Une contribution de l’Anaaf – Des cercles influents en France veulent raviver le souvenir de la guerre d’Algérie
La vision belliciste de l’islam de certains candidats potentiels à l’élection présidentielle [française] de 2017 emprunte aux discours et à l’idéologie de la guerre des civilisations qui se situent dans une perspective de confrontation. Pour les tenants de cette ligne politique, l’islam présenté comme un système idéologique et non comme religion est devenu l’«ennemi de l’intérieur» et un obstacle majeur au maintien de la sécurité des Français dont il faut à tout prix contrôler, voire combattre, une partie de tous ceux et celles qui s’en réclament. A titre d’exemple, pour le candidat à l’élection présidentielle François Fillon, «il n’y a pas de problème de pratique de la laïcité en France. Seul l’islam et la pratique de son culte posent des problèmes à la République française.» Pour justifier ses arguments et sa volonté de mettre sous tutelle administrative le culte musulman, l’ancien Premier ministre rappelle que le Concordat a été imposé à l’Eglise catholique et dont le principe a, par la suite, été appliqué aux cultes protestant et israélite.
Le Concordat signé en 1801 entre le Saint-Siège et la France a permis de trouver un modus vivendi avec les catholiques en tenant compte de l’héritage révolutionnaire et la promotion d’un Etat moderne où le «culte» appartient au vocabulaire du droit administratif qui autorise la prise en charge et le contrôle par l’Etat de certains aspects de la religion. Cette mise sous tutelle de certains aspects des cultes, notamment du catholicisme, a été jugée efficace et étendue aux protestantismes et au judaïsme.
C’est au nom de cette expérience historique que beaucoup de responsables politiques voudraient imposer un cadre juridique et administratif à la pratique du culte musulman en France et mettre ainsi sous le contrôle de l’Etat une partie de ses attributions. Mais ils omettent volontairement de dire que, contrairement à l’islam, les autres cultes bénéficient de subventions de l’Etat et d’interlocuteurs officiels reconnus, conformément justement au Concordat, signé en 1801 entre le Saint-Siège et la France, qui permet à l’Etat français le contrôle des nominations du clergé séculier ; en contrepartie, il s’engage à le rémunérer, à entretenir et à édifier les lieux de culte.
En réalité, le discours politique et unanime de beaucoup de prétendants à l’Elysée est de justifier le maintien sous tutelle de la composante nationale française de confession musulmane, quitte à entretenir un étonnant paradoxe sur sa citoyenneté et le discours laïc qu’ils répètent comme des perroquets lorsqu’ils sont interrogés par les différents médias.
Cette contradiction et cette hypocrisie politique renforcent en réalité le discours de tous les extrémistes qui proposent la confrontation religieuse comme solution aux problèmes du monde aux dépens des efforts tentés par des musulmans authentiques et sincères pour repenser les rapports de l’islam à la société aussi bien en Occident que dans certains pays du monde musulman.
Pour notre part, nous nous sentons tout particulièrement interpellés parce que certains cercles influents en France, qui soutiennent des candidats à la présidentielle de 2017, considèrent que pour parvenir à une solution au problème de l’islam en France, «il faut raviver le souvenir de la guerre d’Algérie. Pourquoi ? Parce que les musulmans en France sont actuellement, à une écrasante majorité, Algériens ou Français d’origine algérienne. L’islam en France se tisse, à leurs yeux, sur la trame mémorielle des rapports franco-algériens et constitue un véritable “ennemi intérieur”».
Et si la guerre est, selon eux, effectivement déclarée à Daech au Moyen-Orient, à Al-Qaïda au Sahel, l’action contre l’ennemi intérieur reste, à leurs yeux, irrésolue, paralysée par des postures et règles de temps de paix, viciée par des calculs électoraux, polluée par des intérêts extraterritoriaux. Et c’est pourtant cet ennemi intérieur qu’un pouvoir aujourd’hui aussi désemparé qu’en mai 1958 devrait s’acharner à traquer.
Toujours pour les dirigeants de ces mêmes cercles, «les politiques au pouvoir, obnubilés par leurs calculs, aveuglés par leurs idéologies, se divisent et s’engluent dans un déni impuissant sans réaliser que les chocs intercommunautaires majeurs sont désormais inéluctables», et «cette ultra-droite qu’ils feignent de dénoncer, ils en nourrissent les rangs par leur pusillanimité». «Manœuvre pré-électorale ? Dangereuse provocation ? Alors demain, des foules tueuses pourraient se mettre en marche et provoquer un exode massif des musulmans», [prédisent-ils].
Leur conclusion est que «la France exténuée n’attend plus son barbare ; il est là, il va et il vient, et il faut le traiter. La gauche en est incapable, la droite y échouera. Toutes les conditions d’un soulèvement majeur sont réunies. Ne manque que le “détail”, souvent dérisoire qui en sera le déclencheur».
Pour toutes ces raisons, l’Alliance nationale des associations des Algériens de France demande aux membres de notre diaspora de se mobiliser démocratiquement pour participer massivement au congrès qu’elle projette d’organiser en mars 2017. L’objectif de ce congrès est de rassembler la diaspora algérienne en France afin qu’elle parle d’une même voix lorsque ses intérêts sont en jeu ou menacés.
Alliance nationale des associations des Algériens de France (Anaaf)
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