Information erronée sur la révolte des Zaatcha
Par Ali Farid Belkadi – Des sites consacrés à l’Algérie ont repris une information totalement erronée, qui figure sur le blog de Brahim Senouci. Celui-ci est l’auteur tardif d’une nouvelle pétition lancée au mois de juin dernier, calquée sur la mienne, initiée au cours du mois de mai 2011, au lendemain de ma découverte au MNHN de Paris, des restes mortuaires des résistants algériens à la colonisation.
Brahim Senouci, qui apparemment ne domine pas le sujet, écrit bien malencontreusement : «En 1849, deux ans après la défaite de l’Emir Abdelkader, l’Algérie « pacifiée » est le siège d’un terrible massacre dans la ville-oasis des Zaatcha. Une colonne lourdement armée, commandée par le général Herbillon, est opposée à une armée de résistants algériens, conduits par d’anciens compagnons de l’Emir Abdelkader, notamment le Chérif Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Boubaghla, Mohamed Benallal Ben Embarek, le Cheikh Bouziane, Moussa El-Derkaoui et Mokhtar Ben Kouider El-Titraoui. La bataille, du 17 juillet au 26 novembre 1849, est terrible. Au prix de très lourdes pertes, plus de 1 500 hommes, l’armée française réussit à investir l’oasis. (…) Les leaders de la rébellion font l’objet d’un traitement particulier. Ils sont décapités et leurs têtes exposées en public pour décourager d’éventuelles velléités de sédition. Ces têtes se retrouvent dans les cabinets des médecins militaires, grands amateurs de restes humains, et finissent au Musée de l’Homme, d’abord comme trophées de guerre, puis comme « objets d’études scientifiques ».»
Cette information est dénuée de tout fondement.
Les résistants Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Boubaghla, Mohamed Benallal Ben Embarek, lieutenant de l’Emir Abdelkader pour le Dahra, et Mokhtar Ben Kouider El-Titraoui qui lutta en Kabylie aux côtés de son père Kouider et de Moulay Brahim en Kabylie, n’ont pas été tués à l’issue du siège de l’oasis des Zaatcha par les Français. Ils sont morts à des époques distinctes, dans des localités différentes. En outre, la plupart d’entre eux n’ont rien à voir avec la résistance menée par le Cheikh Bouziane dans la région de Biskra.
Le présent rectificatif vient donc rétablir la véracité historique, afin de ne pas abuser l’opinion dans cette affaire livrée à une grande anarchie et toujours mal prise en charge par les autorités.
1) Mbarek Ben Allal dont le nom véritable est Ben Hamlan est mort le 11 novembre 1843, dans le combat de l’oued El-Malaḥ, six ans avant le siège de Zaatcha. Il a été enterré dans son «intégralité», avec sa tête décapitée, dans le mausolée de ses ancêtres, qui se trouve à Koléa. Il n’a rien à voir avec l’insurrection des Zaatcha.
2) Le Chérif Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Boubaghla est mort le 26 décembre 1854, donc cinq ans après le siège des Zaatcha. Boubaghla sera décapité par Lakhdar Mokrani assisté de son frère Boumezrag dans un lieu-dit «l’oliveraie d’Ikherbane» dans la commune de Tazmalt, en basse Kabylie.
3) Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui est mort à Tazazraït (Tizi Ouzou), dans la nuit du vendredi 28 au samedi 29 décembre 1855, six ans après le massacre de la population de Zaatcha par le corps expéditionnaire français. Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui a lutté contre les Français dans les contreforts du Djurdjura en compagnie de Moulay Brahim et de son père Kouider Ben Mhamed Ben Ferhat dit Al-Titraoui, aux côtés des llloula-ou-Malou, des Béni-Idjeur, des Akbiles, des Béni-Attaf et d’autres tribus encore, dont les Béni-Bou-Drar, les Béni-Ouassif, les Béni-Bou-Akkach, les Béni-Yeni. C’est le père, Kouider Al-Titraoui, qui batailla un temps à l’oasis de Zaatcha contre le corps expéditionnaire français, et non son fils Al-Mokhtar dont la tête tranchée se trouve au Muséum de Paris : «Kouider Al-Titraoui combattit un temps à Zaatcha en compagnie de Moussa Al-Darkaoui et du cheikh Bouziane. Voyant que la situation était sans issue, Moussa Al-Darkaoui lui confia la mission de rejoindre Moulay Brahim en Kabylie. C’est ainsi qu’il s’échappa de Zaatcha, vers Biskra, une nuit, pour rejoindre la Kabylie. Si Kouider se joignit à ce moment-là à Moulay Brahim qui se trouvait sur place. Puis, lorsque Boubaghla fit son apparition dans la région, Si Kouider s’attacha à lui et devint un de ses principaux lieutenants. Il s’établit aux Oulad Ali Ou Iloul dans les Béni-Sedka».
Les erreurs non rectifiées, du fait de leur répétition-amplification, finissent par s’établir en certitudes permanentes qui porteront obligatoirement préjudice à la véracité historique.
A.-F. B.
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