L’Algérie face à l’amnésie de ses responsables : les héros oubliés

L’histoire de l’Algérie demeure «cadenassée» par des gens qui n’admettent que ce qui leur semble marcher avec leur fausse histoire. Depuis 1986, date du début de nos recherches et investigations dans un des créneaux de l’histoire authentique de la résistance et révolution algérienne, et avec tous les résultats réalisés à ce jour, nous avons buté sur des contraintes de taille, une muraille gigantesque qui dépasse largement celle de la Chine. Nous avons appris aussi certaines vérités, et nous portons à la connaissance de tous les Algériens cette toute petite histoire d’un groupe de valeureux combattants qui se sont sacrifiés pour que vive l’Algérie libre et indépendante. Pour donner un aperçu, nous commençons par citer les deux combattants pour la liberté de l’Algérie, il s’agit de Fendi Abdallah Ould Sidi Slimane Bousmaha et Amar le Kabyle. Le premier était le chef suprême de l’armée algérienne au temps de l’Emir Abdelkader, le second son adjoint. Fendi Abdallah, né à Saint-Louis aujourd’hui Boufatis, à une trentaine de kilomètres à l’est d’Oran, frère de lait de l’Emir Abdelkader, organisa la défense armée de l’Algérie et devint chef de l’état-major de l’armée après la fuite des beys turcs et leur soumission à la France colonialiste. Les deux hommes ont combattu côte à côte contre l’invasion française à partir du 3 juillet 1830. Pour pouvoir entraîner son armée, Fendi Abdallah créa plusieurs institutions à travers le territoire algérien, et pour une grande caserne, Fendi Abdallah n’hésita pas à acquérir par son propre argent un grand morceau de terrain dans la commune de Boufatis, appelé de nos jours terre de Moulay Smain. Selon l’acte de propriété enregistré au tribunal d’Oran, dont nous avons pu obtenir en 1990 une copie, l’achat de ce terrain a été évalué à 20 kilos et demi d’or, remis par Fendi Abdallah de son propre chef. C’est audit terrain qu’a eu lieu la fameuse bataille d’El-Macta pendant deux jours, durant laquelle l’armée d’occupation a enregistré de lourdes pertes : plus de 800 soldats tués et autant de blessés. Fendi Abdallah tenant le côté ouest et Amar le Kabyle le côté est. Les généraux français ont déclaré leur défaite à Paris. Au niveau de l’état civil de Benfréha, en 1986, nous avons constaté sur un registre de l’état civil les empreintes de la famille Fendi (voir fac-similé du document reproduit tel qu’il a été rédigé par l’autorité d’occupation à cette époque dans la rubrique Documents). Sur l’extrait du registre-matrice sont inscrites les observations suivantes : «Fendi Abdallah chef d’une armée rebelle, fondateur et chef d’état-major de l’armée de l’Emir Abdelkader, né à Legrand, il défendit l’Algérie contre les Français sous les ordres de l’émir Abdelkader de 1812- 1847, il voulait exterminer les Français. Après l’arrestation de l’émir, il souleva une deuxième armée contre le général De Lamoricière 1847-1849, puis contribua à la défaite de l’armée française. Le général lui-même échappa à plusieurs attentats, il avait anéanti la planification militaire en Algérie et jeta le trouble à l’intérieur des officiers du général de Lamoricière. Fin 1849, il demanda de l’aide au roi marocain, mais celui-ci avait culbuté sa demande, blessé et arrêté avec son lieutenant Amar le Kabyle à El Macta, interné à Versailles (…) condamné à mort, après le 1er prairial, il fut exécuté sur ordre militaire à Toulon. Amar le Kabyle, se donna la mort en apprenant l’exécution de son chef. » Des héros parmi les héros algériens d’une époque que nous avons tous oubliée et dont les «historiens» ne parlaient jamais et que la nouvelle génération ignorait complètement. Comme si une force occulte tente d’occulter toute trace du patriotisme algérien. Après l’exécution de Fendi Abdellah et la mort prématurée de son adjoint Amar le Kabyle, le fils Fendi, Abdelkader, reprendra la lutte, beaucoup de Kabyles se sont joints à lui. Hélas !, sans aide extérieure – les Marocains avaient combiné avec les colonialistes français de maintenir un siège du côté de la frontière ouest –, Fendi Abdelkader fut arrêté, jugé et condamné à mort à l’âge de 31 ans. Sa sœur Aïcha, comme l’indiquait l’observation des autorités d’occupation, «épousa son cousin, belle et spirituelle, elle joua après l’exécution de son frère un rôle actif, elle lutta contre les infidèles de sa famille, mais sans succès, elle s’enfuit à Damas. Enfant de Fendi Abdallah. Depuis, et malgré nos recherches, nous n’avons pas encore reçu de ses nouvelles (traces) en Syrie».
Fendi Mohamed, l’artisan de la Wilaya, premier martyr de la Révolution guillotiné
Poussant nos recherches, on se retrouve en 1953, avec le petit-fils de Fendi Abdallah, Mohamed, fils du chahid Abdelkader. Mohamed, depuis 1953, préparait la révolution de novembre 1954. Il recruta des hommes pour cette révolution, parmi eux Ben Haddou Bouhadjar qui devint le colonel Othmane, chef de la Wilaya V, et M. Abbas qui devint commandant, chef de la 2e Région militaire après l’indépendance. Fendi Mohamed ne survivra pas, il a été arrêté par les autorités d’occupation. Déclaré coupable de haute trahison et complot envers la République française et outrage au drapeau, condamné à mort, il sera exécuté le 20 décembre 1955. La Cour martiale prévoit en temps de paix comme en temps de guerre la surveillance par la haute police de la famille Fendi, privée des droits mentionnés à l’art. 42 à perpétuité. Toutes nos recherches sur Amar le Kabyle sont demeurées infructueuses. Nous lançons un appel à tous ceux qui peuvent contribuer pour faire connaître la famille d’Amar le Kabyle, compagnon et combattant de l’Emir Abdelkader, afin d’enrichir cet article. Les deux héros martyrs ont été enterrés à Toulon (France). Ces familles se sont sacrifiées pour l’Algérie, leurs biens spoliés par le colonialisme français, les terres de Fendi demeurent à nos jours nationalisées, alors que l’unique membre de cette famille qui est demeuré en vie est Fendi Lakhdar, un ancien moudjahid, officier de l’ALN et de l’ANP qui a quitté la vie militaire en 1966 ; il n’a jamais cessé de revendiquer la restitution des biens spoliés par la France et nationalisés par l’Algérie indépendante jusqu’à sa mort en septembre 2013. Dans les documents, on découvre que les terres de Fendi à Beni Ounif et à Boufatis (Oran) spoliées par le colonialisme français ont été redistribuées aux colons et aux amis fidèles à la France, «des familles très dévouées à la cause française en Algérie». Durant les années quatre-vingt-dix, un expert a été désigné par la justice pour délimiter les biens de Fendi pour une éventuelle restitution, mais à ce jour aucune nouvelle, et toutes les procédures sont tombées à l’eau. C’est-à-dire les biens de cette famille de martyrs et de loyaux combattants demeurent nationalisés, en particulier dans la région de Beni Ounif, selon un second acte de propriété, dont une copie est en notre possession.
Cheikh Hamdane
 

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