Razika : tuée par un automobiliste pour avoir refusé ses avances

Par Anaaf – Aujourd'hui, la violence envers les femmes est abordée sans complexe dans les médias algériens. Et c'est tout à leur honneur professionnel. L'évocation sans fard de l'assassinat de Razika, femme, pleine d'énergie vitale et de générosité, active envers les membres de sa famille et de ses voisins, écrasée pour avoir refusé les avances d'un obsédé, fait rebondir le problème de la violence faite aux femmes en Algérie et dans le monde. Beaucoup savent qu'elle est beaucoup plus répandue qu'on voudrait bien le dire. Les chiffres restent pourtant méconnus. L'anonymat et le grand secret, qui étouffent une situation vécue de violence, rendent difficile l'étude statistique du phénomène, même dans les pays qui s'affirment comme économiquement et scientifiquement «développés». Dans les faits, une victime n'est pas encouragée à en parler publiquement au motif que c'est contraire à une «morale sociale et/ou religieuse» dans certains pays. Le sujet de la violence faite aux femmes, bien qu'aujourd'hui reconnu, reste délicat, et les victimes qui oseraient en parler savent par avance qu'elles risquent une stigmatisation et une mise à l'index de la société. La volonté collective va toujours dans le même sens : celle des détails croustillants de l'agression sans jamais s'intéresser à la souffrance humaine des femmes. Pis, les questions relatives aux condamnations pénales prévues pour les agresseurs ne soulèvent aucune curiosité. Dans cette affaire, toutes et tous, femmes et hommes, partout dans le monde, les citoyens doivent se sentir responsables de la façon dont ils en parlent, dans la défense des victimes qui se tournent vers eux ou dans leur déni du problème. Il faudrait qu'ils arrêtent de s'intéresser uniquement au «quand-comment-pourquoi», de comprendre ou de disséquer les raisons des agresseurs. C'est le rôle de la justice et de ses serviteurs. D'une voix unie et forte, sans équivoque aucune, ils exigent démocratiquement de la justice de réparer l'injustice dont sont victimes les femmes et de confirmer d'une voix claire aux agresseurs ce qu'ils risquent, particulièrement en Algérie, pays de la fierté et de la solidarité légendaires et assumées. Oui, en Algérie, la reconnaissance du statut de la femme souffre encore d'une législation inefficace parce qu'elle est souvent inappliquée. C'est pour pallier cette lacune qu'il est honorable, louable et légitime de dénoncer le blocage de la loi sur les violences faites aux femmes, adoptée à la majorité par les députés de la première chambre le 5 mars dernier. Aujourd'hui, les discriminations envers les femmes persistent dans le pays, que ce soit en matière d'éducation, d'accès à l'emploi ou de représentation politique, et ce, malgré les nombreuses démarches et politiques entreprises ou mises en œuvre, ces dernières années, par l'État. C'est pourquoi le combat pour les droits des femmes doit être innovant dans le pays du 1er Novembre 1954. Il faut renforcer les associations de promotion des droits des femmes, afin de sensibiliser les femmes à la jouissance de leurs droits, et particulièrement à celui de participer à la vie de la nation à travers l'émergence d'un leadership féminin légitime, au regard des sacrifices énormes qu'elles ont consentis durant la Révolution pour libérer le pays. Les données disponibles montrent clairement que, jusqu'à présent, la promotion des droits des femmes reste toujours un défi en Algérie, comme dans beaucoup de pays dans le monde. L'Algérie dispose bien d'une politique en matière d'égalité entre les femmes et les hommes et son gouvernement a ratifié l'ensemble des conventions internationales relatives à l'égalité entre les sexes, mais les femmes algériennes continuent à subir des violences et des discriminations sociales. La difficulté réside essentiellement dans la pratique ou la mise en application de ces différents textes, souvent confrontée à divers défis sociaux, d'interprétations coraniques souvent approximatives et orientées ou d'us et coutumes. La puissante médiatisation de l'assassinat de Razika est un premier pas, mais il reste tant à faire. Pour enrayer ce phénomène qui nous interpelle, il faut impliquer les hommes dans une vaste campagne de sensibilisation à l'échelle du territoire national. Il faudrait s'attaquer à la «pensée unique» qui condamne les femmes, supposant systématiquement leur comportement comme «provocateur», et déplace la faute de l'agresseur à l'agressée, en les rendant coupables. Le phénomène de la violence faite aux femmes n'est pas propre à l'Algérie. Si l'on observe le cas français, fort d'une préconception d'une société développée, les résultats d'une enquête, réalisée en 2000 (enquête nationale sur les violences envers les femmes en France), font ressortir deux caractéristiques troublantes : «une femme sur dix est victime de violences conjugales, quelles qu'en soient les formes, et 50 000 viols furent perpétrés durant les trois dernières années avant publication de l'enquête». Au niveau mondial, si l'on réunit les différentes enquêtes menées par les ONG, on constate que les taux de violences physiques au sein des couples tout au long de la vie peuvent atteindre 50 % (Pérou) et s'établir au plus bas entre 15% et 20 % (Suisse, Japon), tout en révélant que les taux peuvent dépasser les clivages du développement (les taux sont quasi identiques pour les Etats-Unis ou la République dominicaine). Pour toutes ces raisons, encourager l'éducation à la citoyenneté est vitale pour la prise de conscience collective à propos de ce problème. L'intelligence des Algériens doit se révéler remarquable pour concevoir et appliquer les moyens de faire échec aux «dangers du silence» sur les violences faites aux femmes, qui ne l'oublions pas peuvent être leurs mères, leurs sœurs, leurs femmes ou leurs filles. Tout mal ou problème d'un pays ou d'un peuple réside dans son élite intellectuelle. Une élite qui vit de l'ignorance des problèmes de son peuple ou de sa société, une élite sans morale, ni éthique ni vertu, sans la moindre valeur et enfin sans repères est une élite «perdue», irresponsable et donc condamnable. Elle est d'autant plus condamnable si elle accepte d'être cotée à la «Bourse du mensonge» où elle troque son intellect contre l'avoir et le pouvoir, en faisant fi de l'ensemble des valeurs et principes qui constituent la personne, qu'elle soit homme ou femme. Puisse cette modeste contribution à la mémoire de la défunte Razika permettre une compréhension renouvelée et pluralisée des violences faites aux femmes, de leur réduction et de l'avancée des droits des femmes en Algérie et dans le monde.
Alliance nationale des associations des Algériens de France
 

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