Document exclusif – Comment Betchine détournait l’argent de l’Anep quand il était au pouvoir

Algeriepatriotiquea pu mettre la main sur un courrier officiel classé «secret», adressé au directeur de l’Agence nationale d’édition et de publicité (Anep) en février 1995. L’instruction, rédigée à la main par l’ancien directeur de cabinet du ministère de l’Intérieur, Lahcène Seriak, enjoint au directeur de l’Anep, à l’époque, de réorienter systématiquement toutes les annonces du ministère de l’Intérieur, qui constituent l’essentiel des placards publicitaires gérés par cette agence étatique à ce jour, vers les deux journaux du général Mohamed Betchine, qui occupait la fonction de conseiller politique du président Liamine Zeroual. La note secrète fait suite à une instruction du chef du gouvernement, Mokdad Sifi, lit-on dans le document, d’alimenter exclusivement les quotidiens L’Authentiqueet El-Acil,propriété du général Mohamed Betchine, outre les journaux publics, hormis Echaâb.Ce détournement de la manne publicitaire a permis au conseiller de Zeroual d’amasser une fortune colossale qui se chiffrait à un milliard de centimes par mois, avant de passer à deux milliards suite à l’instruction qu’il fit signer de force au directeur de cabinet du ministère de l’Intérieur et qu’il imposa au malléable Mokdad Sifi. Le message, formulé dans un style télégraphique, sur un papier portant l’en-tête de la sous-direction du chiffre du ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales et de la Réforme administrative (Miclera), fait référence à une conversation téléphonique ayant précédé l’envoi de cet ordre écrit, le directeur de l’Anep ayant vraisemblablement exigé qu’un document officiel lui fût adressé avant d’exécuter cette recommandation contraire au droit et dont il semble ne pas avoir accepté d’en endosser la responsabilité. «Suite notre conversation téléphonique et conformément aux instructions de M. le chef du gouvernement (…), honneur vous confirmer que mon département ministériel vous confie son portefeuille publicitaire (…). Les supports devant exclusivement être utilisés sont les titres publics (…) ainsi que les journaux El-Acilet L’Authentique», lit-on dans cette instruction dans laquelle le directeur de cabinet agit comme s’il était le ministre de l’Intérieur, s’attribuant de fait le département ministériel que dirigeait Abderrahmane Meziane Chérif. Ce dernier semble avoir été court-circuité par le général Betchine et Mokdad Sifi afin d’éviter qu’il constituât une entrave à cette opération de détournement de fonds déguisée. Lahcène Seriak – qui aura des démêlés avec la justice plus tard, dans une affaire de détournement de foncier à Alger – somme le directeur de l’Anep de publier les annonces des communes, daïras et wilayas, ainsi que de toutes les institutions relevant du ministère de l’Intérieur (DGSN, Protection civile, etc.) dans les journaux cités dans son message chiffré, et de passer outre le choix des annonceurs. «Vous voudrez bien réorienter les encours publicitaires émanant des collectivités locales et de leurs démembrements vers ces organes sans tenir compte des bons de commande», avait-il ordonné, sur instruction directe du chef du gouvernement et non pas de son supérieur hiérarchique, c’est-à-dire le ministre de l’Intérieur. Cette façon de procéder confirme la grave dérive du pouvoir à l’époque, suite à la création d’un Etat dans l’Etat par le conseiller politique de Liamine Zeroual, vraisemblablement à son insu. Le général Mohamed Betchine avait, à travers la désignation de ses hommes liges à différents niveaux de responsabilité, réduit à néant le rôle de l’Exécutif dont il avait fait un gouvernement de façade ; les véritables décisions étaient prises par des cadres subalternes, mais aux pouvoirs bien plus larges. Ce fut le cas, notamment, de Mohamed-Salah Diabi qui, en apparence, occupait la modeste fonction de cadre dans une banque publique, mais dont l’influence dépassait celle du ministre des Finances, voire du chef du gouvernement. La rapine dénoncée pas Algeriepatriotique et qui avait coûté son poste au colonel Fawzi a, en réalité, été instituée par le général Mohamed Betchine au milieu des années 1990. Ce dernier profita de ce que le pays était en proie au terrorisme et que les citoyens craignaient surtout pour leur sécurité et ne se souciaient pas de ces pratiques mafieuses insoupçonnées.
M. Aït Amara

Voir la note adressée au directeur de l’Anep

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