Ahmed Benbitour : «L’Etat algérien est bien installé dans la dérive vers la déliquescence»
Les dernières décisions prises par le président de la République n’ont pas laissé indifférent un de ses anciens chefs de gouvernement, en l’occurrence Ahmed Benbitour, qui a décidé de joindre sa voix à celles de tous ceux qui ont dénoncé «la dérive suicidaire d’un pouvoir aux abois». A travers une déclaration qu’il a rendue publique aujourd'hui mardi, le candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2014 n’hésite d’ailleurs pas à planter le décor. «Aujourd’hui, l’Etat algérien répond à tous les critères scientifiques de défaillance. Il est bien installé dans la dérive vers la déliquescence», estime celui qui, malgré tout, n’avait pas hésité à remettre rapidement sa démission en 2000 de la chefferie de gouvernement, lui qui a été le premier à occuper un tel poste durant le règne de Bouteflika, pour divergence de vue avec le chef de l’Etat. Quelles sont les raisons de cette sortie médiatique ? «Les dangers qui guettent la nation exigent de nous tous de briser le silence», explique Ahmed Benbitour qui affirme avoir réagi «après avoir pris connaissance des dernières décisions prises par le pouvoir en place». «Nous avons, dès le début de la décennie écoulée, prévu que l’Etat algérien dérivera vers la défaillance entre 2001 et 2010», rappelle-t-il, estimant qu’il (le pays) «dérivera vers la déliquescence entre 2011 et 2020». «Le pays persistera, alors, dans la situation de non-gouvernance avec la forte probabilité de vivre en même temps la violence sociale et la violence terroriste. C’est alors la trappe de misère permanente et la porte ouverte à la dislocation de l’unité nationale et le danger sur l’unité du territoire», met en garde l’ancien chef de gouvernement. Ces dangers qui pointent à l’horizon amènent M. Benbitour à lancer un appel à «un changement pacifique de tout le système de gouvernance et non se contenter du changement des personnes». «Il y va, dit-il, sérieusement de l’avenir de la nation.» Et les changements opérés récemment dans les structures de l’institution militaire ? «Notre armée doit jouer un rôle de partenaire avec la société pour avancer ensemble vers la modernité et la sécurité institutionnelle», estime M. Benbitour pour qui la mission de l’armée, «dans cette phase cruciale n’est pas de reproduire le passé et consacrer le statu quo, mais plutôt de démilitariser les esprits et contribuer avec d’autres acteurs politiques, économiques, intellectuels ainsi que les médias, à un engagement irréversible du pays dans la voie démocratique». Selon lui, «la sortie de crise est possible». «Notre pays, relève-t-il, recèle toutes les ressources humaines et naturelles lui permettant de devenir, dans une décennie, un Etat normal à économie florissante et un acteur géopolitique régional sans contestation». «Toutes les Algériennes et tous les Algériens légitimement inquiets pour l’avenir de notre pays doivent se mobiliser pour qu’en quelques mois le souhaitable (changement du système de gouvernance) devienne possible», conclut l’ancien chef de gouvernement.
Amine Sadek
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