La queue devant le juge
Par M. Aït Amara – Hormis la langue de Molière et les chefs-d’œuvre architecturaux abandonnés aux aléas du temps depuis 1962, qu’avons-nous hérité de la France ? Une personnalité algérienne, titillée, il y a une dizaine d’années, par un journaliste français sur la corruption en Algérie, avait eu cette réponse pertinente : «Et si vous alliez plutôt voir du côté des tribunaux parisiens où les responsables politiques de votre pays font la queue devant le juge ?» Depuis, les scandales se multiplient en France comme en Algérie et, souvent – s’agissant des dossiers algériens –, la France est «impliquée», à l’exemple de l’affaire Khalifa. La corruption est une maladie tant incurable qu’héréditaire. Comme l’est, du reste, la bureaucratie hypertrophiée que nous a léguée l’administration coloniale et que les gouvernements algériens successifs ont appliquée à la lettre comme un malade s’en remet les yeux fermés aux prescriptions de son médecin, et ce, depuis le premier jour de l’indépendance jusqu’à aujourd’hui. L’imposante carte d’identité nationale en papier pliable en deux, c’est la France ; le permis de conduire en papier grenat pliable en trois, c’est la France ; la carte grise jaune en papier pliable en deux et de la même taille que la carte d’identité, c’est la France ; l’extrait de naissance, la fiche familiale, la fiche individuelle, le certificat de résidence, l’attestation sur l’honneur, le permis de ceci, l’autorisation de cela… toute cette paperasse qui rend la vie des Algériens intenable, c’est encore la France. La bureaucratie et la corruption ne faisant qu’un, la multiplication de ces «mille feuilles» réclamées par l’administration aux plus humbles comme aux gros investisseurs «immoralise» les improbes et démoralise les consciencieux. Dans la France de 2014, la prophétie de la personnalité algérienne est devenue réelle. Ce n’est plus un ou deux responsables politiques qui se font taper sur les doigts par des juges impitoyables, mais plusieurs : Copé et Sarkozy à droite, Cahuzac à gauche, sans parler de la gestion tourmentée des Présidents dont le règne est ponctué par l’instabilité politique et l’insatiabilité sentimentale. Et au lieu de chercher de nouveaux modèles à suivre, l’Algérie de Bouteflika continue de prendre la France comme une bouée pendant qu’elle-même coule.
M. A.-A.
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