Un ministre en papier
Par M. Aït Amara – On en aura vu de toutes les couleurs depuis 1999. Après la distribution des portefeuilles ministériels en fonction de l’appartenance politique sans accorder la moindre importance à la compétence et la multiplication des formules alchimiques consistant à faire disparaître des ministères, à en créer de nouveaux, à fusionner, saucissonner, nous voici devant une nouvelle posture inédite : celle d’un ministre démissionnaire mais toujours en poste. Le cas de Mohamed Saïd est pour le moins atypique. Parvenu au ministère de la Communication on ne sait trop ni comment ni pourquoi, cet ancien fidèle lieutenant de Taleb Ibrahimi, farouchement opposé à Bouteflika, n’a pas pu, comme sa collègue de la Culture bien avant lui, résister à la tentation du pouvoir. Après que le chef du parti Wafa eut échoué à atteindre le palais d’El-Mouradia en s’agrippant à la barbe du FIS, Mohamed Saïd fera partie de ces chefs de partis récemment éclos, que le «printemps arabe» fera accéder aux plus hautes fonctions par la bénédiction d’une nouvelle répartition des rôles. Il devait servir de rampe d’escalier à un président de la République – qui voyait les chefs d’Etat de pays arabes trébucher l’un après l’autre – pour éviter qu’il chutât dans sa descente. Au grand dam de Mohamed Saïd ultérieurement ministre, la fonction s’avèrera moins pourvoyeuse de puissance qu’elle n’y paraissait. Le remplaçant de l’éphémère Nacer Mehel commence par faire le ménage. Aux anciens bureaucrates, il substitue des militants de son parti qu’il tente de placer à la tête des directions du ministère et des médias publics. En vain. Non seulement ses choix sont incongrus, voire absurdes, mais Mohamed Saïd a eu l’outrecuidance de vouloir imposer des noms qui traînent des casseroles, à l’instar de Slimane Bekhlili qui subira le contrecoup d’une enquête d’habilitation défavorable des services de sécurité. Après ce premier déboire, le nouveau ministre de la Communication, à qui l’éloquence fait défaut, décide de claquer la porte mais celle-ci lui sera claquée au nez par le système qui considère toute démission comme un acte d’insoumission et de désobéissance graves. Mohamed Saïd retournera alors à son bureau, dépité. Mais ses prérogatives, bien que limitées, lui permettront néanmoins d’intimer l’ordre à l’Algérienne du papier, Alpap, la société publique en charge de l’importation du papier pour les imprimeries de l’Etat, d’intégrer à celles-ci les commandes de l’imprimerie d’un quotidien privé(*), à la faveur, susurre-t-on dans le milieu de la presse, d’une relation familiale par alliance avec le directeur du journal en question. Le Président n’aurait-il pas mieux fait de le laisser partir ?
M. A.-A.
(*) Que nos lecteurs nous excusent de ne pas citer le nom de la publication encore une fois, le problème ne résidant pas dans le journal en question, mais dans la décision du ministre en elle-même.
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