Panthéa Kian à Algeriepatriotique : «Notre parti est frappé d’ostracisme en France» (I)

Algeriepatriotique : Votre mouvement, devenu le Parti pour l’émancipation du peuple (PEP), est très actif sur les réseaux sociaux et sur le terrain, mais on n’en entend pas beaucoup parler dans les journaux et sur les chaînes de télévision. Etes-vous victimes de l’ostracisme imposé par les médias mainstream ou est-ce un choix ?

Algeriepatriotique : Votre mouvement, devenu le Parti pour l’émancipation du peuple (PEP), est très actif sur les réseaux sociaux et sur le terrain, mais on n’en entend pas beaucoup parler dans les journaux et sur les chaînes de télévision. Etes-vous victimes de l’ostracisme imposé par les médias mainstream ou est-ce un choix ?
Panthéa Kian :
Ce n’est pas notre choix. Nous souhaitons avoir accès à la presse et à la télévision, mais, comme vous le savez, les grands médias français appartiennent à un nombre restreint de groupes financiers qui défendent bec et ongles la mondialisation capitaliste, le libre-échange, et les institutions supranationales. Il y a, c’est vrai, un véritable ostracisme envers notre parti qui se place résolument du côté du peuple, des classes dominées, qui veut recouvrer la souveraineté nationale et populaire, et qui milite donc intensément pour la sortie de l’Union européenne, de l’euro et de l’Otan, premier pas vers notre émancipation.
Votre parti affirme qu’il ne se positionne «ni à gauche ni à droite». Etes-vous plus au centre ou plutôt à l’extrême de ces deux tendances traditionnelles ?
Notre positionnement est clair : nous sommes résolument du côté du peuple, des classes dominées, c’est-à-dire des catégories populaires et des couches moyennes. Le clivage gauche-droite ne nous paraît plus pertinent, car il n’apporte que confusion, tant dans l’idéologie que dans l’action. Pour bien saisir cette notion inopérante de «gauche», permettez-moi quelques mots d’explication. Les firmes multinationales et les marchés financiers, avec les institutions supranationales, symboles du capitalisme, imposent le libre-échange, la concurrence entre les peuples et entre les citoyens, le chômage et l’aggravation des inégalités, la destruction de la planète, la dissolution de tous les processus démocratiques. Bref, la droite fait son boulot… Force est de constater que la gauche ne s’y oppose pas et qu’elle conduit dans l’impasse le peuple et en particulier les classes dominées. D’abord, qu’est-ce que la gauche ? De qui est-elle composée et que fait-elle ? En France, la gauche est composée d’abord du Parti socialiste, qu’il conviendrait de nommer parti social-démocrate ou encore social libéral. Au gouvernement depuis 2012, le parti socialiste mène une série de contre-réformes répondant aux injonctions de l’Union européenne vers toujours plus de libéralisation et de privatisation, de démantèlement de la République, de déconstruction du droit du travail et des politiques sociales, de réduction des prestations de la Sécurité sociale, d’appauvrissement des services publics à tous les niveaux et dans tous les domaines. A la gauche de la gauche, le Parti communiste français, le Parti de gauche (de M. Mélenchon) et des alternatifs de toutes sortes ainsi que des groupes issus de l’extrême gauche ont constitué un front de gauche. Ils appartiennent à la Gauche européenne, flirtent avec Europe Ecologie Les Verts (EELV), profondément fédéralistes, et passent parfois des alliances électorales avec le Parti socialiste. Ces organisations de gauche de gauche sont opposées à la sortie de l’Union européenne et de l’euro et prônent un changement de l’Union européenne de l’intérieur. Leur poids électoral ne cesse de diminuer en particulier parmi les classes dominées. On voit donc qu’aujourd’hui, le clivage gauche-droite traditionnel est obsolète. Le nouveau clivage est entre ceux qui défendent les classes dominées et les autres.
Quel est votre programme politique ?
Le détail complet de notre programme politique est en cours d’élaboration, mais en voici les 10 points clés adoptés par notre congrès de juin dernier :
1- Annuler toutes les «réformes» néolibérales prises ces quarante dernières années.
2- Reconquérir la souveraineté politique, militaire et diplomatique de la France en sortant de l’Union européenne, de l’Otan, et en démondialisant pour construire un nouvel ordre international.
3- Reconquérir la souveraineté monétaire et financière en sortant de l’euro, en démantelant les marchés financiers en France, en organisant le dépérissement de la Bourse et en annulant puis en restructurant la dette publique.
4- Reconquérir la souveraineté économique et industrielle par la nationalisation des grands groupes industriels, de services et médiatiques, des mesures protectionnistes dans le cadre rénové de la Charte de La Havane de 1948, pour une mutation écologique, sociale et démocratique des modes de production et de consommation.
5- Reconquérir la souveraineté fiscale pour faire basculer le partage de la valeur ajoutée en faveur du travail et construire des politiques d’égalité.
6- Instaurer le droit opposable à l’emploi permettant l’emploi pour tous, dans lequel l’Etat est l’employeur en dernier ressort.
7- Refonder la Sécurité sociale et les services publics pour reprendre la marche en avant de la justice sociale.
