Trévidic à propos de la déchéance de la nationalité : «Et si l’Algérie nous envoyait des déchus ?»

Le juge antiterroriste Marc Trévidic s’oppose au projet de loi sur la déchéance de la nationalité, qui a provoqué une vive polémique en France et qui concerne directement la forte communauté algérienne établie dans ce pays. «Que se passerait-il si l'Algérie, le Maroc ou les Etats-Unis nous adressaient des déchus ?», s’est interrogé le juge qui était en charge du dossier des moines de Tibhirine, en rappelant que le Royaume-Uni était en train de réfléchir à une réforme judiciaire analogue. «Une autre nation a-t-elle à gérer quelqu'un né chez nous ?», s’est encore demandé Marc Trévidic, dans un entretien au journal français La voix du Nord. Il explique que si un autre pays votait un texte similaire, il pourrait lui aussi envoyer une personne en France, car également française. «On n’exporte pas un terroriste», s’est insurgé le juge français, qui estime que la mesure de déchéance de la nationalité ne servira qu’à «fabriquer des apatrides». Pour lui, cette mesure est «très certainement inapplicable» et «ne peut pas avoir de caractère dissuasif». Sa mise en œuvre, a-t-il soutenu, «consommerait énormément d'énergie» et «créera davantage de problèmes qu'elle n'en réglerait». Le juge Trévidic campe néanmoins sur sa position indulgente vis-à-vis des terroristes, s’inquiétant de ce que l’expulsion du dangereux zélateur du fanatisme islamiste Abu Qutada par les autorités britanniques, aurait pu «constituer une menace pour sa sécurité» et que celle-ci n’a pu se faire qu’en 2013, bien qu’il fût arrêté huit ans auparavant. Le juge français craint, par ailleurs, que des opposants dans des régimes autoritaires puissent être qualifiés de «terroristes», dans la mesure, dit-il, où «la définition du terrorisme est très floue». Il estime que la France «est encore sous l’émotion due aux attentats» de Paris et que les Français réagissent à chaud à cette épreuve, au point que même un écologiste pourrait être «assigné à résidence» dans le cadre de l’état d’urgence. «Je suis très surpris de voir la rapidité avec laquelle on range nos principes au placard», a encore affirmé le juge Marc Trévidic, dont l’enquête sur l’affaire des sept moines assassinés par les terroristes du GIA a soulevé un tollé général en Algérie, en raison de son parti pris flagrant contre l’armée algérienne. Les propos qu’il vient de tenir dans les colonnes de La voix du Nord confirment, en tout cas, sa frilosité dans le traitement du très sensible et très complexe dossier de la lutte antiterroriste et que son approche, bien qu’elle se fonde sur le respect de la loi en toutes circonstances, ne représente pas moins une entrave à la guerre sans merci qui doit être livrée à des groupes armés sanguinaires et résolus.
Karim Bouali

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