Humiliante République

«Le pouvoir d’un seul, même consacré pour un temps par le consentement général, insulte le peuple des citoyens, que l’abus ne réside pas dans l’usage qu’il fait de son pouvoir, mais dans la nature même de ce pouvoir.»

«Le pouvoir d’un seul, même consacré pour un temps par le consentement général, insulte le peuple des citoyens, que l’abus ne réside pas dans l’usage qu’il fait de son pouvoir, mais dans la nature même de ce pouvoir.»
Avec la cérémonie tragicomique du 28.04.2014, tous ceux qui avaient encore un doute sur les capacités du Président à aller au-delà du 17 avril 2014 ont eu la certitude que l'homme est totalement fini. Cette sortie publique du Président, si elle suscité compassion pour les uns et humiliation pour la majorité, n'a fait que conforter tous ceux et celles qui se sont opposés au 4e mandat, particulièrement les candidats qui ont refusé de participer à la parodie (Soufiane Djilali et Benbitour), les partis politiques et la société civile qui se sont tous ligués contre le «coup d'Etat» de toutes les incertitudes. Les images humiliantes diffusées en ce jour sombre du 28 avril de l’an 2014, montrant un président traînant des séquelles de l’accident vasculaire cérébral (AVC) s'efforcer à l’un des exercices les plus pénibles de sa vie : faire semblant d'être en mesure de lire un texte de quelques lignes pour montrer qu’il était valide d'assurer la présidence de toute une République, contraint qu'il était pour valider son maigre score. Sur 23 millions d’électeurs et selon les résultats annoncés après le passage de la main céleste de l’administration, 11 millions sont reconnus avoir ont répondu à l’appel au boycott. 8,5 millions sont comptabilisés au profit du raïs. Maigre score pour un homme qui, au tout début de son règne en 1999, avait déclaré que si tel était le choix du peuple, il ne saurait accepter, qu’il laisserait alors le peuple à sa médiocrité. Avec un tel score, le président de la République se sent-il vraiment à l’aise ? Et le président du Conseil constitutionnel, sa conscience est-elle si tranquille ? La cérémonie voulue au départ grandiose a vite été écourtée sur injonctions du frérot, constatant les difficultés qu’endurait le Président qui n’arrivait plus à parcourir les premières lignes de la première page d’un texte qui en contenait douze. Quelques petites minutes ont suffi pour dévoiler les vraies capacités physiques, mentales et vocales de l'homme providentiel. Ne dit-on pas que la légitimité d’un chef vient de la confiance généralisée que lui donne le peuple. Oh ! combien était visible le malaise qui se dégageait des visages des invités du Palais des nations, parmi les personnels des institutions civiles et militaires, tous suspendus aux lèvres hésitantes d’un Président totalement diminué. L'image fut terrible. Les masques tombèrent l'un après l'autre. Ni présence physique, ni prestance, ni solennité n’ont pu être assurées par celui qui avait déclaré au tout début de son règne absolu «l’Algérie, c’est moi». Que fallait-il de plus pour une courageuse invalidation au lieu d’une humiliante authentification ? Rythme saccadé, ton monocorde, voix éteinte sont les ingrédients pour une invalidation publique de la mandature. Le petit peuple que nous sommes avions honte de nous, de notre pouvoir, honte de n'avoir pas respecté le sang des martyrs, d'avoir parjuré sur le Saint Coran, tant la présence de nombreux diplomates étrangers présents à la cérémonie, venus surtout s’informer de visu sur l’état de santé de Bouteflika, ont pu constater l’état de dégradation de l’homme. Naturellement, ces diplomates ne s’empêcheront assurément pas d’en faire part à leur gouvernement respectif de l'état physique de celui qu'ils auront à l'avenir comme interlocuteur. Cette humiliante cérémonie a eu le mérite de lever le minimum de doutes à tous ceux qui ont bien voulu accorder leur voix à un homme totalement vidé. Ils ont certainement regretté leurs actes (vote). Ils en sont comptables. Ce jour-là, ils ont eu à relever que l’homme était globalement et dans le détail diminué. Une voix presque éteinte, devenue à peine audible grâce aux amplificateurs de son – la TV espagnole avait relevé qu’il portait un micro à la base du cou –, une incapacité à faire usage de ses membres inférieurs et une lucidité absente. Pro et anti-Boutef ont relevé que l’homme n’a pu se mettre en position debout lorsque l’hymne national a été entonné par la garde présidentielle. Le seul dans la salle à être resté assis. Quoi de plus ? M. Medelci, devenu par la grâce de la magie céleste président de la plus haute juridiction du pays, lui qui n'a rien d'un juge et qui, quelques mois auparavant, considérait la candidature de son maître comme une «blague», a dû et doit maudire le jour où il accepta cette mauvaise blague (président du Conseil constitutionnel), le colonel Bencherif, un ami et compagnon du Président ne s'est pas privé de le descendre en flammes: «Honte à vous, Monsieur Medelci !» Il assurera que le Président est totalement handicapé, qu’il est incapable de marcher, de parler et qu’il est complètement inconscient. Qu’un AVC ne pardonne pas, ses séquelles sont irréversibles. L’ancien premier gendarme du pays assurera que le pouvoir est squatté par la mafia politico-financière, qui porte atteinte à la sûreté de l’Etat.
Aux hommes qui composent cette auguste institution, rappelons-leur que quelle que soit la durée du règne d'un homme, aussi juste soit-il comme le fut celui du compagnon du Prophète (QSSSL), Omar, tout a une fin. Mais attention à la trappe d'Ubu. Car à l'inverse du Calife, connu pour sa justesse et sa justice, celui qui s’est approprié le pays du million de chahids («l’Algérie, c’est moi») se comporte en dictateur en puissance, même s'il prétend construire l'Etat. Or, l’histoire contemporaine nous enseigne qu’un dictateur fait tout pour s'accrocher au trône, tout en sachant que s’il abandonne ou néglige les moyens de son pouvoir, il tombe dans la trappe d’Ubu. Pour son maintien, tous les moyens sont bons. Il usera de sa police, de sa justice, de ses officines de propagande, de ses armes de séduction et surtout celles de répression. Mais attention ! Le jour où le peuple sortira de sa torpeur, il hurlera contre la tyrannie et brûlera les palais officiels. Ce jour-là, tout dictateur (Ben Ali, Moubarak, Kadhafi…) pensera qu’il n’avait pas opprimé les citoyens et le cri qui montera vers lui sera celui de la vengeance. Il s’en étonnera. Il en souffrira comme d’une injustice. Il appellera cela l’ingratitude. Mais il ne comprendra pas ce qu’il n’est pas apte à comprendre, que le pouvoir d’un seul, même consacré pour un temps par le consentement général, insulte le peuple des citoyens, que l’abus ne réside pas dans l’usage qu’il fait de son pouvoir, mais dans la nature même de ce pouvoir. Au vu de ce qui précède, disons-le haut et fort : le Conseil constitutionnel, la plus haute institution judiciaire de la République, a bien failli à la mission qui est sienne, celle d'être le garant de la stabilité du pays, de l'équité et de l'égalité entre tous les citoyens devant la loi. En agréant la candidature d'un homme invalide d'abord, en authentifiant des résultats frelatés par la fraude (au pluriel) en fin de parcours, les membres de cet auguste organe issu, faut-il le rappeler, en totalité des partis du pouvoir (FLN-RND) et de l'administration devront bien méditer sur leurs actes. L'Histoire est intransigeante, voire implacable vis-à-vis de tous ceux qui placent leur ego au-dessus de celui de la nation. Ils en sont comptables ici-bas devant le peuple qui se sera réveillé de sa torpeur et dans l'au-delà devant Dieu et les chouhada. Ce jour-là, ni la force du zaïm déchu ni aucune autre force ne pouvant leur être utiles. Seul le sursaut patriotique les extirpera de la vengeance populaire.
Smail Saidani, Jil Jadid
 

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