La Syrie, une Libye qui résiste

serguei Angleterre
Sergeï Skripal a été empoisonné. D. R.

Par Saâdeddine Kouidri – Au moment où une tortionnaire est promue à la tête d’une institution américaine, l’Angleterre accuse la Russie d’avoir franchi la ligne rouge, en empoisonnant l’agent-double Sergeï Skripal et sa fille le 4 mars à Salisbury. A croire qu’elle n’aurait pas accusé Poutine s’il les avait fait envoyer à l’hôpital autrement et non pas par un poison qualifié de spécifiquement russe, tout en sachant que l’inventeur de ce poison est logé depuis longtemps outre-Atlantique !

La réponse à l’accusation et à l’ultimatum de Theresa May est donnée par le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov : «Et pour ce qui est des bonnes manières, il faut se souvenir que l’époque du colonialisme est depuis longtemps révolue.» L’empoisonnement d’un ancien espion et le procédé dont use la chef du gouvernement du Royaume-Uni rappellent les opérations de bombardement utilisant des produits chimiques mises sur le dos du pouvoir syrien dont le dernier est l’attaque de Khan Cheikhoun du 4 avril 2017 que les Occidentaux imputaient au régime syrien, qui n’est, en fait, d’après les Russes, que le bombardement syrien sur un entrepôt d’armes chimiques tenu par les rebelles. Le régime syrien, quant à lui, accusait la France d’être «impliquée» dans le «crime». Dans cette guerre, qui doit-on croire ? La Syrie n’est-elle pas comme une Libye qui résiste grâce aux Russes ?

Cet assassinat de l’agent-double nous rappelle celui des leaders africains des années des mouvements de libération nationale et, particulièrement, le meurtre de Lumumba mais avec beaucoup plus de violence. Personne n’avait soupçonné les Anglais, pourtant un nouveau témoignage les incrimine au sujet de la mort du leader congolais en 1961. Dans une contribution au magazine London Review of Books du mois d’avril 2013, David Lea, membre de la Chambre des Lords, affirme que Daphne Park, qui était chef du MI6 à Léopoldville, aujourd’hui Kinshasa, de 1959 à 1961, lui avait confié en 2010 avoir «organisé» cet assassinat en 1961. Le motif était que la Grande-Bretagne craignait une possible alliance entre la République démocratique du Congo et l’Union soviétique, alors que les Belges étaient sur le point de se faire évincer du pays.

Comme on le constate, le Royaume-Uni n’est pas l’ennemi des Russes seulement mais de toute puissance qui s’oppose à la politique du club des pays de l’OTAN. C’est dans ce cadre que l’Oncle Sam manipule ses pions que sont la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Ces pays étant les alliés dans l’opposition au pouvoir syrien, cela suffit à les disqualifier.

Grâce à la Russie, «le président Al-Assad extermine son propre peuple», écrit Avaaz dans sa dernière pétition. Pour arrêter ce massacre, cette ONG pétitionne depuis le 17 mars à l’annulation de la Coupe du monde à Moscou, c’est-à-dire à la veille de l’élection présidentielle ! Elle informe qu’«en ce moment, la pression est en train de monter, le Royaume-Uni ayant annoncé qu’il n’irait pas, nous pouvons amener d’autres pays à faire de même». L’empoisonnement de l’espion à la retraite et de sa fille est couplé à la guerre en Syrie. Dans les deux cas, qui tire les marrons du feu ? Quand on sait que Trump répète ce que disait Obama sur la ligne rouge à ne pas franchir, c’est-à-dire l’utilisation des produits chimiques, on peut, sans être grand clerc, deviner que cette utilisation spécifique a pour objectif d’attiser le feu et d’empêcher les Syriens de récupérer leurs terres. Qui d’autre pourrait le faire qu’un vaincu comme l’OTAN au Viêt-Nam et en Algérie ? Qui d’autre que ceux qui promeuvent une espionne de l’espèce de Gina Haspel, ou la diplomatie française qui, en Syrie, a perdu son latin ou la mafia russe que le chef de l’opposition britannique Jeremy Corby pointe du doigt, en indiquant la trace à suivre qui est, dit-il, dans le blanchiment de l’argent des oligarques russes dans la City ?

Il est évident que ce n’est ni dans l’intérêt du pouvoir syrien et encore moins celui de Moscou de recourir à de telles méthodes. Le peuple syrien est victime de la politique expansionniste du sionisme, il a demandé à la Russie de l’aider. C’est donc le seul pays qui a la légitimité d’être présent en Syrie et la présence de tous les autres est hors la loi car, en vérité, la ligne rouge à ne pas franchir reste la frontière de la Syrie.

Pourquoi Avaaz fait-il l’amalgame entre l’affaire de l’empoisonnement de l’espion et la guerre en Syrie ? Pourquoi accuser les Russes avant de répondre à leur exigence conformément à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques qui prévoit qu’en cas d’utilisation de substances interdites, une demande d’information soit envoyée au pays soupçonné d’en être à l’origine qui, à son tour, a le droit de procéder à ses propres analyses ? Et «ne coopérerait avec Londres concernant l’empoisonnement d’un ex-agent russe qu’à condition d’accéder à la substance toxique», déclare la Russie. Si cette substance est d’origine russe, comme le prétend le gouvernement anglais, il n’y a donc aucun risque de révéler un secret en leur répondant puisqu’ils connaissent la formule du poison.

