Affaire Sonatrach : la justice a-t-elle abandonné les poursuites contre l’ancien ministre Chakib Khelil ?

Tout porte à croire que l’Algérie a abandonné toute poursuite judiciaire contre l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, en fuite aux Etats-Unis. Depuis le retrait en août 2013 du mandat d’arrêt international lancé contre lui, son épouse et deux de ses enfants, pour «vice de procédure» dit-on, le dossier n’a connu aucune évolution. Les autorités judiciaires n’ont toujours pas émis de nouveau mandat d’arrêt international. Et rien ne dit qu’elles le feraient prochainement. Lors de sa dernière conférence de presse, le ministre de la Justice, Tayeb Louh, s’est drapé dans le silence. Il a parlé de tout – de la réforme du parquet, de la présomption d’innocence, du pouvoir judiciaire – sauf des grandes affaires de corruption en cours (Sonatrach, Khalifa, autoroute Est-ouest…). Le silence du ministre de la Justice et garde des Sceaux trahit bien cette volonté affichée par certains cercles du pouvoir d’enterrer ces affaires, du moins de les «expurger» de l’essentiel. Très proche du président Bouteflika qu’il connaît depuis sa tendre enfance à Oudjda (au Maroc), où sont nés les deux hommes, Chakib Khelil semble ainsi bénéficier d’une protection hors pair, lui qui a plaidé son innocence à partir de son exil doré à Washington. Pour lui éviter un procès, ses protecteurs semblent être prêts à tout. Le cas de l’ex-ministre de la Justice Mohamed Charfi, qui a été éjecté du gouvernement pour avoir refusé d’«extirper» Khelil de l’affaire Sonatrach, est plus qu’édifiant. Dans une tribune publiée dans la presse au début de l’année en cours, Mohamed Charfi avait affirmé avoir été approché par l’actuel secrétaire général du FLN, Amar Saïdani, pour lui demander d’«effacer» le nom de Chakib Khelil de l’affaire Sonatrach en contrepartie de son maintien au gouvernement. La suite est bien connue. Charfi a été remplacé par Tayeb Louh. Aujourd’hui que l’affaire est au point mort, il est plus que légitime de se demander si l’Etat algérien renonce à poursuivre l’homme accusé de corruption et de mauvaise gestion qui aurait occasionné quelque soixante de milliards de dollars de pertes au pays. Pourquoi la justice n’a-t-elle pas lancé un nouveau mandat d’arrêt international contre lui ? Pourquoi ne demande-t-elle pas son extradition, comme elle l’a fait pour Abdelmoumen Khalifa ? Il est à rappeler que le nom de Chakib Khelil a été cité dans l’affaire de pots-de-vin versés par Saipem entre 2007 et 2009 pour l’obtention de sept contrats auprès de Sonatrach d’une valeur globale de huit milliards d’euros. Les montants des pots-de-vin versés sont estimés, selon la procédure italienne, à 197 millions de dollars. C’est l’enquête menée par le tribunal de Milan (Italie) qui a révélé ses liens avec Farid Bedjaoui, neveu de l’ancien ministre Mohamed Bedjaoui, et Pietro Varone, présenté comme une pièce maîtresse du système de corruption mis en place par Saïpem. Si l’affaire suit son cours en Italie, en Algérie, elle semble plutôt à l’arrêt. Ce qui n’est pas étonnant quand le premier responsable du FLN considère qu’il n’y a pas d’affaires de corruption à Sonatrach ni ailleurs, et que tout ce qui a été écrit dans la presse n’était qu’une «invention». Pourtant, sans ce scandale de corruption à Sonatrach qui a précipité son départ du gouvernement le 28 mai 2010, Chakib Khelil serait probablement aujourd’hui Premier ministre.
Rafik Meddour
 

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