Un collectif d’avocats français exige le retrait d’un livre d’Aboubakr Al-Jazaïri
L’association française Avocats sans frontières vient de saisir la justice pour demander l’arrêt de diffusion d’un certain nombre d’ouvrages religieux jugés dangereux, parce que préconisant, selon les initiateurs de cette action, «le djihad offensif» et «les châtiments prévus par la charia». Ces livres se multiplieraient, notamment à la Fnac parisienne – la plus grande chaîne de magasins spécialisés dans la distribution de produits culturels. Le porte-parole de ce collectif, l’avocat Gilles-William Goldanel, cite comme exemple l’ouvrage intitulé Voie du musulman (en arabe Minhâj al-muslim), qu’il décrit comme un «guide parfait de la police islamique (…) recommandant de briser les instruments de musique et les tableaux, et, pire, de tuer les non-musulmans». Cet avocat n’omet pas de souligner les origines algériennes de l’auteur de ce guide, Aboubakr Al-Jazaïri, alors que celui-ci s’est depuis longtemps installé avec sa famille à Médine, en Arabie Saoudite, où il a exercé comme imam et théologien, avant de devenir l’exégète attiré de la monarchie wahhabite. Son ouvrage-référence était, à un moment, distribué gratuitement aux hadjis.
Pour Gilles-William Goldanel, cet ouvrage, spécialement, permet aux esprits faibles de «justifier des attentats sur le sol français», parce qu’il autorise les musulmans à tuer les «incroyants», en citant comme exemple cette fatwa, dont Al-Jazaïri n’est pas le seul promoteur : «Il n’y a aucun mal à tuer un incroyant et le musulman qui tombe au combat acquiert le statut de martyr».
Autre titre retenu par le collectif Avocats sans frontière : Al–Wajîz (Le Sommaire de la jurisprudence), de l’Egyptien Abdeladhim Ibn Badaoui, édité par un des principaux éditeurs wahhabites du monde, basé à Riyad, l’International Islamic Publishing House. Cet ouvrage est aussi en vente à la Fnac. Les avocats y décèlent un chapitre ne laissant aucun doute sur son orientation idéologique, celui relatif aux «sanctions légales» (en arabe : al-hudûd) incluant, entre autres, la condamnation à mort de l’apostat, les «cent coups de fouet» pour les «fornicateurs célibataires» et la lapidation de la femme non mariée qui vient d’accoucher.
Ce qui est encore plus inquiétant aux yeux des initiateurs de cette action, c’est le chapitre traitant du djihad, où il est mentionné : «Le djihad est obligatoire au moins une fois par an, car le Prophète, depuis qu’il lui a été ordonné, ne l’a pas délaissé une seule année et suivre son exemple est une obligation. (…) Il faut que tout le monde sache qu’en islam, les hostilités ne sont déclarées qu’après un ultimatum où l’ennemi devra choisir entre trois options : la conversion à l’islam, le payement d’un tribut ou, en dernier lieu, la guerre». Et de relever que ce livre a été photographié par Paris-Match dans la chambre d’un jeune Français parti faire le djihad en Syrie, en 2014.
On imagine que ce type d’ouvrages pullulent depuis longtemps dans les mosquées non-contrôlées de France et d’autres pays occidentaux, où des imams clandestins, souvent formés à la doctrine wahhabite, dont certainement des Algériens impliqués dans des réseaux de soutien aux GIA, professaient dans l’impunité totale. L’alerte n’a été donnée qu’après la série d’attentats qui ont endeuillé plusieurs pays d’Europe ces dernières années.
La même situation fut vécue en Algérie depuis le début des années 1980. Les autorités ont, depuis les années 1990 à ce jour, décidé d’interdire les livres religieux à tendance salafiste – notamment au Salon international du livre d’Alger – très prisés par les islamistes. Une réaction jugée plutôt tardive, parce que l’Etat n’avait pas su empêcher l’infiltration de cette propagande nocive à travers les médias publics (prêches du prédicateur yéménite Abdelmadjid Zendani, feuilleton sur Djamel-Eddine Al-Afghani), les maisons d’édition (réédition de la littérature subversive salafiste importée du Moyen-Orient) et les différents séminaires religieux organisés et financés par l’Etat. Quand la décision de mettre fin à cette aberration fut prise, il était trop tard ; le ver était déjà dans le fruit.
R. Mahmoudi
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