Affaire du crash du DC-9 italien en 1980 : l’étrange prémonition du Monde diplomatique

Dans son édition du mois de juillet, le mensuel français Le Monde diplomatique est revenu, avec une enquête approfondie, sur le crash de l’avion italien à Ustica, qui aurait été abattu en juin 1980 par des tirs de l’armée française. Le journal ne fait aucune allusion au crash de l’avion affrété par Air Algérie, puisque cette édition est parue bien avant cet événement. Mais, à sa lecture, on est attiré par une analyse édifiante qui rappelle un précédent où la France, sans jamais assumer sa responsabilité, est directement impliquée dans le crash d’un avion de ligne. Publié à la Une, sous le titre prémonitoire : «Tragédies aériennes ou bavures militaires ? Les mystères du crash d’Ustica», l’article prend le crash d’un DC-9 appartenant à la compagnie Itavia comme un exemple de ces accidents d’origine criminelle, déguisés en accidents techniques. Parti de Bologne, dans des conditions normales, l’avion italien n’arrivera jamais à destination. A bord, les quatre membres de l’équipage et soixante-dix-sept passagers, dont treize enfants. Au bout de 13 minutes de vol, le signal radar disparaît au-dessus de la petite île d’Ustica, située à soixante kilomètres de la Sicile. Le DC-9 se brise en trois morceaux et s’enfonce dans la mer. Le gouvernement italien diligente aussitôt une enquête. Trois pays sont associés : les Etats-Unis, la France et la Libye. Sur le coup, aucune piste n’a été particulièrement privilégiée. Depuis, l’affaire est classée «secret d’Etat». La presse y décela vite «une partie de poker menteur». En 2013, c’est-à-dire trente ans plus tard, deux jugements de la Cour de cassation ont attribué l’explosion à un missile air-air, sans identifier la nationalité de l’avion de chasse qui l’aurait lancé. Mais selon les magistrats, le tir était «probablement» destiné au guide libyen Mouammar Kadhafi, et ses «empreintes montrent désormais un seul suspect : la France». Cette incrimination, bizarrement non portée dans un jugement, est venue confirmer une déclaration de l’ancien président de la République italienne, Francesco Cossiga, dans laquelle il a révélé que les Français «savaient que l’avion de Kadhafi devait passer (sur cet itinéraire). Il a échappé à l’attentat, car le chef du Sismi, le général Giuseppe Santovito, l’a informé [des intentions des Français], peu après son décollage. Il a décidé de rebrousser chemin. Les Français ont aperçu un avion qui s’était placé derrière le DC-9 dans l’espoir d’échapper aux radars. Ce sont eux qui, avec un avion de la marine, ont tiré un missile». Le journal rapporte que des dizaines de commissions rogatoires adressées par l’Italie aux autres pays impliqués «n’avaient connu aucune suite, jusqu’à ces dernières semaines, alimentant de nouveaux doutes». L’affaire n’a pas fini de livrer tous ses secrets. Une seule vérité est établie : l’implication directe de l’armée française dans le crash d’un avion de ligne. Quel lien avec la tragédie du vol AH 5017 d’Air Algérie ? Si aucun n’indice n’accable directement les forces armées en présence au nord du Mali, aucune piste ne doit être exclue. Mais comme l’enquête est conduite par les Français – à la demande de leurs protégés maliens, nous dit-on –, rien ne prouve que les enquêteurs, avec ou sans la complicité des pays associés aux investigations, n’occulteront pas des éléments clés liés à l’affaire et qu’ils ne joueront pas une nouvelle partie de poker menteur.
R. Mahmoudi
 

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