Cette ligne rouge à ne pas franchir est comme un appât à la disposition de tous les ennemis des peuples et une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de ses dirigeants. Tous les belligérants disposent de l’arme chimique. Le bombardement de Khan Cheikhoun, par exemple, n’était-il pas un piège tendu par l’un d’eux ?

Ce piège joue le même rôle que le «qui tue qui» de l’internationale socialiste et ses ONG durant les années 1990. Leur «qui tue qui» jetait l’opprobre sur les Algériens victimes des terroristes islamistes tout en innocentant les bourreaux, dans le but de fléchir les services de sécurité et la classe politique et la résistance du peuple. Pourquoi à aucun moment l’ONG ne cite-t-elle pas les bombardements des pays de l’OTAN sur la Syrie ? Les incursions des bombardiers israéliens et turcs depuis que l’armée syrienne a vaincu Daech ? Pour plusieurs médias, les ennemis du peuple syrien se sont évaporés comme un gaz incolore et inodore pour faire du président Al-Assad l’unique coupable, l’unique problème. C’est la thèse de la diplomatie occidentale et particulièrement française chère à Nicolas Sarkozy. Après Kadhafi, voilà Al-Assad, le Syrien qui, depuis plus de sept ans, reste comme un os en travers de la gorge de Fabius et ses acolytes.

La destruction des républiques voisines d’Israël a pour but d’affaiblir la résistance palestinienne et préparer le grand Israël. La Syrie résiste grâce aux Russes et paye un lourd tribut. La lutte des peuples syrien et palestinien sera, nous l’espérons, à l’image de cette Algérie qui a vaincu, voilà 56 ans, le 19 mars 1962, la France et ses alliés de l’OTAN.

S. K.

Comment (5)

    kilma
    20 mars 2018 - 22 h 51 min

    Les russes jouent le rôle des arabes lâchent qui ne pensent qu’à courber l’échine devant leurs maîtres américains et sionistes . Bravo aux hommes russes et honte aux sous hommes arabes,à qui Poutine a proposé une grêffe des testicules en Russie.si la Libye avait un ami russe,elle serait encore debout etl le guide libyen serait en train de couler une retraite tranquille.
    ALLAHOU akbar.

    chark
    20 mars 2018 - 21 h 36 min

    N’oublions pas que la Syrie ne doit son salut que par la présence sur son sol des forces Russes , des Pasdarans Iraniens et du Hezbollah Libanais sans cela la pauvre Syrie aurait été démembré depuis 4 ans !….

    awrassi
    19 mars 2018 - 9 h 58 min

    Excellent article dans le fond comme dans la forme ! J’espère que notre Armée a choisi son camp : la résitance à l’Otan et aux sionistes. J’ai plus confiance en elle que dans nos politiques …

    Chaoui
    19 mars 2018 - 8 h 37 min

    MÉMOIRE COURTE !
    Il nous fait mal de voir l’Otan débarquer aujourd’hui dans notre pays comme de voir certains de nos responsables politiques et militaires les côtoyer et se réunir avec ces membres criminels.
    Il va ainsi aussi de voir de hauts gradés militaires français débarquer à…Alger tandis que leur pays persiste à nier ses crimes coloniaux perpétrés chez-nous durant 132 années coûtant la vie à plus de 5 millions d’Algériens dont des milliers subirent le sort barbare de se faire couper qui la tête qui les oreilles !
    En recevant ainsi, comme si rien ne s’était passé, nos bourreaux d’hier nous nous exposons à revivre pareille ignominie parce que tout simplement avec les occidentaux l’histoire se répète toujours.
    NON à une collaboration avec l’OTAN. Et un même NON tout aussi résolument ferme à une entente avec l’armée française.

    Abou Stroff
    19 mars 2018 - 8 h 30 min

    le drame syrien fait, comme je ne cesse de le répéter, partie de le dynamique de dépeçage de tous les états du moyen-orient (qui s’étend, politiquement, de l’atlantique au golfe persique) en micro-entités basées sur la religion et/ou l »ethnie ». ce dépeçage a deux objectifs indissociables:
    1- assurer au capital financier mondial (fraction dominante de l’heure du capital mondial) des marchés non-protégés où la valorisation du capital serait optimale étant donné la faiblesse structurelle des micro-entités.
    2- assurer la pérennité de l’entité sioniste, entité raciste basée sur la religion, qui ferait oublier son essence de vestige colonial pour se présenter comme le produit de commandement divins (que tout « bon » musulman doit accepter sans rechigner, ni râler).
    moralité de l’histoire: la résistance de l’Etat syrien (je précise que je n’éprouve de la sympathie ni pour les successions dynastiques ni pour les dictateurs qui se prennent pour des démiurges) est peut être le début de la fin de la stratégie impérialo-sioniste dont l’objectif ultime est l’asservissement de tous les peuples sans distinction de race, de sexe ou de tout autre chose.

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