Dossier – Ministère de la Poste et des TIC : une institution dédiée au secteur ou à un opérateur ? (II)

La loi 2000-03 du 5 août 2000, fixant les règles générales relatives à la poste et aux télécommunications, a confié au ministère de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication, outre la mission de mener à bien le développement du secteur par l'élaboration d'une réglementation adéquate, encourageante pour les investisseurs et rassurante pour les opérateurs, celle de veiller au respect de la législation et de la réglementation régissant ce secteur, le respect d'une concurrence loyale entre les opérateurs et à l'égard des usagers et le respect par les opérateurs des obligations contenues dans leur cahier des charges.
Dans les faits, «la réalité est toute autre», font remarquer des experts dans le domaine : «Le ministère de la Poste et des TIC ne donne pas l'impression de se conformer aux missions qui lui ont été assignées». Nos sources, qui constatent que ce département ministériel qui a connu un nombre incalculable de responsables à sa tête durant ces quinze dernières années, «agit directement en faveur de l'opérateur historique comme s'il était le ministère d'Algérie Télécom et non celui de tout un secteur, de surcroît stratégique et névralgique pour le développement de l'économie nationale».
Enumérant un certain nombre de dossiers relevant du ministère et qui ne sont pas pris en charge ou sont négligés, nos sources évoquent notamment l'accès à Internet. Bien que le gouvernement fasse actuellement de l'économie numérique sa priorité, conscient que le développement de l'économie nationale passe obligatoirement par un accès généralisé et à haut et très haut débit à Internet, cette mission est confiée à Algérie Télécom dont le modèle économique est inadapté du fait d’une situation quasi monopolistique, et malgré des défaillances nombreuses qui font subir au pays un grand retard dans le domaine des télécommunications en dépit des moyens gigantesques mis par l’Etat à la disposition de cet opérateur incapable de valoriser ces investissements colossaux et qui offre une piètre qualité de service. «Cette situation résulte essentiellement de la mauvaise gestion des ressources par les managers d’Algérie Télécom», signalaient d’autres sources à notre site, mettant en avant la contradiction flagrante entre les équipements d’accès et de transmission de dernière génération acquis par l’opérateur et son incapacité à offrir un débit de qualité satisfaisante.
Dans le même temps, s’étonnent nos sources, «les opérateurs nationaux privés qui se sont aventurés dans l'offre de services internet, encouragés en cela par les pouvoirs publics, sont en train d'être tués par les pratiques anticoncurrentielles et l'abus de position dominante d’Algérie Télécom», une entreprise considérée comme une espèce d’appendice du ministère. Pour illustrer cette asphyxie, nos sources citent l’exemple des dizaines de fournisseurs d’accès à Internet qui se sont vu retirer leur autorisation par l’ARPT, l'autorité de régulation, sans que le ministère en charge du secteur bouge le petit doigt. Sur 98 ISP, 94 ont, en effet, cessé leur activité, alors que les quatre entreprises restantes se démènent pour se maintenir dans un climat d’affaires malsain. Les experts dans le domaine des télécommunications, qui précisent que le développement de l'accès à Internet «doit passer par le dégroupage de la boucle locale(*)», s’interrogent pourquoi aucun ministre n'a, en sa qualité d'Assemblée générale unique d’Algérie Télécom, instruit cet opérateur à l'effet de procéder au dégroupage comme stipulé dans la Déclaration de politique sectorielle qui a prévu cette opération pour l'année 2004 – soit depuis onze ans – de sorte à permettre l’accès par les autres opérateurs aux installations de l’opérateur historique et casser ainsi ce monopole qui fait peser une chape de plomb sur ce secteur qui peine à avancer à un rythme normal.
La situation n’est pas meilleure dans le domaine de la téléphonie fixe. Là aussi, le ministère entretient une situation de monopole bien que prohibée par la nouvelle loi relative aux télécommunications. Nos sources ne comprennent pas pourquoi ce département n’a, à ce jour, pas lancé un nouveau processus d'octroi de licence de téléphonie fixe : «Veut-on protéger Algérie Télécom en transgressant des dispositions légales ?», s’interrogent nos sources qui soulignent que cette situation «aberrante» pénalise les usagers et notamment l’administration «qui a grandement besoin de lignes téléphoniques fixes fonctionnant correctement, selon les normes fixées par l'Union internationale des télécommunications».
Les mêmes anomalies sont relevées dans le domaine de l’assignation des fréquences, «une ressource rare mal utilisée», selon nos sources qui estiment que le ministère doit procéder à une nouvelle planification, par le biais de l’Agence nationale des fréquences, relevant de son autorité, «pour permettre aux opérateurs autres qu’Algérie Télécom de bénéficier d'autres assignations de fréquences et libérer la place spectrale pour les nouveaux investisseurs». Ce qui permettrait la disparition des brouillages fréquents, source de conflits entre les opérateurs. Bien que des solutions à tous les problèmes qui entravent le développement rapide des télécommunications en Algérie existent, le ministère de la Poste et des TIC se confine dans la «e-dormance».
Lina S.
Prochaine partie : L’ARPT perçoit 2 100 millions de dinars par an pour un travail qu’elle ne fait pas
(*) L'installation qui relie le point de terminaison du réseau dans les locaux de l'abonné au répartiteur principal ou à toute autre installation équivalente d'un réseau de communications électroniques fixe ouvert au public.
 

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