Recueillement sur la tombe d’Henri Maillot à Alger

Un recueillement sur la tombe d’Henri Maillot a eu lieu hier, samedi 4 juin 2016, au cimetière chrétien de Diar Saâda, à Alger. Une foule nombreuse a tenu, ainsi, à rendre hommage à ce digne fils de l’Algérie mort les armes à la main il y a de cela 60 ans. A travers ce recueillement, la foule nombreuse présente a voulu rendre hommage aussi à tous les militant(es) de la cause nationale d’origine européenne pour lesquels la patrie, faut-il le souligner, n’a pas toujours été reconnaissante. On pouvait reconnaître parmi les présents Yvette, la sœur d’Henri Maillot, et son neveu, les moudjahidate Annie Steiner, Eliette Lou, Louisa Ighilahriz, Mme Accompora, Mahmoud l’Argentin, «venu de sa lointaine Pampa pour se mettre au service de la Révolution algérienne», Mgr Tessier… ainsi que de nombreux autres moudjahidine et moudjahidate, des militant(es) et quelques personnalités nationales. La cérémonie a été l’occasion de rappeler à l’assistance l’émouvante lettre d’Henri Maillot adressée à la presse pour expliquer son engagement et son combat (voir encadré ci-dessous). A l’heure où l’on se fourvoie dans des débats inféconds, stériles et hors temps sur ce qui est appelé les «thawabits» comme si rien n’a changé et que rien ne changera, la lettre d’Henri Maillot mérite de figurer en bonne place dans les manuels scolaires pour repenser sans complexe la question de l’identité de façon ouverte, en prenant compte à la fois notre histoire revisitée mais aussi et, surtout, les défis qui concernent notre présent et notre devenir commun. Pour rappel, Henri Maillot, né le 11 janvier 1928 dans une famille d’origine européenne au Clos Salembier, actuellement El Madania, à Alger, est mort à l’âge de 24 ans, les armes à la main, le 5 juin 1956 dans une embuscade tendue par les supplétifs (harkis) de l'armée coloniale, menés par le bachagha Boualem, dans la région d'El Karimia (Chlef). A bord d'un camion chargé d'armes et de munitions, l'aspirant Maillot avait déserté, quelques mois plus tôt, l'armée française pour rejoindre le maquis «des combattants de la libération – CDL» avant leur intégration à l’ALN après les accords FLN/PCA du 1er juillet 1956. Avec Henri Maillot, et en même temps que lui, sont tombés au champ d’honneur ses compagnons Zernat, Moussaoui, Hanoune et Maurice Laban. Feu Mustapha Saâdoune, ancien des CdL et ex-officier de l'ALN, disait, quelque temps avant sa disparition : «Nous devons honorer tous nos chouhada sans distinction (…), il est honteux de faire de ces noms (les Algériens d'origine européenne ayant adhéré à la cause de l'indépendance) un tabou après la conquête de la souveraineté nationale.»
Arab I./C. P.

Lettre d’Henri Maillot à la presse
«L’écrivain français Jules Roy, colonel d’aviation, écrivait, il y a quelques mois : “Si j’étais musulman, je serais du côté des fellagha.”» [3]
Je ne suis pas musulman, mais je suis algérien, d’origine européenne. Je considère l’Algérie comme ma patrie. Je considère que je dois avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils. Au moment où le peuple algérien s’est levé pour libérer son sol national du joug colonialiste, ma place est aux côtés de ceux qui ont engagé le combat libérateur. La presse colonialiste crie à la trahison, alors qu’elle publie et fait siens les appels séparatistes de Boyer-Bance. Elle criait aussi à la trahison lorsque sous Vichy les officiers français passaient à la Résistance tandis qu’elle servait Hitler et le fascisme. En vérité, les traîtres à la France, ce sont ceux qui, pour servir leurs intérêts égoïstes, dénaturent aux yeux des Algériens le vrai visage de la France et de son peuple aux traditions généreuses, révolutionnaires et anticolonialistes. De plus, tous les hommes de progrès de France et du monde reconnaissent la légitimité et la justesse de nos revendications nationales. Le peuple algérien, longtemps bafoué, humilié, a pris résolument sa place dans le grand mouvement historique de libération des peuples coloniaux qui embrase l’Afrique et l’Asie. Sa victoire est certaine. Et il ne s’agit pas, comme voudraient le faire croire les gros possédants de ce pays, d’un combat racial, mais d’une lutte d’opprimés sans distinction d’origine, contre leurs oppresseurs et leurs valets sans distinction de race. Il ne s’agit pas d’un mouvement dirigé contre la France et les Français ni contre les travailleurs d’origine européenne ou israélite. Ceux-ci ont leur place dans ce pays. Nous ne les confondons pas avec les oppresseurs de notre peuple. En accomplissant mon geste, en livrant aux combattants algériens des armes dont ils ont besoin pour leur combat libérateur, des armes qui serviront exclusivement contre les forces militaires et policières et les collaborateurs, j’ai conscience d’avoir servi les intérêts de mon pays et de mon peuple, y compris ceux des travailleurs européens momentanément trompés.»
Henri Maillot
 

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