistoler parfois de façon radicale, mais à la fin conserver le patient transformé… du moins le croient-ils. Face à tous ceux-ci, il n'est qu'une seule et unique opposition véritable – l'appellerez-vous extrême-gauche, nous ne croyons pas que ce soit approprié – car cette opposition unique n'entre pas dans ce jeu-là et ne dispute à personne le droit de présenter des candidats et de faire élire des députés ou de proposer des solutions radicales ou médiocres pour réformer ou changer l'impérialisme. La véritable opposition – unique et unie – ne souhaite qu'une chose, balayer totalement l’ensemble du système impérialiste, complètement, radicalement ; et qu'il ne reste plus une seule entreprise privée, plus un seul ouvrier salarié exploité, spolié, exproprié de sa plus-value, plus un seul capitaliste propriétaire de quoi que ce soit, sauf de sa chemise et de ses souliers s'il les a mérités par son labeur. Dans l’ordre nouveau sous la dictature du prolétariat tout moyen collectif de production, d’échange et de distribution devient propriété sociale collective sans souffrir une seule exception de façon à ne laisser aucune prise à la bête immonde de se reproduire et de se multiplier comme ils l’ont malheureusement fait en Chine, et en URSS — après 1953 – et ailleurs, et l'on sait ce qu'il advint de ces expériences décevantes à la fin. Pour l’instant, après la trahison révisionniste des années cinquante, et après celle des néo-révisionnistes des années quatre-vingt, nous sommes peu nombreux sur cette voie, mais nous avons le sentiment que l’unique et véritable opposition marxiste-léniniste triomphera de tous les sacrifices, car ce mode de production, ce système d’économique politique, est à bout de souffle et il ne peut qu’entraver la marche de l’Histoire et de la société – et la communauté humaine prolétarienne ne se laissera pas éternellement brider par ces vas nu-pied. Un seul parti, le Parti de la révolution socialiste amènera la solution et lui seul se démarquera de toutes les gauches, de tous les centres, et de toutes les droites. Mais pas avant, nous en convenons sans façon, que toutes les réformes, que tous les pis-aller, que tous les cataplasmes, que toutes les solutions bidon n’aient été testées, essayées, liquidées, et alors seulement, toutes illusions dissipées, les ouvriers et leurs alliés, peut-être même tristement, uniquement après le sacrifice suprême, une troisième guerre mondiale ; ils en arriveront à cette ultime conclusion : la Révolution !
Robert Bibeau
 

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