8- Bien-vivre grâce à une action d’envergure pour la protection de l’environnement, la dénucléarisation progressive, l’alimentation et l’agriculture.
9- Promouvoir la culture, la recherche, l’instruction publique et la francophonie.
10- Faire de l’Etat l’instrument de l’intérêt général pour rétablir la démocratie et la laïcité, et préserver les libertés publiques.
En convertissant votre mouvement en parti politique, comptez-vous participer aux prochaines élections locales et législatives ?
Nous avons décidé de devenir un véritable parti politique, et non une structure molle, invertébrée, comme il en existe tant et qui tournent en rond, indéfiniment, en refusant, précisément, le combat politique. La plupart des partis politiques français, en réalité, ne sont pas de vrais partis politiques, et ceci en particulier depuis 2008. Un vrai parti politique est une organisation qui a un projet de société, ou un programme, s’appliquant à l’échelle de la nation où les électeurs lui ont donné une majorité, seul ou en alliance avec d’autres partis. C’est à l’échelle nationale, et seulement à cette échelle qu’un parti politique peut présenter un programme et l’appliquer, en s’appuyant sur les moyens de l’Etat. Un projet de société est donc avant tout un projet national.
Bien entendu, chaque pays est relié aux autres pays par de multiples liens, et un projet national doit aussi traiter des relations internationales, c’est-à-dire des relations entre les nations.
Pourquoi affirmer que la plupart des partis politiques français ne sont pas de vrais partis politiques, et particulièrement depuis 2008 ?
Vous savez qu’en France, en mai 2005, s’est tenu un référendum qui a rejeté la Constitution européenne par 55% des voix. Or, en 2008, les députés de droite, du Parti socialiste et la plupart des écologistes ont ratifié le traité de Lisbonne qui n’est qu’un résumé de l’ancien projet de Constitution européenne. Ils ont ainsi commis un coup d’Etat parlementaire en bafouant le résultat du référendum. Ils sont donc illégitimes.
Ils sont même doublement illégitimes, car l’essence du traité de Lisbonne est de supprimer la souveraineté des pays membres de l’Union européenne, et singulièrement celle des pays de la zone euro :
– Suppression de la souveraineté monétaire par la mise en place d’une politique sado-monétariste avec l’euro.
– Limitation très avancée de la souveraineté budgétaire.
– Même chose pour la politique étrangère et de défense.
– Suppression de toute souveraineté en matière de commerce international puisque des mesures protectionnistes sont interdites et que les négociations commerciales internationales sont conduites par un Commissaire européen et non par les nations.
– Suppression de toute souveraineté sur la finance puisqu’il est interdit de restreindre la mobilité des capitaux.
– Etc.
Les partis politiques qui acceptent l’euro et l’Union européenne ne peuvent donc pas proposer de vrais projets de société, de vrais programmes à l’échelle nationale, parce qu’il n’existe plus de souveraineté nationale. En acceptant l’euro et l’Union européenne, ils acceptent que le souverain ne soit plus le peuple, rassemblé dans la nation, mais l’Union européenne, c’est-à-dire les représentants des classes dominantes. Ils ne peuvent donc proposer que des programmes compatibles avec le traité de Lisbonne, c’est-à-dire compatibles avec les intérêts des classes dominantes. Les partis politiques européistes sont les acteurs d’un théâtre d’ombres, des marionnettes dont les ficelles sont tirées depuis Bruxelles, Francfort, Washington, les sièges des grandes banques et des firmes multinationales. De fait, en abandonnant la lutte pour la souveraineté du peuple à l’échelle nationale, ils ne peuvent que proposer des programmes qui, derrière les artifices du maquillage et de la rhétorique, contribuent quoi qu’ils en disent à l’asservissement du peuple à l’ordre néolibéral mondial et à son avatar européen : l’Union européenne. Au total, la presque totalité des partis politiques français veulent interdire au peuple d’exercer sa souveraineté dans le seul espace où c’est possible, l’espace principal de la lutte des classes : la nation. La création du Parti de l’émancipation du peuple était donc indispensable pour combler un vide et sa participation aux élections est une des dimensions du combat politique.
Qui sont les militants du PEP ?
Les militants du Parti de l’émancipation du peuple viennent d’horizons variés. A l’origine du parti, les militants d’Attac qui voulaient continuer le combat du «NON» de 2005 à la Constitution européenne, puis au coup d’Etat parlementaire de 2008. Ces premiers militants ont été rejoints par les déçus des partis de gauche (surtout du PCF et du PG) qui ont compris, et ils sont de plus en plus nombreux, qu’il n’était pas possible de faire évoluer ces partis de l’intérieur et qu’ils perdaient leur temps. Nous les appelons à nous rejoindre rapidement, car le temps presse. D’autres viennent du Parti socialiste ou de la gauche de gauche. Enfin, et c’est logique, de nombreux camarades viennent de la famille gaulliste. Tous sont des militants attachés à la reconquête de la souveraineté nationale et populaire et à la défense des classes dominées.
Interview réalisée par M. Aït Amara et Mohamed El-Ghazi
(Suivra)

 

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