Profitant de la démission totale du pouvoir en place : les islamistes seuls sur le terrain à Alger

Des islamistes ont tenté d’occuper la rue à Alger, vendredi après la prière, encouragés par ce qu’ils croient être un laxisme de la part du pouvoir à leur égard, qui a été sans réaction après les menaces de mort lancés par un des leurs contre un écrivain. Ils ont été très bien servis, il faut le dire, par la dernière édition de l’hebdomadaire français Charlie Hebdo, qui veut à tout prix prouver qu’il n’a pas été tué. Ils ont voulu, eux aussi, prouver qu’ils sont toujours là et, pour cela, ont saisi le prétexte de la marche pacifique de milliers d'Algérois qui sont sortis fustiger les caricatures attentatoires au prophète Mohammad (QSSSL). Les slogans des islamistes, ceux repris des anciennes litanies du temps du FIS d’il y a près de vingt-cinq ans, et d’autres nouveaux, en rapport direct avec l’attentat de mercredi 7 janvier contre Charlie Hebdo, indiquent qu’ils n’ont pas changé et qu’ils n’ont ni profité des leçons de la décennie 1990 ni compris les enjeux liés aux attentats de Paris. Ainsi, ils ont affiché leur soutien à l’organisation terroriste internationale Daech, scandé des slogans en hommage aux frères Kouachi et brandi le drapeau noir de ce mouvement terroriste tout au long de la marche, un drapeau qu’ils ont même pu, selon des témoins, accrocher sur le mur de l’Assemblée populaire nationale (APN). Faut-il en être surpris ? Personne n’attendait de la part des islamistes autre chose que cette marche désordonnée, associant des jeunes voyous qui ont en profité pour se livrer à la casse de vitres des établissements, comme l’hôtel Essafir, qui étaient sur leur chemin, pour protester contre la police qui a été déployée pour prévenir et contenir tout débordement. Ce scénario était prévisible. Ils ont gâché, à Alger, la manifestation pacifique des milliers de fidèles contre les caricatures de Charlie Hebdo. Heureusement, à Jijel, Blida, Batna, Annaba, Biskra, Souk Ahras, Constantine, Oran, Bou Ismaïl, Gouraya et d'autres villes, les islamistes n’ont pas pu perturber la marche des milliers de citoyens pour dénoncer à l'unisson les atteintes répétées contre l'islam et le prophète Mohamed, appelant au respect des religions et des symboles sacrés.
Un ministre de la Communication inapte
Mais la surprise est surtout venue du côté du pouvoir, de la classe politique et de la société civile qui n’ont pas su élaborer une position cohérente et claire à même de mobiliser le peuple algérien face à ces événements. Ce n’est visiblement pas par manque de réactivité, puisque Bouteflika a envoyé le jour même de l’attentat contre Charlie Hebdo un message de condamnation, précédé par un communiqué du ministère des Affaires étrangères qui annonçait la position de l’Algérie condamnant cet acte terroriste. Des partis politiques ont promptement dénoncé les actes terroristes. Ramtane Lamamra a participé à la marche de Paris et, mercredi dernier, c’est le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, en tant que représentant du président de la République, qui a signé à l'ambassade de France à Alger, le registre de condoléances. Le pouvoir n’a pas manqué de réagir également après la dernière édition de Charlie Hebdo contenant des caricatures jugées hostiles à l’islam et au prophète Mohamed (QSSSL), le ministère des Affaires religieuses a fait un appel aux imams pour qu’ils consacrent le prêche de vendredi au prophète Mohamed (QSSSL). En parallèle, des manifestations ont été autorisées et organisées après la prière de vendredi. Mais les médias publics ont été absents de la scène alors qu’en France, toutes les télévisions ont été mobilisées non-stop sur une seule ligne éditoriale, celle de l’ «unité nationale» prônée par François Hollande, et ont servi de véhicule aux messages que le pouvoir français a voulu délivrer. Chez nous, le ministre de la Communication, Hamid Grine, a brillé par son absence. Aucune stratégie de la communication n’a été dégagée ni mise en œuvre par les médias publics et qu’auraient certainement suivi aussi d’autres médias privés, soucieux de défendre le pays, pour organiser des débats et éclairer les Algériens sur des événements sur lesquels ils étaient interpellés. En fait, le gouvernement paraît paralysé et encore plus dans le contexte de rumeurs sur un remaniement annoncé et qui ne vient pas. Le pouvoir est perturbé par la mobilisation contre le gaz de schiste. Habitué des mesures unilatérales et arbitraires, le ministre de l’Energie, Youcef Yousfi, est arrivé en retard sur les plateaux de télévision alors que la protestation a déjà pris une tournure de toute évidence irréversible. Dans un langage paternaliste qui relève du passé et qui n’a plus cours en 2015, il continue de croire qu’il suffit d’expliquer aux gens une mesure pour la faire appliquer alors qu’il s’agit avant tout d’écouter les explications des autres et accepter de rectifier si nécessaire une démarche viciée au départ. Résultat : le spectacle lamentable d’un ministre qui supplie les populations d’In Salah de venir et dialoguer alors que lui-même les a ignorés il y a à peine quelques jours, lors de son passage se voulant triomphal à In Salah, accompagné par deux autres ministres et surtout par les médias. La société civile très active au sud du pays semble absente au nord et l’a montré vendredi en laissant dériver la manifestation pacifique que les islamistes ont voulu récupérer et dénaturer en lui donnant des formes violentes et un contenu pro-terroriste. Le gouvernement, la classe politique, les organisations syndicales, l’UGTA particulièrement, mais aussi toute la société civile, sont interpellés par ce qui s’est passé vendredi à Alger.
Houari Achouri

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