Terrorisme islamiste : quand les intellectuels algériens avertissaient les Occidentaux !

Interviewé par le journal français L’Humanité, en janvier 1998, Youcef Hadj Ali, auteur du livre Lettre ouverte aux Français qui décidément ne comprennent rien à l'Algérie(*), exhortait l’Europe à «sortir de l'équivoque en s'engageant à aider l'Algérie à combattre le terrorisme et, d'abord, en le faisant en Europe». Rappelant que l’ensemble des pays européens hébergeaient des terroristes chez eux, l’ancien rédacteur en chef d’Alger Républicain avait dénoncé la thèse du «qui tue qui» en son temps, regrettant que l’attentat de l’aéroport d’Alger en août 1992 eût été imputé aux services de sécurité algériens et que les efforts de l'Algérie pour combattre le terrorisme fussent sabotés. «Lorsque des militaires algériens ont été émasculés à la frontière algéro-tunisienne, on avait dit que c'était une mutinerie au sein de l'armée. L'attentat de l'aéroport d'Alger, on l'avait imputé à la sécurité militaire. On a accusé la sécurité militaire algérienne d'avoir perpétré les attentats à Paris. Et ça continue. Soit les militaires tuent, soit ils sirotent le café pendant les massacres. Tout ce que fait l'Algérie pour trouver une issue à la crise est systématiquement discrédité», avait dénoncé Youcef Hadj Ali, dix-huit ans avant les attentats meurtriers de Paris et de Bruxelles. «On ne peut pas comprendre ce qui se passe en Algérie si on ne prend pas en compte les conditions historiques, mais aussi concrètes. Je souhaite toutes les collusions possibles contre le terrorisme», avait encore affirmé l’intellectuel algérien, pour qui l'urgence consistait, à l’époque déjà, à «asseoir les bases d'un Etat républicain» et à «créer les conditions de l'irréversibilité de la démocratie». «Ce qui n'était pas le cas en 1991» avec le FIS, avait-il précisé. Youcef Hadj Ali avait, par ailleurs, qualifié l’expression «terrorisme résiduel», lancée par Ahmed Ouyahia, de «formule catastrophique», même si, avait-il noté, «il y a effectivement un recul du terrorisme» en Algérie. «En janvier 1993, j'avais publié un article dans la presse algérienne, intitulé La réaction des citoyens tarde. On parlait déjà des derniers soubresauts du terrorisme. Je disais que c'était une position suicidaire de considérer qu'on pouvait éradiquer ce phénomène en quelques années», avait encore relevé Youcef Hadj Ali. Il expliquait que les terroristes allaient réagir «comme une bête blessée», à partir du moment où ils n’étaient plus en mesure de s'emparer du pouvoir par les armes. La nébuleuse islamiste était entrée dans «un processus de dégénérescence» qui la rendait «encore plus cruelle», avait-il estimé. «Je ne pense pas que les attentats vont cesser et que l'armée algérienne seule puisse en venir à bout», avait-il prédit, mettant en avant la nécessité impérieuse de «clarifier d’abord les positions politiques» et d’«arrêter de semer la confusion» sur les véritables auteurs des assassinats en Algérie. «Qu'on arrête de renvoyer dos à dos Etat et terroristes !», avait-il conclu. Près de deux décennies plus tard, la leçon n’a toujours pas été apprise et le terrorisme a eu tout le temps de se renforcer et de s’installer durablement en Europe. Dommage !
Karim Bouali
(*) Lettre ouverte aux Français qui ne comprennent décidément rien à l'Algérie, Albin Michel, Paris 1998.

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