Atteintes à la liberté d’expression au Maroc : RSF écrit à John Kerry
En prévision de la visite officielle que devait effectuer le secrétaire d’Etat américain John Kerry à Rabat, les 11 et 12 novembre, et qui a été finalement reportée à une date ultérieure, Reporters sans frontières (RSF) lui a fait part de ses préoccupations quant à la situation de la liberté d’expression au Maroc. RSF demande à Kerry de soulever, en particulier, avec son homologue marocain, Salah-Eddine Mezouar, le cas du journaliste Ali Anouzla toujours poursuivi dans le cadre de la loi antiterroriste. Dans la lettre adressée à John Kerry, RSF rappelle les circonstances des poursuites engagées contre ce journaliste inculpé, entre autres, d’«assistance matérielle» et «apologie de crimes terroristes», et qui encourt 10 à 30 ans de réclusion criminelle. Mais «au-delà du cas d’Ali Anouzla, poursuit RSF, la situation de la liberté de l’information au Maroc, 136e sur 179 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse de 2013, suscite un certain nombre d’inquiétudes et nécessite que les autorités prennent des mesures concrètes pour améliorer le respect du droit d’informer et d’être informé». RSF fait remarquer que le principe de la liberté d’information au Maroc n’est pas pleinement garanti. L’organisation insiste, dans sa lettre à John Kerry, sur l’urgence de dépénaliser les délits de presse, aussi bien dans le code marocain de la presse (article 41) que dans le code pénal (articles 179, 54, 65 et 66). De plus, estime RSF, les notions d’«insultes» et «graves insultes» laissent trop de place à l’arbitraire dans la façon de définir les délits de la part des magistrats, sachant qu’ils dépendent totalement des services du Makhzen. Aucune disposition du code pénal ne doit être appliquée quand il s’agit d’un délit de presse, exige Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, qui a signé la lettre au nom de cette organisation. Pour RSF, il ne doit pas y avoir de lignes rouges dans l’exercice du métier d’informer au Maroc, ni dans les textes ni dans la pratique, citant la monarchie, l’islam et l’intégrité territoriale, ainsi que les interdictions de publication pour «délit de blasphème». L’attribution et le retrait des cartes de presse et des accréditations pour les journalistes marocains et étrangers travaillant pour des médias nationaux ou étrangers ne doivent pas être laissés à l’arbitraire d’une décision politique et doivent être surveillés par un mécanisme indépendant et transparent, demande RSF qui insiste auprès de John Kerry pour qu’il soulève toutes ces questions lorsqu’il rencontrera son homologue marocain.
Kamel Moulfi
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